Face à la multiplication des dépôts d’ordures sauvages et à la gronde des élus locaux ainsi que de leurs administrés, le groupement de gendarmerie départementale des Yvelines muscle sa politique de lutte contre les atteintes à l’environnement. Mi-janvier, 80 militaires participaient à une opération labellisée « Territoires Propres ».
Une « mer de déchets » : c’est ainsi qu’était qualifié un amoncellement de dépôts sauvages, entassés à Carrières-sous-Poissy, dans les Yvelines (78). À l’époque, en 2018, la zone s’étendait sur près de 45 hectares et comptait environ 7 500 à 8 000 tonnes de détritus en tous genres, comme des baignoires, des radiateurs, de la tôle, des gravats et autres pots de peinture…
Le BTP dans le viseur des autorités
Depuis, les ordures de l’ex plus grande décharge sauvage d’Île-de-France ont été collectées et triées. Mais les départements de la grande couronne (Seine-et-Marne, Essonne, Val-d’Oise et Yvelines) n’en restent pas moins sous la menace de nouveaux dépôts sauvages, en partie générés par le secteur du Bâtiment et travaux publics (BTP).
Selon le ministère de la Transition écologique, le BTP produit annuellement 42 millions de tonnes de déchets, soit l’équivalent de la quantité annuelle de détritus produite par les ménages. Rien qu’à Paris, 5 065 chantiers sont en cours, dont deux titanesques : celui du Grand Paris et ceux des Jeux Olympiques de 2024.
Hausse du nombre de dépôts sauvages
Qu’ils proviennent du BTP, de « monsieur-tout-le-monde » et autres, la gestion non maîtrisée des ordures préoccupe. En 2019, le collectif « Stop Décharges sauvages » dénombrait plus de 130 dépôts sauvages en Île-de-France. Et depuis 2020, « ce nombre ne fait qu’augmenter », assure le colonel Sylvain Tortellier, commandant du groupement de gendarmerie départementale des Yvelines.
La situation inquiète autant les gendarmes que les élus du département et leurs administrés. Elle a d’ailleurs conduit les militaires à mener une opération locale, labellisée « Territoires Propres », avec l’appui de l’OCLAESP (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique).
Le 19 janvier 2022, pas moins de 80 militaires étaient rassemblés pour contrôler une vingtaine de cibles suspectées d’atteintes à l’environnement, réparties sur tout le département. Parmi elles, une dizaine de dépôts sauvages, de véritables « fourre-tout, allant des métaux aux pneus, en passant par des déchets issus du BTP », décrit le colonel Tortellier.
« Lorsque nous sommes arrivés sur le site d’une entreprise peu scrupuleuse, il y avait une noria de camions, qui attendaient pour déverser leur chargement, raconte l’officier. C’était impressionnant ! » D’où l’objectif, fixé en amont, de contrôler la cargaison des poids lourds.
Au total, les gendarmes, accompagnés de leur partenaire, la DRIEAT (Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement, de l’Aménagement et des Transports), ont contrôlé 117 semi-remorques, 35 camionnettes et attelages de particuliers, ainsi que 180 personnes.
Le bilan provisoire de l’opération est éloquent pour les gendarmes, moins pour l’environnement. Trois enquêtes préliminaires ont été ouvertes sur les décharges sauvages, neuf infractions à l’environnement ont été relevées, une dizaine de sites contrôlés et neuf nouveaux dépôts sauvages identifiés, en partie grâce à l’application « stop décharges », installée sur les terminaux des enquêteurs.
36 000 décharges sauvages en France
En France, depuis 2020, les opérations labellisées « Territoires Propres » se multiplient. Les groupements de gendarmerie, comme celui des Yvelines, font de la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique une priorité.
« Certaines ONG annoncent l’existence de 36 000 décharges à ciel ouvert sur notre territoire. C’est une préoccupation pour 90 % des collectivités territoriales », rappelait, dans une interview accordée à Gend’Info, le général Sylvain Noyau, commandant l’OCLAESP. Et en majorité, ces décharges illégales se trouvent dans le sud-est de la France et… dans le Grand Paris.
Pour les élus d’Île-de-France, comme d’ailleurs, le sujet est une vraie source d’inquiétude, avec de graves précédents : en 2019, le maire de la commune de Signes, dans le Var, était décédé après avoir été renversé par le conducteur d’un fourgon, venu déposer illégalement des gravats sur un chemin privé de la commune.
L’union fait la force
Afin de rassurer les élus, mais aussi de leur fournir une assistance face à ce phénomène, la gendarmerie des Yvelines dispose d’un fil de discussion avec eux, baptisé « GEND’VERT », pour Vigilance, Environnement et Résilience des Territoires.
D’autres boucles similaires, sur une application de messagerie instantanée, ont également été ouvertes avec d’autres partenaires, comme l’Office français de la biodiversité (OFB), celui des forêts (ONF), les éco-gardes du conseil départemental 78 et bien sûr l’OCLAESP.
« Cela permet une remontée efficace et coordonnée des informations », explique le commandant du groupement. Groupement qui, par ailleurs, dispose également d’une BDRIJ (Brigade Départementale de Renseignements et d’Investigations Judiciaires), chargée, en autres, d’effectuer une mission de renseignement en sources ouvertes (OSINT, pour Open source intelligence) sur cette thématique.
Des moyens destinés au terrain
Enfin, sur le terrain, le groupement se donne également les moyens de repérer les dépôts d’immondices, souvent cachés de la vue de tous. Pour cela, il déploie deux moyens projetables, à savoir deux postes à cheval, répartis sur le département, ainsi que des « motos vertes », qui permettent d’intervenir au plus vite sur des terrains interdits ou non praticables pour des engins thermiques.
Enfin, toujours au niveau des moyens engagés, le groupement emploie des EASP (Enquêteur Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique), des gendarmes formés par l’OCLAESP pour traiter cette problématique.
Un groupe d’enquête spécialisé, le SYLVE (Sud Yvelines Législation Environnement), a aussi été mis sur pied. Ses membres sont chargés de cibler et d’enquêter sur les différentes atteintes à l’environnement (pollutions, trafics d’animaux, droit de chasse/pêche…).
Pour finir, côté prévention, les militaires organisent des sessions de sensibilisation, à la fois auprès des élus, mais aussi dans le cadre de la phase 2 du SNU.
Source: gendinfo.fr