Les cinq mis en cause présumés d’un vaste trafic de faux documents administratifs ont été interpellés dans la matinée du 24 novembre, avant d’être entendus à la section de recherches de Paris, sous le régime de la garde à vue, puis placés en détention provisoire. Reportage.
Au cœur de la nuit, la Section de recherches (S.R.) de Paris s’anime en silence. Chacun s’équipe, chacun sait ce qu’il a à faire. Les gendarmes s’engouffrent dans les véhicules. Direction : Saint-Denis et La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, Longjumeau, dans l’Essonne, et Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Objectif : interpeller cinq hommes suspectés de participer à un vaste trafic de faux documents administratifs nationaux, internationaux et privés.
Cette opération est le fruit d’une longue enquête, commencée en mars dernier, initiée par les enquêteurs de la Division délinquance économique et financière numérique (DDEFN) et de la Division atteintes aux biens (DAB) de la S.R. de Paris. « De longues investigations techniques et physiques ont permis de matérialiser de très nombreux échanges de faux papiers contre de l’argent liquide », expose le lieutenant Pierre, chef adjoint de la DAB.
Une pièce d’identité par la fenêtre
Le réseau était constitué de faussaires, chargés de l’impression des documents, et de revendeurs. C’est l’un de ces revendeurs présumés que les gendarmes sont venus appréhender, ce mardi 24 novembre, dans une rue étroite de Saint-Denis. À 6 heures précises, ils pénètrent dans l’immeuble de trois étages. Deux militaires opèrent aussitôt un bouclage au niveau de l’arrière de la maison, où ils reçoivent une pièce d’identité jetée par une fenêtre, au moment précis où leurs camarades frappent à la porte du mis en cause…
Malgré l’heure, l’homme ne semble pas ensommeillé, et tout porte à croire qu’il n’a pas encore commencé sa nuit. Un autre homme, non concerné par l’enquête, et un chien sont également présents dans l’appartement. L’animal est enfermé dans une pièce, par sécurité. Les premiers échanges avec le suspect tournent au dialogue de sourds. Aux gendarmes, qui lui exposent les raisons de leur présence et lui demandent de décliner son identité, il répète benoîtement que c’est la première fois qu’il a « des problèmes avec la justice », qu’il est « gentil » et qu’il « aimerait comprendre »… Son français semble imparfait, et il est un temps envisagé d’avoir recours à un interprète en langue arabe. Cela s’avérera finalement inutile, l’homme parlant et comprenant parfaitement notre langue.
L’individu est placé en garde à vue et les perquisitions commencent, précises et minutieuses, avec l’aide d’une équipe cynophile. Plusieurs cartes d’identité, de nombreux téléphones et 4 000 euros en liquide sont notamment saisis.
Cinq sur cinq
« Les cinq suspects ont été interpellés sans incident, se félicite le lieutenant Pierre, à l’issue de l’opération. En tout, nous avons saisi plus d’une centaine de documents falsifiés, 25 000 euros en numéraire, des comptes bancaires et de la crypto monnaie (bitcoins), ainsi que des ordinateurs et des téléphones portables, qui vont être exploités par les Cyber N’Tech de la gendarmerie, et des imprimantes numériques qui seront, elles, exploitées par l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). C’est la force de la gendarmerie d’avoir des spécialistes dans de nombreux domaines. »
Cette opération judiciaire a effectivement mobilisé de nombreuses compétences de la gendarmerie. Les enquêteurs de la DDEFN et de la DAB ont été renforcés par quatre enquêteurs du Plateau d’investigation de la fraude à l’identité (PIFI), du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), deux enquêteurs de la Cellule de lutte contre le travail illégal et les fraudes (CELTIF), du groupement de gendarmerie de Seine-et-Marne, deux équipes cynophiles, ainsi que par trois Pelotons de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG) Sabre, deux de la Gendarmerie des transports aériens (GTA) de Roissy et Orly, et celui de Rambouillet. Des renforts de la police nationale des commissariats territorialement compétents appuyaient la manœuvre.
« Au-delà du démantèlement d’une économie souterraine particulièrement lucrative, il y a aussi une dimension sécuritaire importante, souligne le lieutenant Pierre. Ces faux documents pouvant servir à faire venir des étrangers sur le territoire national pour y commettre des actes malveillants, comme on l’a récemment vu à Nice. »
Les cinq mis en cause ont été placés en détention provisoire dans l’attente de leur jugement, le 11 janvier 2021. Trois gardés à vue, en situation irrégulière, font l’objet d’arrêtés d’expulsion du territoire national, tandis que l’un d’eux est sous le coup de deux mandats d’arrêt européens, à la demande des autorités italiennes.
© Pôle vidéo – Sirpa gendarmerie