Pour faire face à l’afflux de touristes en été, les huit militaires de la Brigade territoriale autonome de l’Île d’Yeu, l’une des cinq unités côtières de la Compagnie de gendarmerie départementale des Sables-d’Olonne, reçoivent le renfort de quatre sous-officiers du Groupement de gendarmerie départementale de la Vendée, ainsi que de huit réservistes. Présentation du dispositif et de ses missions.
Posée sur l’océan, à 17 kilomètres des côtes vendéennes, l’Île d’Yeu est la terre la plus éloignée de l’Hexagone, Corse mise à part. Pas de pont ici, comme chez ses cousines de Noirmoutier, Ré ou Oléron. On y vient en bateau, toute l’année depuis La Barre-de-Monts, et en saison depuis Saint-Gilles-Croix-de-Vie, ou par voie aérienne. On vous déconseille la nage. Ce mercredi 17 août, Yeu porte encore dans son ciel les stigmates d’une nuit agitée. L’orage a grondé et, dans la matinée, des seaux d’eau tombaient encore d’on ne sait où. Le soleil luttera toute la journée avant de finir par percer brillamment.
En été, sur « l’Île d’Île » (Yeu venant du mot Oya signifiant île en langue germanique latinisée), la population enfle de manière spectaculaire, de 5 000 habitants à l’année, selon le dernier recensement (sans doute un petit peu plus depuis le confinement), à 35 000 personnes par jour pendant les grandes vacances, avec des pics à 40 000 le week-end du 15 août.
Six sous-officiers et deux Gendarmes adjoints volontaires (GAV) arment la Brigade territoriale autonome (BTA) à l’année, renforcés en juillet et en août par quatre sous-officiers d’autres compagnies du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) de la Vendée et huit réservistes. « Il y a une belle osmose entre les gendarmes d’active et les réservistes dans cette unité », se félicite le commandant du GGD, le colonel Arnaud Pellabeuf, en déplacement sur l’île dans le cadre de sa revue des effectifs du Dispositif estival de protection des populations (DEPP).
Anarchie à vélo
La saison estivale et le caractère insulaire du territoire génèrent des problématiques particulières. La première est liée à la circulation sur l’île, notamment celle des vélos. Au fur et à mesure du débarquement de touristes, les bicyclettes de location partent comme des chocolatines à l’heure du petit-déjeuner. « On a l’impression qu’une fois sur l’Île d’Yeu, les gens pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, qu’il n’y a plus de règles », regrette Judith Le Ralle, adjointe au maire déléguée à la culture et à la sécurité. Et quand il n’y a plus de règles, c’est vite l’anarchie. Sens interdit, stop grillé comme une merguez au barbecue, portable en main, l’autre tenant maladroitement le guidon…
En fin de matinée, les gendarmes patrouillent dans le dédale de maisons blanches aux volets bleus, autour du marché quotidien de Saint-Sauveur, n’hésitant pas à déplacer eux-mêmes les vélos stationnés n’importe comment. À la sortie du marché, ils installent un point de contrôle pour dissuader les potentiels contrevenants, et sanctionner, le cas échéant.
Il y a là le brigadier-chef Louis, et ses superbes moustaches que n’auraient pas reniées les Brigades du Tigre. Après trois ans à Laval, en Mayenne, en Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG), puis en brigade, il avait demandé à rejoindre sa Vendée natale, et si possible l’Île d’Yeu. Vœu exaucé : il a été affecté à la BTA en avril de cette année, et s’y sent comme un poisson dans l’Atlantique. « Je suis entré en gendarmerie en tant que GAV à la fin de mes études, sur les conseils de mon père, lui-même gendarme. Ça m’a permis de découvrir ce métier, et je passe le concours de sous-officier en septembre, en Bretagne. Je cours régulièrement afin de m’entraîner pour l’épreuve sportive. » Et comme terrain de footing, il y a pire que le GR 80 qui encercle l’Île d’Yeu, avec vue sur la grande bleue.
Au côté de Louis, voici le brigadier Sébastien, 41 ans, réserviste de la gendarmerie depuis deux ans. Ce Vendéen, patron d’une entreprise de vente à domicile de produits bio dans le civil, termine sa troisième mission de 13 jours sur l’île. « Je n’aime pas rester sans rien faire, j’aime m’engager au service des autres. La gendarmerie offre une belle diversité de missions. J’ai notamment participé à l’opération Poséidon de Lutte contre l’immigration clandestine (LIC). Passer de ça à l’Île d’Yeu, c’est ça qui me plaît ! »
Dans la patrouille du jour, il y a aussi le gendarme Jérémy, détaché, lui, de la brigade de proximité d’Essarts-en-Bocage. Cet ancien pompier est devenu gendarme il y a trois ans. « J’ai répondu à un appel à volontaires pour venir sur l’île du 1er au 28 août, ça me permet de voir autre chose, de sortir de ma routine, de diversifier mes missions. » Enfin, le quatrième militaire de la patrouille du jour est réserviste et se prénomme Yoann.
En mer avec le requin blanc
La deuxième problématique quand on est gendarme sur une île, c’est bien sûr la mer. La BTA possède son propre moyen nautique – un White Shark (requin blanc en anglais, NDLR) – et les patrouilles sont partagées avec la Gendarmerie maritime et la Brigade nautique côtière (BNC) de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, qui se rendent régulièrement dans ces eaux. « Nous réalisons des contrôles en mer, essentiellement des plaisanciers et des pêcheurs particuliers, confirme le major Richard, commandant de la BTA. Nous vérifions qu’ils possèdent bien tout le matériel de sécurité obligatoire et qu’ils respectent les quotas de pêche. Nous contrôlons également que les casiers à crustacés sont immatriculés, à raison de deux par bateau maximum, et aux normes. Dans le cas contraire, ils sont relevés et saisis pour destruction. »
Enfin, troisième problématique : l’alcool. L’Île d’Yeu n’attire pas seulement les amoureux de nature, des randonneurs séduits par sa diversité sauvage, entre dunes et pinèdes, ou des familles attirées par ses belles plages. La nuit, le port devient le théâtre d’excès éthyliques en tout genre. Appelons un chat un chat : c’est une beuverie ! « Entre deux heures, horaire de fermeture des bars, et six heures du matin, quand ouvrent les boulangeries, les jeunes restent dehors et consomment de l’alcool, décrit le major Richard. Nous devons gérer les incivilités, les éventuelles bagarres, faire couper le son des enceintes mobiles pour limiter les tapages. »
Les gendarmes patrouillent jusqu’à sept heures du matin : des réservistes et deux militaires d’active, un Officier de police judiciaire (OPJ) et un Agent de police judiciaire (APJ), accompagnés par des policiers municipaux, même si ceux-ci sont en nombre réduit cette année, à la suite de difficultés de recrutement. « Nous avons eu quelques nuits compliquées, regrette Judith Le Ralle. Mais la forte présence des gendarmes et des policiers municipaux a incontestablement eu un effet dissuasif. »
Prochaine étape de notre tour estival de la Vendée : Saint-Jean-de-Monts.
Source: gendinfo.fr