En 2023, l’Europe a connu des incendies de forêt parmi les plus importants depuis 2000 selon un rapport européen publié en novembre 2024. Dans un contexte de réchauffement climatique et de risque incendie de plus en plus important, le gouvernement a publié, le 5 juin 2025, une stratégie nationale de défense des forêts contre les incendies.
1 – Quelles sont les causes des feux de forêt ?
Le facteur humain est prépondérant dans le déclenchement des 3 000 à 4 000 incendies qui embrasent les forêts en France tous les ans (rapport de la mission conjointe de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie du Sénat, août 2022). 9 feux sur 10 sont d’origine humaine (chantiers de BTP, activités agricoles, câbles électriques, mégots de cigarettes, barbecues, incendies de véhicules…). À titre de comparaison, en Amérique du Nord, 4 feux sur 10 sont d’origine naturelle (par exemple, impacts de foudre sur de l’humus).
Une augmentation des facteurs de risque ces dernières décennies expose plus largement le territoire national aux incendies, en dépit de l’efficacité de la doctrine française de lutte contre les incendies. Les facteurs de risque les plus importants sont :
- la dégradation des conditions météorologiques :
- la fréquence des vagues de chaleur a été multipliée par quatre depuis les années 1980, avec une hausse de 0,4°C observée par décennie,
- 15% de la surface du territoire est affectée aujourd’hui par la sécheresse (contre 5% dans les années 1970). Près de 40% de ce même territoire présentent des conditions météorologiques propices aux incendies, avec une hausse du nombre de jours marqués par ces conditions ;
- une augmentation du combustible en forêt :
- en 30 ans, le volume sur pied de la biomasse forestière a progressé de 50%, passant de 1,8 milliard à 2,8 milliards de mètres cubes,
- deux tiers de la forêt en France ne sont pas couverts par un plan simple de gestion (PSG), obligatoire pour les propriétaires privés à partir de 25 hectares de forêt et malgré les incitations. La fréquence de coupe est deux fois plus élevée dans les parcelles dotées d’un PSG ;
- la dégradation de l’état sanitaire des forêts (pullulation de pathogènes et de ravageurs). Les crises sanitaires génèrent une biomasse combustible sèche. En 20 ans, la mortalité est passée de 3 millions à 9 millions de mètres cubes par an ;
- un phénomène de déprise agricole :
- l’abandon subi ou décidé de terres agricoles se fait au profit de friches,
- le pastoralisme, en déclin, permettait une discontinuité végétale et la réduction du combustible,
le déclin numérique des métiers ruraux et la dévitalisation rurale ont un impact non négligeable. Par exemple, l’arrêt du gemmage (récolte de la sève) implique un arrêt du contrôle de la végétation au sol (fougères) qu’assuraient les résiniers.
2 – Quelle est la surface brûlée par les feux de forêt en France ?
La surface forestière brûlée a diminué au cours des dernières décennies en moyenne annuelle :
- 1980-1989, 42 360 hectares ;
- 1990-1999, 22 720 hectares ;
- 2000-2009, 19 680 hectares ;
- 2015-2019, 7 570 hectares.
Néanmoins, l’année 2022 a été marquée par de nombreux feux de forêt dévastateurs :
- 58 000 hectares de surface forestières brûlées (72 000 si l’on y ajoute les espaces naturels et cultures) ;
- 19 711 incendies enregistrés ;
- 90 départements ayant comptabilisé un événement significatif ;
- 8 600 largages effectués par les 19 bombardiers d’eau (contre 3 600 en 2021).
La région méditerranéenne concentre, depuis les années 1980, les trois quarts des surfaces boisées brûlées. La proportion varie selon les années mais reste en général supérieure aux deux tiers.
En dehors de cette zone, le massif forestier des Landes de Gascogne est le premier territoire touché par les incendies de forêt :
- 10% des surfaces brûlées ;
- 20% des feux.
En 2023 et 2024, le nombre d’incendies retrouve un niveau proche de celui qu’il a connu avant 2022. L’année 2024 a été particulièrement humide et figure même parmi les dix années les plus pluvieuses depuis 1959. Elle est caractérisée par un nombre de feux de forêt et de végétation d’un quart inférieur à la moyenne 2006-2021 et une surface brûlée représentant un tiers de la moyenne sur cette période.
Quant au nombre annuel d’incendies de forêt en France, il connaît une baisse notable depuis quelques décennies :
- 5 252 feux en moyenne annuelle de 1980 à 1999 ;
- 2 671 feux en moyenne annuelle de 2015 à 2019 .
- 5 400 feux en moyenne de 2013-2022 (2022 étant une année exceptionnelle avec près de 16 000 feux).
3 – Quelle est la stratégie française de lutte contre les incendies de forêt ?
Une stratégie d’attaque massive des feux naissants a fait ses preuves en France depuis les années 1980, selon le rapport du Sénat du 3 août 2022. Le nombre de feux de surfaces boisées a connu un recul tendanciel, lié aux évolutions de la politique française de défense des forêts. Ces évolutions suivent les grands incendies de la fin des années 1980 et de l’année 2003.
La doctrine d’attaque rapide des feux naissants est inscrite dans le Guide de stratégie générale de protection de la forêt, publié en 1994 par la Direction de la sécurité civile, et réaffirmée par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Cette doctrine s’appuie sur un équilibre entre :
- prévention, afin d’empêcher les départs de feu ou en maîtriser l’éclosion, au stade initial ;
- lutte immédiate, massive et dynamique, dans les dix premières minutes, afin de limiter le développement des feux. Un feu doit avoir parcouru moins d’1 hectare lorsque les premiers intervenants commencent à le combattre (stratégie de lutte contre les feux de forêt en France).
La doctrine d’attaque rapide des feux naissants s’oppose à la « culture du feu libre », appliquée au Canada, en Australie ou aux États-Unis. Dans ces pays, des zones de peuplement très concentrées alternent avec de vastes espaces naturels inhabités.
D’après le rapport du Sénat, la stratégie française a grandement contribué à la baisse du nombre de feux et de surfaces incendiées. En Aquitaine et en zone méditerranéenne, les régions les plus exposées au risque d’incendie, le taux d’extinction des feux naissants est supérieur à 80%. En France, chaque été, plus de 85% des incendies sont traités par les services d’incendie et de secours (SDIS) avant d’avoir atteint 1 hectare et moins de 3% dépassent 10 hectares.
Cette doctrine française du traitement des incendies s’appuie aussi sur une coordination opérationnelle et des moyens humains et matériels.
L’efficacité de la stratégie de lutte en France doit, selon le rapport du Sénat, renforcer :
- l’anticipation, au travers de l’élaboration d’une stratégie nationale interministérielle qui articule prévention et sécurité civile, tout en appréciant l’évolution du risque ;
- l’aménagement du territoire et plus particulièrement la régulation de l’interface forêt-zones urbaines afin de réduire les départs de feux ;
- la gestion durable de la forêt et sa valorisation au niveau du massif ;
- la mobilisation du monde agricole ;
- la sensibilisation des usagers, entre communication et répression ;
- la lutte contre les incendies (financement et équipement) ;
- le reboisement après l’incendie.
La loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie consacre notamment l’interdiction de fumer dans tous les bois et forêts et jusqu’à une distance de 200 mètres de ceux-ci. Elle inclut aussi explicitement dans le code forestier le jet de mégot parmi les causes pouvant « provoquer involontairement l’incendie des bois et forêt« . Le responsable risque jusqu’à dix ans de prison et 150 000 euros d’amende si cet acte à conduit à la mort d’une ou de plusieurs personnes.
Présentée le 6 février 2025, la stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies a été signée par le ministre de l’intérieur et la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche le 5 juin 2025. Cette stratégie doit permettre de mieux coordonner les actions de prévention des risques, de gestion de crise et d’aménagement notamment de maîtrise de l’urbanisation.
Par ailleurs, le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) du 10 mars 2025 qui vise à lutter de manière globale contre le réchauffement climatique et anticipe une hausse des températures de 4 degrés à l’horizon 2100 propose des mesures globales dont certaines sont consacrées les incendies de forêts :
- améliorer la défense des forêts contre les incendies ;
- prévenir les risques et protéger les territoires situés à l’interface entre massifs boisés ou végétalisés et zones bâties (où naissent de nombreux feux) ;
- préparer les services de l’État dans les départements historiquement moins confrontés aux feux de forêt que ceux du sud de l’Hexagone.
4 – Qui sont les acteurs de la lutte contre les incendies de forêt ?
La stratégie de lutte contre les incendies repose sur la mobilisation des acteurs suivants :
- les maires (ils sont directeurs des opérations de secours sur le territoire de leur commune et sont, par ailleurs, chargés de contrôler le respect des obligations légales de débroussaillement) ;
- les sapeurs-pompiers des services départementaux d’incendie et de secours ;
- les personnels de l’Office national des forêts ;
- Météo-France ;
- les associations régionales de défense de la forêt contre les incendies ;
- les comités communaux des feux de forêt ;
- les militaires de la sécurité civile ;
- les avions bombardiers d’eau effectuant des missions de guet aérien armé.
Au 31 décembre 2023, la sécurité civile comptait 256 446 sapeurs-pompiers (statistiques pour 2023), dont :
- 43 448 sapeurs-pompiers professionnels ;
- 200 046 sapeurs-pompiers volontaires ;
- 12 952 militaires.
Les armées françaises, dans le cadre de l’opération Héphaïstos, lancée en 1984, luttent chaque été contre les feux de forêt de grande ampleur. Héphaïstos concerne désormais l’ensemble du territoire de la France hexagonale.
Le dispositif de lutte 2025
Le dispositif de lutte contre les feux de forêt comprend en particulier des :
- moyens terrestres :
- près de 4 000 sapeurs-pompiers spécialisés,
- près de 400 militaires de sécurité civile ;
- moyens aériens :
- 12 Canadair et 8 Dash (bombardiers d’eau),
- 3 Beechcraft (mission de reconnaissance et de transport),
- 10 hélicoptères,
- 6 avions bombardiers capables de larguer 3 tonnes d’eau.
Par ailleurs, la mise en place de « pactes capacitaires » en novembre 2024 a permis le renforcement des moyens matériels dédiés à la détection et à la lutte contre les feux de forêt.
5 – Quelles sont les mesures prises par l’Union européenne pour lutter contre les incendies de forêt ?
Les forêts et les autres zones boisées couvrent une superficie totale de près de 160 millions d’hectares au sein de l’Union européenne (UE), ce qui représente environ 39% de son territoire. Chaque année, dans l’UE, les incendies détruisent en moyenne 353 000 hectares.
Dans un document publié le 11 juin 2025, la Cour des comptes européenne (CCE) pointe les nombreuses conséquences des feux de forêt : pertes humaines, destruction de la biodiversité, émissions de CO2, érosion des sols, pertes économiques (estimées à quelque 2 milliards d’euros).
La politique forestière relève certes de la compétence des États membres, qui sont chargés de décider s’il est nécessaire d’élaborer des stratégies et des plans nationaux pour les forêts. Mais, l’UE consacre une partie de son budget à prévenir et réparer la biodiversité. Au cours de la période 2014-2020, les financements de l’UE dans les quatre pays étudiés par la Cour (Espagne, Grèce, Pologne et Portugal) s’élèvent à un milliard d’euros pour les projets concernant les incendies de forêt. Dans le cadre des différents fonds de financement européen, le soutien prévu pour la période 2021-2027, pour la prévention et la gestion des risques liés aux incendies, s’élève à environ 2,1 milliards d’euros.
D’ailleurs, pour l’été 2025, l’UE prévoit de déployer près de 650 sapeurs-pompiers issus de 14 États membres qui seront mobilisés durant les mois de juillet et d’août 2025 dans des zones à haut risque en France, en Grèce, au Portugal et en Espagne afin de soutenir rapidement les services locaux de lutte contre les incendies. 22 avions de lutte contre les incendies et 4 hélicoptères sont également prêts à être déployés en cas de besoin. Ces moyens sont coordonnés et cofinancés dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union européenne.
6 – Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur les feux de forêt ?
Le réchauffement climatique, combiné à l’évolution du combustible en forêt, aura en France des manifestations très concrètes sur les feux de forêt :
- intensification : augmentation des surfaces brûlées de 80% d’ici à 2050 ;
- extension géographique : près de 50% des landes et forêts métropolitaines concernées par un risque incendie élevé en 2050 ;
- extension temporelle : période à risque trois fois plus longue (de juin à octobre) et multiplication des feux hivernaux ou printaniers ;
- multiplication des incendies de végétation ou de terres agricoles, y compris dans les espaces péri-urbains.
Le réchauffement climatique signifie une multiplication des feux hors normes. Trois des plus grands incendies ayant touché la France ces 40 dernières années se sont déclenchés en 2021 et 2022. Le modèle français de lutte contre les incendies sera insuffisant face à l’émergence de feux hors normes.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte, dans son sixième rapport d’évaluation, sur une hausse de la probabilité de « feux de forêt de portée catastrophique » comprise entre 30% et 60% d’ici à la fin du siècle.
Les feux hors normes posent des problèmes de santé publique. Une augmentation des syndromes de stress post-traumatique et de dépression a été relevée à la suite des mégafeux australiens (entre 2019 et 2020). Ces syndromes peuvent être attribués aux décès, mais aussi à une forme d’éco-anxiété.
Le rapport du Sénat révèle que les particules dégagées par les incendies de forêt dans l’ouest des États-Unis, en 2020, pourraient avoir fragilisé le système respiratoire de la population et ainsi contribué à l’augmentation des contaminations au Covid-19.
7 – Quels sont les coûts socio-économiques et écologiques des incendies de forêt ?
Les coûts socio-économiques liés aux incendies de forêt sont jusqu’à présent relativement contenus en France. Ces coûts sont amenés à s’accroître fortement dans les années à venir.
Une hiérarchie des enjeux à protéger est établie dans l’ordre d’opérations « feux de forêt » des services d’incendie et de secours. La priorité est donnée :
- aux personnes ;
- aux biens ;
- à l’environnement.
Cette hiérarchisation se fait au profit des zones urbaines et concentre les pertes économiques liées aux incendies dans les espaces ruraux. La destruction d’habitations reste rare grâce au débroussaillement.
Sur le plan socio-économique, les premières victimes d’incendies de forêt sont les propriétaires forestiers (particuliers, collectivités territoriales, État). À la perte de capital économique s’ajoute l’obligation de reboiser. Le rapport du Sénat souligne ainsi que les propriétaires non assurés subissent une « double peine« .
La filière bois est moins touchée qu’on ne pourrait le supposer, pour plusieurs raisons :
- les massifs touchés par les incendies sont des forêts non productives ou faiblement productives ;
- les surfaces incendiées, en forte baisse sur les 40 dernières années, sont très inférieures à celles touchées par des tempêtes ;
- les parcelles brûlées peuvent en partie continuer de jouer un rôle d’approvisionnement (broyage, bois-énergie, papeterie, bois d’œuvre).
Jusqu’à présent, les conséquences économiques des incendies de forêt en France se traduisent moins par des destructions à proprement parler que par des :
- activités économiques empêchées ;
- pertes de bien-être.
Toutefois, en cas de feux simultanés comme en Gironde à l’été 2022, les coûts socio-économiques et environnementaux peuvent s’accroître de façon exponentielle.
Le rapport du Sénat préconise de mieux prendre en compte la « valeur du sauvé » afin de calibrer les moyens de prévention et de lutte contre l’incendie. Par exemple, la valeur moyenne sauvée par les pompiers des Bouches-du-Rhône est en moyenne de 7,3 millions d’euros par incendie.
Les dommages écologiques sont mal identifiés et peu quantifiés, entre autres dans les territoires où la forêt est économiquement peu valorisée et où son principal atout est écologique, comme dans la zone méditerranéenne.
L’atteinte portée au « patrimoine visuel » peut se doubler d’une pression sur les écosystèmes. Le rapport du Sénat rappelle que 45% des surfaces brûlées en Europe et en Afrique du Nord en 2021 étaient situées sur des sites Natura 2000.
La dégradation de la qualité de l’eau et de l’air par les fumées et les cendres est encore mal estimée (en particulier les pics d’émission nocifs).
Les coûts humains, élevés au niveau mondial, restent limités en France.
Source: vie-publique.fr