Pour faire face à l’afflux de vacanciers durant la saison hivernale, les stations les plus importantes de Savoie bénéficient chaque année de renforts visant à soutenir les forces de gendarmerie locales. Décryptage à Tignes, où le dispositif hivernal de protection des populations est opérationnel depuis le 22 décembre.
Nichée au cœur du massif de la Vanoise, en Haute-Tarentaise, à plus de 2 000 mètres d’altitude, la station de Tignes jouit d’une renommée internationale. Son domaine skiable exceptionnel et son label Top of the french Alps attirent chaque hiver les amateurs de ski venus de toute l’Europe. La commune, où résident à l’année 2 500 âmes, enregistre durant la saison touristique une forte affluence de population, pouvant atteindre 35 000 personnes. Une augmentation record, constituant un défi de taille pour la station savoyarde, où se côtoient sportifs, familles et étudiants en quête de vacances festives.
Afin de renforcer la sécurisation du site, en station, sur les pistes, ou sur les routes, et ainsi contribuer à la tranquillité de tous, Tignes bénéficie depuis plusieurs décennies du renfort de gendarmes engagés dans le cadre du Dispositif hivernal de protection des populations (DHPP).
« À l’occasion de la saison hivernale, dix postes provisoires de gendarmerie, également nommés brigades avancées, sont ouverts au cœur des stations les plus importantes de Savoie. Soit un effectif total d’environ 130 gendarmes détachés de leur unité au profit du DHPP », explique le lieutenant-colonel Hervé Rouzier, adjoint au commandant du Groupement de gendarmerie départementale de la Savoie (GGD 73), qui coordonne le dispositif. Déployé du 22 décembre 2023 au 6 mai 2024, le DHPP associe des militaires de la Gendarmerie départementale (G.D.), de la Gendarmerie mobile (G.M.) et de la réserve opérationnelle.
Un dispositif à la hauteur des enjeux
Ce jeudi 21 décembre, les chefs des dix brigades avancées de gendarmerie de Savoie, leurs adjoints, et les commandants des brigades territoriales dont ils dépendent, sont réunis à Albertville autour du lieutenant-colonel Hervé Rouzier. Objectif : rappeler à chacun les directives opérationnelles et les axes d’action prioritaires, à vingt-quatre heures du coup d’envoi du DHPP. Car d’ici le lendemain, les militaires rejoindront leur affectation, pour quatre mois et demi. À Tignes, la brigade avancée est composée de quatorze gendarmes, issus d’unités plurielles. À sa tête se trouve le capitaine Ludovic D., de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) de Grenoble (Isère), secondé par le major Philippe S., de l’EGM de Belley (Ain). Trois gendarmes habilités OPJ (Officier de Police Judiciaire), ainsi que sept gendarmes mobiles et deux gendarmes adjoints volontaires complètent le dispositif. Venus renforcer la Brigade territoriale autonome (BTA) de Val-d’Isère, unité de rattachement de la commune de Tignes, ils exercent une mission de sécurité publique au contact permanent de la population, des élus, des commerçants et des professionnels du tourisme de la station.
Chaque hiver, l’afflux massif de touristes dans les stations savoyardes, soit près de 950 000 personnes au plus fort de la saison, engendre divers troubles à l’ordre public. Des infractions liées au trafic et à l’usage de stupéfiants, ainsi que des atteintes aux biens et aux personnes, sont également enregistrées. Addictions, violences intra-familiales, accidents de la route, ou encore cambriolages, n’épargnent pas les vacanciers sur leur lieu de vacances.
Station à la fois sportive et festive, Tignes attire de nombreux étudiants, ainsi qu’une importante clientèle étrangère, principalement anglaise, belge et hollandaise.
« Si la station est épargnée par la grande délinquance, elle est néanmoins le théâtre de certaines nuisances et de trafics en tous genres : alcool, drogue, vols… L’enjeu pour la mairie est d’assurer la sécurité des personnes et de veiller au respect de la réglementation », précise Serge Revial, maire de Tignes depuis 2020.
Les gendarmes présents sur tous les fronts
Face aux enjeux sécuritaires inhérents à la saison touristique, les gendarmes de la brigade avancée sont présents sur tous les fronts. « Notre mission première consiste à mener auprès de la population des actions de prévention sur les conduites à risque, en particulier la consommation d’alcool et de stupéfiants, spécialement par les mineurs. C’est là un axe essentiel, ce d’autant que l’altitude majore fortement l’effet de ces substances. Contacts quotidiens, dialogue et prévention sont la clé de voûte de notre action, indique le major Philippe S., adjoint au chef du poste provisoire. À cet effet, nous intervenons aussi bien sur les pistes, à proximité des restaurants d’altitude, qu’au sein de la station, dans les rues et aux abords des bars et discothèques. Les établissements de débit de boissons font l’objet d’une vigilance particulière concernant la vente d’alcool aux mineurs. »
De jour comme de nuit, de nombreuses patrouilles de gendarmerie quadrillent ainsi la station, à pied ou en véhicule, couvrant les quatre sites principaux (Val-Claret, Tignes-le-Lac, Tignes 1800, Les Brévières), ainsi que tous les hameaux du secteur.
L’objectif est d’aller à la rencontre des citoyens et des commerçants, de lutter contre les trafics et les atteintes à la tranquillité publique, grâce à une présence dissuasive.
L’occasion également pour les gendarmes d’établir un contact privilégié avec les commerçants et de recueillir diverses informations permettant d’ajuster le dispositif de surveillance et d’intervention. Pour les commerçants, la présence des militaires tout au long de la saison représente un bénéfice indéniable. « Nous sollicitons fréquemment les gendarmes de la brigade avancée dans le cadre de litiges avec nos clients. Leur visibilité et leur réactivité contribuent à instaurer un climat plus serein. Ce lien de confiance est pour nous essentiel », observe le responsable de l’un des magasins de matériel de ski de la station.
Également présents sur le domaine skiable, les gendarmes épaulent la soixantaine de pisteurs-secouristes de la station à travers la mise en œuvre d’actions de prévention, de contrôle ou de répression, face aux comportements dangereux, encore trop nombreux sur les pistes. L’évolution du matériel et la démocratisation du ski ont en effet induit une multiplication des incidents.
En cas d’accident à l’origine de blessures corporelles, les gendarmes, en particulier ceux du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de la Savoie, bénéficiant également de renforts durant la période hivernale, procèdent aux constatations et au recueil d’informations afin d’établir les circonstances des faits et de réunir les preuves en vue de déterminer les responsabilités de chacun.
Dotée de trois gendarmes habilités OPJ, la brigade avancée assure les missions essentielles de police judiciaire. « À l’image de la plupart des stations de sport d’hiver, Tignes concentre sur un territoire restreint des faits de délinquance similaires à ceux que l’on observe dans la vallée. Dans ce microcosme, nous sommes confrontés à toutes sortes de violences, généralement sur fond de drogue ou d’alcool, sans oublier les vols de skis, de portefeuilles ou encore de portables », rapporte la maréchale des logis-cheffe Sandra D., jeune trentenaire affectée à la brigade territoriale de Val-d’Isère, engagée dans le DHPP pour la cinquième année.
La station dispose par ailleurs d’un appartement d’urgence, permettant la mise en sécurité des victimes de violences intra-familiales.
Enfin, les gendarmes de la brigade avancée participent à la gestion des flux routiers. Située au fond de la vallée, la station de Tignes est accessible par une route unique, longue et sinueuse, la D902. Traversée par un couloir d’avalanche, celle-ci se trouve parfois bloquée en cas de fortes chutes de neige. C’est alors qu’interviennent les gendarmes, venant sécuriser la zone et gérer le flux d’usagers de part et d’autre du secteur. Les arrivées et les départs groupés de touristes, associés à une météo difficile, peuvent également générer d’importantes difficultés de circulation, nécessitant l’intervention des forces de gendarmerie. Régulièrement, ces dernières mènent des opérations de contrôle des équipements des véhicules dans la vallée, afin d’éviter tout blocage de la route lié à l’absence de chaînes ou de pneus hiver, obligatoires en zones montagneuses.
Une réussite opérationnelle fondée sur la coopération de tous les acteurs
Tous les jeudis matin, à la mairie, se tient une réunion rassemblant autour de la table le maire de Tignes, le directeur de la station, le directeur de la régie des pistes, les services techniques, les représentants de la police municipale, de la gendarmerie et des sapeurs-pompiers, la STGM (société exploitant les remontées mécaniques de la station) ou encore les représentants des parkings. Un rendez-vous hebdomadaire incontournable, lors duquel sont évoqués les faits marquants de la semaine écoulée, et le plan d’action des jours à venir. « L’objectif est d’identifier les difficultés, potentielles ou avérées, afin d’anticiper et d’adapter les moyens en conséquence. Nous préparons les arrivées, chiffres à l’appui. Un point météo est systématiquement réalisé. Toute l’actualité de la station est également abordée. Les événements spéciaux, tels que la parade de Noël ou le Réveillon du Nouvel An, font l’objet de réunions spécifiques, afin de structurer l’organisation et le dispositif de sécurité, indique le maire de Tignes. L’enjeu, c’est aussi de faire partager tous les acteurs concourant au bon fonctionnement et à la sécurisation de la station. Créer entre tous une cohésion, propice au partage et à la communication. La connaissance des forces et des contraintes de chacun facilite la bonne coordination entre tous. »
Pour Jacques Villalba, directeur de la régie des pistes, qui durant la saison hivernale coordonne pas moins de 107 professionnels (pisteurs-secouristes, mécaniciens, dameurs…), le partenariat avec les forces de gendarmerie se déroule de façon optimale. « De nombreuses actions sont menées en coordination avec les gendarmes de la brigade avancée, sur les quatre massifs dont nous avons la charge : information et sensibilisation de la clientèle, sécurisation, évacuation… Ainsi, lorsque nous procédons au déclenchement d’une avalanche, nous nous appuyons sur les militaires afin d’intensifier les patrouilles et de sécuriser le domaine public, aussi bien sur les pistes que sur les axes routiers », explique-t-il, se félicitant de la pleine réussite opérationnelle des missions conduites en collaboration avec la gendarmerie.
Dès la première journée d’ouverture du domaine skiable à Tignes, ce 25 novembre 2023, trois alertes avalanche étaient ainsi déclenchées. Face à l’omniprésence de la menace, pisteurs et forces de sécurité intérieure sont mobilisés chaque jour afin de prévenir les risques et sécuriser la pratique du ski. Lorsque survient une avalanche d’ampleur ou tout accident grave, les militaires du PGHM (les semaines paires), techniciens montagnards hautement qualifiés, dotés en outre de prérogatives judiciaires (OPJ), ou les CRS montagne (les semaines impaires), sont alors dépêchés sur les lieux. Spécialisées dans le secours aux victimes en milieu périlleux, ces unités disposent de moyens spécifiques, notamment héliportés.
Que ce soit dans leurs missions de prévention, de contact à la population, de contrôle ou de sécurisation, les gendarmes de la brigade avancée sont partie intégrante d’un vaste écosystème, dont chaque acteur tient un rôle essentiel à la préservation de l’activité touristique en montagne.
« Première destination des Français en hiver, la montagne française accueille également de nombreux étrangers. L’image que nous donnons à voir se doit d’être exemplaire. Dissuasive et rassurante, la présence sur le terrain des forces de gendarmerie est absolument primordiale », conclut Serge Revial.
Source: gendinfo.fr
