Les émeutes survenues en Nouvelle-Calédonie à partir du mois de mai 2024 ont fragilisé le vivre ensemble et les liens unissant la gendarmerie à la population. Partout sur le territoire, les unités mènent des actions de contact visant à réinstaurer des échanges participant à la normalisation de la situation.

Jeudi 3 octobre 2024, tribu de Ouipoin, commune de La Foa. Des militaires de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 13/6 de Lodève et des gendarmes territoriaux de la compagnie participent à une coutume. Relativement fréquent avant les émeutes qui ont éclaté en Nouvelle-Calédonie au mois de mai dernier, cet événement marque la volonté de la gendarmerie de renouer des liens avec les tribus et de permettre une normalisation de la situation favorable à la reconstruction du vivre ensemble.

« Le lien avec la population a quasiment été rompu au moment de la crise, explique le lieutenant-colonel Renaud Oswald, commandant la compagnie de La Foa. Il y avait vraiment des changements de comportement palpables. Néanmoins, même au plus dur de la crise, j’ai toujours été en contact avec les coutumiers. Cette volonté affichée par la gendarmerie leur a permis de comprendre, avec le temps, que ce qui nous importait était la protection des populations et la garantie du vivre ensemble. Le lien se reconstruit tout doucement. Nous avons tenu à renouer avec des missions que nous menions ordinairement, qu’il s’agisse de l’organisation des classes de défense ou des actions de contact avec la population. À l’issue de la crise, le marché de brousse de La Foa a été le premier à rouvrir. »

Aujourd’hui, la gendarmerie affiche sa volonté de renouer le contact avec la population sur l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie. Les gendarmes mènent ainsi des actions visant à rassurer la population et à faire connaître l’institution. Ils rencontrent également à nouveau les tribus.

Rassurer la population

« Après les émeutes, nous avons eu pour mission de rassurer la population, explique la maréchale des logis-cheffe Priscilla, affectée à la Brigade territoriale autonome (BTA) de Dumbéa, en périphérie de Nouméa. Nous menons des actions de contact quotidiennes, notamment en rencontrant les commerçants de la circonscription. »

« J’ai le sentiment que le lien n’a pas totalement été rompu avec la population, poursuit l’adjudant-chef Olivier, affecté à la brigade depuis le 15 juillet 2024. Les gens nous saluent dans la rue et les conversations s’engagent facilement. Je suis arrivé au sein de l’unité après le plus fort des événements. C’est à nous d’aller de l’avant afin de retisser du lien avec les habitants. »

Au cours de leur patrouille, les deux gendarmes s’arrêtent dans plusieurs commerces de la commune.

« La présence des gendarmes me rassure, confie Leila, gérante d’une boulangerie. J’ai constaté que les patrouilles se sont renforcées progressivement. Nous pouvons de nouveau respirer et nos enfants peuvent sortir. Les gendarmes nous connaissent. »

Ailleurs sur le territoire, les gendarmes multiplient les actions à destination de la population, à l’image de ceux de la BTA de Wé, située sur l’île de Lifou (îles Loyauté).

« Sur l’île, le lien avec la population n’a pas changé, précise l’adjudante-cheffe Angélique. La gendarmerie est bien ancrée. Le contact avec la population est quotidien. Le cœur de notre métier est le relationnel, avec l’oral et la palabre. Cela nous permet d’anticiper les situations. Nous sommes renforcés par des gendarmes mobiles et nous les incitons à établir ces mêmes relations avec la population. Ce matin, notre patrouille nous a d’abord conduit à rencontrer le directeur de l’aérodrome de Lifou-Wanaham afin de nous enquérir de la situation économique. Nous nous sommes ensuite rendus à la Maison de la vanille, puis dans la baie accueillant les croisiéristes, afin d’échanger avec les responsables sur la reprise du tourisme. Les premiers navires sont attendus pour la mi-octobre. »

Confrontés à la recrudescence du braconnage et du vol de bétail, les éleveurs peuvent quant à eux compter sur l’engagement du Peloton de surveillance et d’intervention à cheval (PSIC). Cette unité les rassure en obtenant des résultats concrets sur le terrain.

Outre ces services, la gendarmerie reprend progressivement ses actions visant à faire connaître ses métiers, à l’image de la classe de défense sur la compagnie de La Foa.

Faire connaître la gendarmerie

« En 2023, nous avons signé une convention instaurant une classe de défense avec le collège de Canala et le Groupe d’observation dispersé (GOD) de Kouaoua, explique le lieutenant-colonel Renaud Oswald. Il s’agit de villages miniers particulièrement isolés. Nous nous rendons dans ces établissements pour présenter nos métiers et faire connaître l’état d’esprit de la gendarmerie, qui se veut avant tout tournée vers la population. Les jeunes sont également conviés à découvrir les différentes unités de la gendarmerie. »

Le jeudi 3 octobre 2024, la classe de défense s’est rendue à la compagnie de La Foa, marquant ainsi la volonté de la gendarmerie de resserrer ces liens avec la jeunesse. Les élèves ont pu découvrir les moyens blindés, les missions des gendarmes mobiles ou encore celles du PSIC. Un maréchal-ferrant de la Garde républicaine participait à cet événement afin de présenter son métier, qui illustre le champ des possibles en gendarmerie.

« Les jeunes se sont montrés très demandeurs et très curieux, souligne le lieutenant-colonel Owwald. On s’aperçoit en repartant que nombre d’entre eux veulent devenir gendarmes. Ces journées suscitent un véritable engouement, qui participe à la normalisation des relations. »

« La classe de défense permet de faire du lien entre la population et les gendarmes, confirme Olivier Boilet, directeur du collège de Canala et du GOD de Kouaoua. La confiance, ça se construit. Aujourd’hui, on recommence petit à petit à recréer du lien et à développer des projets ensemble. Les enfants se montrent particulièrement enthousiastes. »

Cette volonté de la gendarmerie se manifeste également par la multiplication des contacts avec les tribus. La reprise des coutumes en est l’une des manifestations les plus visibles. Celles-ci servent à se présenter, à montrer respect et humilité envers les hôtes et à se reconnaître réciproquement.

Rencontrer les tribus

La Nouvelle-Calédonie compte plus de 340 tribus réparties en aires coutumières et en districts. Les échanges avec celles-ci sont donc indispensables. Au cours des émeutes qui ont secoué le territoire, les gendarmes ont continué à entretenir des relations avec les tribus afin de comprendre leurs revendications et de permettre le retour au calme. Alors que la situation se normalise, les gendarmes se rendent de plus en plus fréquemment dans les tribus.

« Nous effectuons fréquemment des coutumes, raconte l’adjudante-cheffe Angélique, de la BTA de Wé. Nous pouvons les faire avec nos camarades, mais également en famille. Elles permettent de se présenter et de témoigner de notre considération aux locaux. »

« Refaire des coutumes participe à recréer du lien, confirme le commandant de la compagnie de La Foa. Ici, nous y avons toujours été très attentifs. Le commandant de la brigade de Boulouparis a fait sa prise de commandement dans une tribu. C’était un moment particulièrement symbolique de lever le drapeau français face à la grande case. Ces derniers mois, nous n’avons jamais vraiment perdu le lien avec les coutumiers. Cette volonté de notre part nous permet aujourd’hui de reprendre ces activités et de marquer notre respect pour la culture mélanésienne. »

Ce jeudi 3 octobre 2024, des gendarmes territoriaux ainsi que douze gendarmes mobiles renforçant la compagnie se sont rendus dans la tribu de Ouipoin, l’une des 62 tribus de la circonscription.

« La coutume que l’on va présenter a pour but de permettre aux gendarmes mobiles d’intervenir librement et en toute quiétude sur l’ensemble des terres coutumières de la tribu, explique le lieutenant-colonel. Dans leurs missions futures, ils pourront arguer que la coutume a été faite et qu’ils ont la garantie du petit chef. En preuve de bonne volonté, nous venons avec quelques cadeaux, comme lorsqu’on est invité chez des amis. Nous leur remettons un manou (morceau d’étoffe, NDLR), mais aussi des choses qui nous représentent, comme l’écusson de l’unité. La cérémonie est remplie de symboles. »

La lieutenante Marie, qui commande le 2e peloton de l’EGM 13/6 de Lodève, réalise la coutume au nom des gendarmes mobiles présents à ses côtés : « cet événement constitue une occasion rare dans une vie. Il peut participer à changer la vision que la population peut parfois avoir de nous, notamment après les nombreuses opérations de maintien de l’ordre qui ont été menées sur le territoire. Les échanges nous permettent également de mieux comprendre les racines de la crise. Communiquer avec les gens est la première chose à faire. »

Jean-Marc, le petit chef de la tribu, se satisfait également de ce moment : « faire coutume était important pour nous. Nous avons pu parler de l’humain derrière l’uniforme. C’est la première fois que nous voyons des gendarmes mobiles ici, c’est une marque de respect et une fierté. C’est important que la gendarmerie fasse ce pas pour permettre le vivre ensemble. Au moment de nous quitter, je leur ai également remis un manou. Ce geste signifie à la fois au revoir et merci. Dénouer ce tissu signifie que nous sommes liés pour l’avenir. »

Source: gendinfo.fr