Près de 90% des trajets s’effectuent sur les routes. Élément essentiel du maillage territorial, les infrastructures routières jouent un rôle primordial en matière de sécurité routière, mais subissent le coût croissant de leur entretien dans un contexte budgétaire contraint.

L’amélioration de la qualité et de la sécurité des réseaux routiers figure dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 qui fixe les orientations stratégiques et programmatiques en matière d’investissements dans les systèmes de transport, de modernisation des infrastructures et d’organisation des usages. L’entretien du réseau routier et autoroutier s’exerce cependant dans un cadre budgétaire contraint, tant au niveau national que local.

La gestion des infrastructures routières et l’impératif de budgets contraints

En 2019, la France est passée à la 18e place du classement mondial du Forum économique mondial pour la qualité de ses infrastructures routières après avoir occupé la première place en 2012. Ces infrastructures représentent pourtant un enjeu de compétitivité, de sécurité routière et de transition écologique.

Un réseau routier en danger ?

Selon l’Observatoire national de la route (ONR) dans son rapport annuel de 2023, près de 19% du réseau routier national non concédé (routes nationales et autoroutes gratuites) et environ 10% des routes départementales (la qualité du réseau est variable selon les départements) sont en mauvais état. Le document précise que, globalement, les autoroutes sont en meilleur état que les autres routes.

Plusieurs rapports pointent le mauvais état des routes de France. Dès 2017, un rapport d’information du Sénat intitulé « Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger », dresse le constat d’une détérioration des réseaux routiers due à la diminution des crédits d’entretien. Cette dégradation affecte non seulement le réseau routier national non concédé de 12 000 km mais également le réseau concédé. Elle se traduit notamment par une multiplication des limitations de vitesse temporaires ou des mesures de restriction de la circulation.

Les rapports d’audit externe du réseau routier non concédé, réalisés par deux cabinets suisses indépendants (Nibuxs et IMDM) et rendus public en juillet 2018 par le ministère des transports, révèlent un vieillissement de ce réseau et une dégradation des chaussées et des ouvrages d’art préoccupante. Ces audits mettent également en évidence un sous-investissement dans l’entretien et la gestion du réseau routier, entre 2007 et 2017, comparé à des pays voisins comme la Suisse, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas.

La Cour des comptes vient confirmer, dans un rapport de mars 2022, que les risques de dégradation du réseau routier sont devenus importants, en raison d’un effort financier insuffisant. La Cour pointe également le manque de moyens humains et techniques depuis la mise en œuvre de la politique de décentralisation. Elle relève notamment l’affaiblissement de l’expertise scientifique et technique qui a des conséquences dommageables en matière d’évaluation et de suivi de l’état des infrastructures.

La programmation et le financement des investissements des infrastructures à l’horizon 2027

Dès février 2018, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures propose une programmation des investissements fondée sur différents scénarios de financement à l’horizon 2030-2040 en fonction de leur acceptabilité sociale et de la transparence de l’affectation des recettes. Parmi les pistes de financement figurent notamment une part plus importante faite à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ou aux amendes forfaitaires encaissées via les radars à destination de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

À la suite de la publication de l’audit externe du réseau routier, le gouvernement annonce, devant le Sénat le 15 mai 2018, un plan de sauvegarde des routes. Ce plan concerne les chaussées, les ouvrages d’art et les équipements du réseau routier national non concédé. Un milliard d’euros par an sont consentis pour l’entretien et la modernisation des routes, contre 800 millions en 2018. Ce plan prévoit « des objectifs quantitatifs d’amélioration du réseau routier », fixés tous les cinq ans à partir de 2022.

Les choix en matière d’infrastructure sont désormais inscrits dans la loi d’orientation de la mobilité du 24 décembre 2019. L’État programme 13,4 milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures de transport sur la période 2018-2022 et 14,3 milliards pour la période 2023-2027. La loi renforce le rôle de la région comme chef de file de la mobilité pour coordonner les compétences mobilité de l’ensemble des autorités organisatrices sur leur territoire régional.

Depuis, la loi du 22 mars 2024 permet de mettre à disposition des régions volontaires des portions d’autoroutes et de routes nationales non concédées pour une durée de 8 ans. Elle complète la loi dite « 3 DS » du 21 février 2022 qui prévoit ce transfert à titre expérimental.

La Cour des comptes, dans son rapport de 2022, souligne que les besoins de financement sont devenus d’autant plus importants que les politiques routières font face à des défis encore plus nombreux que par le passé, comme la limitation de l’empreinte écologique des infrastructures ou l’adaptation aux effets du changement climatique. Le Gouvernement a lancé en 2023 un programme de modernisation du réseau routier de l’État dans le cadre de la politique de planification écologique. Doté de 200 millions d’euros d’ici 2027, ce programme se fixe comme objectif d’agir en faveur:

  • d’une meilleure protection de la ressource en eau, notamment pour réduire les risques de pollution à proximité des captages d’eau potable ;
  • de la lutte contre les nuisances, notamment acoustiques, par exemple grâce à la mise en place de « murs anti-bruit » aux alentours des autoroutes ; ;
  • du rétablissement de continuités écologiques, pour permettre le cheminement de la faune ;
  • du partage de la voirie pour favoriser les nouveaux usages de la route ;
  • de la sécurité routière et de la mobilité connectée.

Les concessions autoroutières en débat

Les concessions d’autoroute font l’objet de vives critiques depuis la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), notamment en raison d’une rentabilité jugée trop élevée par certains experts. Les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont été revues avec le protocole d’accord signé le 9 avril 2015. Ce protocole, qui vise à aménager les clauses contractuelles, prévoit notamment l’introduction d’un mécanisme de plafonnement de la rentabilité des concessions, un programme de travaux financés directement par les SCA, une contribution volontaire exceptionnelle à l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF) parallèlement à la création par certaines des SCA d’un fonds d’investissement dédié à l’amélioration des infrastructures et le renforcement de la politique commerciale des SCA en matière de développement durable.

La durée des principales concessions a été allongée permettant un amortissement des investissements sur une plus longue période. Parallèlement, le gel des tarifs de péage en 2015, pour les sept sociétés concessionnaires privées dites historiques (Cofiroute, ASF, Escota, APRR, Area, Sanef et SAPN) a été compensé par des hausses de rattrapage étalées entre 2019 et 2023.

Pour sa part, la Cour des comptes a dénoncé dans un référé rendu public le 18 avril 2019 la décision de l’État d’allonger les concessions autoroutières en contrepartie de la réalisation de travaux de maintenance, notamment parce que le report du financement de travaux à une échéance lointaine, qu’implique cette décision, représente à terme un surcoût pour l’usager.

Les bénéfices jugés particulièrement élevés des SCA et le prix des péages ont conduit en 2023 le Gouvernement a examiné l’hypothèse d’un raccourcissement de la durée des concessions. Le Conseil d’État saisi par l’exécutif sur ce projet a, dans un avis consultatif rendu le 8 juin 2023, rappelé que s’il est possible de mettre fin unilatéralement à un contrat de concession avant le terme fixé initialement, la procédure à suivre est très encadrée, afin de ne pas porter préjudice aux intérêts de l’entreprise concessionnaire. Dans un autre avis, le Conseil d’État a estimé qu’un accroissement de l’imposition des SCA est possible à condition toutefois de rester proportionné et de ne pas viser exclusivement les sociétés d’autoroute mais aussi d’autres concessions de l’État.

Entre 2031 et 2036, les sept principales concessions, soit plus de 90% du réseau concédé, arriveront à leur terme, offrant ainsi une opportunité pour l’État d’améliorer le modèle concessif actuel. L’Autorité de régulation des transports (ART) (rapport 2023) estime que le modèle concessif présente des avantages (sécurisation des financements nécessaires à l’entretien de l’infrastructure, rationalisation des choix d’investissements), mais elle en souligne également les limites et propose des pistes d’amélioration. Elle se prononce notamment en faveur d’une réduction de la durée des contrats ou d’un encadrement plus strict de leur renégociation.

Un contrat de concession autoroutière est par nature de longue durée, afin de laisser le temps au concessionnaire d’amortir les investissements nécessaires à l’exécution du contrat. Mais les sept concessions historiques sont particulièrement longues.  Les sociétés d’autoroute disposent en particulier d’un pouvoir de marché susceptible de leur procurer une rente, qui peut aller à l’encontre de l’intérêt des usagers ou de l’utilité́ collective.

Le réseau routier, une histoire liée à l’organisation administrative de la France

La longueur du réseau routier français en 2021 est de 1 101 810 km pour la France entière. Entre 2013 et 2022, la longueur des routes a progressé de 2%. Les autoroutes, qui relient entre eux les grands pôles urbains, représentent 1% du réseau total et les routes nationales 0,9%, dont une grande partie a été décentralisée à partir de 2006 avec la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.

Le réseau routier national non concédé représente plus de 12 031 km de routes et assure près de 20% du trafic routier. Héritage de l’histoire des territoires ou créé récemment dans les zones urbaines, le réseau routier secondaire est évalué à 1 080 586 km : 379 218 km de routes départementales et 701 368 km de routes communales.

Une pluralité d’acteurs participent à l’évolution du réseau routier français

L’État a la responsabilité de plus de 21 000 km de routes, soit 9 200 km d’autoroutes concédées par le biais de 19 contrats et 12 000 km d’autoroutes et de routes nationales gérées par 11 directions interdépartementales des routes (DIR).

Une répartition des acteurs par type de route distingue les voies communales appartenant aux entités communales et les routes départementales relevant du conseil départemental. Appartiennent à l’État les routes nationales, les autoroutes non concédées (sans péage) et les autoroutes concédées (à péage).

Les services routiers de l’État incluent :

  • les onze directions interdépartementales des routes (DIR) chargées de l’exploitation des routes, de l’entretien des chaussées et de l’ingéniérie routière à la demande des services de maîtrise d’ouvrage. Elles mettent en œuvre la politique de l’entretien routier dont elles ont la responsabilité. Elles disposent de l’aide des réseaux scientifiques et techniques du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar) et du Centre d’études des tunnels (CETU) ;
  • les 21 services régionaux de maîtrise d’ouvrage (SMO) placés au sein des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et en charge du pilotage de projets routiers neufs de l’État dans leur région.

Le Comité des usagers du réseau routier national, institué par le décret du 8 septembre 2009, a vu sa représentativité accrue par un décret du 13 novembre 2013. Il permet d’instaurer un cadre de dialogue entre les usagers, les gestionnaires du réseau routier national et l’État.

Source: vie-publique.fr