Le matin du 31 janvier 2023, une opération judiciaire de grande ampleur était déclenchée de manière concomitante dans plusieurs pays européens : en France, en Allemagne, en Italie et en Suisse. Son objet ? Une enquête de la section de recherches d’Angers, menée sous l’égide de la juridiction interrégionale spécialisée de Rennes et coordonnée par Europol et Eurojust. Retour sur un dossier au long cours.
Tout a commencé début 2019, lors d’une opération judiciaire conduite au Mans, par les gendarmes des unités de la Sarthe. Au cours de perquisitions réalisées dans des locaux annexes d’établissements commerciaux, ces derniers constatent la présence de machines à sous. Cette découverte « incidente » débouche sur l’ouverture d’une enquête préliminaire par le procureur de la République du Mans, confiée à la Section de recherches (S.R.) d’Angers et au Groupement de gendarmerie départementale (GGD) de la Sarthe.
Au cours du mois de septembre 2019, les investigations menées par les enquêteurs permettent d’identifier deux individus : le propriétaire des machines et un intermédiaire, lequel réalise leur maintenance et se charge également de la récupération des gains. Les gendarmes parviennent à matérialiser la mise à disposition illicite des appareils au profit des établissements perquisitionnés. En effet, l’utilisation de machines à sous en tant que jeux de casino est soumise à une réglementation spécifique, précisée dans la loi, qui n’était pas du tout respectée ici.
Mais les choses ne s’arrêtent pas là : les militaires découvrent que ce réseau de malfaiteurs dispose également d’ordinateurs portables afin de se connecter sur des sites de paris en ligne illicites. Le travail des enquêteurs leur permet de transmettre au magistrat un dossier débouchant sur les chefs suivants : mise à disposition, en bande organisée, d’appareils de jeux de hasard ou d’argent, association de malfaiteurs et blanchiment aggravé.
Le procureur de la République du Mans se dessaisit alors au profit de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes. Au vu du type d’enquête et de l’ampleur que celle-ci commence à prendre, des investigations supplémentaires doivent être menées : le magistrat décide alors l’ouverture d’une information judiciaire le 18 décembre 2019 pour les mêmes chefs d’inculpation.
Une enquête complexe menant au-delà des frontières…
L’enquête se poursuit pour la section de recherches d’Angers, co-saisie avec plusieurs autres services : le groupement de gendarmerie départementale de la Sarthe, le Groupe interministériel de recherches (GIR) de Nantes, ainsi que le Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) Grand Ouest, basé à Nantes. Ce dernier est un service des douanes spécialisé dans la répression de la délinquance douanière, financière et fiscale.
Les différents services mènent leurs investigations dans le cadre d’une commission rogatoire et parviennent à identifier une vingtaine d’autres commerces concernés par le trafic, via le même réseau de malfaiteurs. Ce sont souvent des débits de boissons, répartis un peu partout sur le territoire. Les investigations sont minutieuses et longues, car l’enquête, non seulement particulièrement complexe, est aussi freinée par l’épidémie de COVID-19, qui a entraîné la fermeture de ce type d’établissements. Néanmoins, les enquêteurs parviennent à identifier une organisation structurée dépassant le cadre des frontières françaises, avec des ramifications allant jusqu’en Allemagne et en Italie, mais aussi en Roumanie et en Turquie, que ce soit pour l’installation des machines, leur maintenance, ou encore la récupération des fonds misés.
… pour une opération coordonnée majeure
Après deux ans de travail méticuleux, une opération d’envergure est déclenchée le 31 janvier 2023 dans 14 départements français. Mais celle-ci ne se limite pas au territoire national et se déploie également en Allemagne, en Italie et en Suisse. Bien que placée sous la direction de la JIRS de Rennes, elle est coordonnée par Europol et Eurojust au regard de la dimension européenne. Près de 630 personnels sont engagés simultanément sur l’opération dans les différents pays concernés : 200 agents allemands, pour la plupart du département de la police criminelle de Cologne, 100 Italiens, majoritairement issus de la polizia economico-finanziaria de Perugia, et 50 agents suisses de la federal gaming board et la police cantonale d’Aargau. Pour la France, ce sont 280 gendarmes, policiers et douaniers, qui interpellent 26 des 29 individus. Deux autres sont interpellés en Allemagne et le dernier en Italie. Dans le même temps, pas moins de 53 perquisitions sont réalisées par les différents services. Le résultat est sans appel : 24 machines à sous sont saisies par les enquêteurs en France et en Allemagne, ainsi que plus de 250 000 euros, des véhicules, mais aussi un bien immobilier.
À la suite des 25 gardes à vue, sept des mis en cause ont déjà été présentés au magistrat instructeur, l’un étant placé en détention provisoire et les six autres sous contrôle judiciaire. Parallèlement à cela, 4 personnes font l’objet d’un mandat d’amener pour être conduites devant le juge d’instruction. Ce dernier a également délivré 5 mandats d’arrêt européens. Les autres individus sont laissés libres, sans poursuite pour le moment.
Les mises en examen portent sur les chefs suivants : importation ou fabrication en bande organisée d’appareils de jeux de hasard, offre illégale en bande organisée de paris ou jeux d’argent, blanchiment en bande organisée, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement et réalisation en bande organisée d’opérations de jeux d’argent et de hasard prohibés.
Cette enquête complexe et de longue haleine a demandé savoir-faire et détermination aux gendarmes, qui l’ont ainsi menée à bien de manière efficace.
Source: gendinfo.fr