L’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), commandé par un officier de gendarmerie depuis 2003, et au sein duquel sont engagés plusieurs gendarmes, fête cette année ses 50 ans d’existence. Pour l’occasion, l’auteur Luc Larriba a mené une enquête en profondeur pour valoriser le travail des enquêteurs et des experts qui collaborent avec eux. Le résultat est un bel ouvrage, parfaitement documenté et illustré par les dessins inspirés de Laure Fissore.
Passionné de cinéma depuis l’enfance, et plus particulièrement du genre policier, Luc Larriba s’intéresse dès l’adolescence au travail d’enquête des services de police et de gendarmerie. Il étanche sa soif de savoir en se documentant énormément et découvre, au gré de ses lectures, l’existence d’une unité méconnue, bien qu’elle ait soufflé cette année ses 50 bougies : l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC).
« Un côté Indiana Jones et Arsène Lupin »
Créé en 1975, et commandé par un officier de gendarmerie depuis 2003, l’OCBC regroupe une trentaine de personnels, dont plusieurs gendarmes, dans ses locaux à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Avec les armes et la drogue, le trafic de biens culturels est l’un des plus importants au monde, orchestré comme les autres par des acteurs majeurs de la criminalité organisée. L’OCBC mène des investigations complexes de dimension nationale et internationale afin de retrouver des œuvres volées, surveille le marché de l’art pour faire face aux affaires de recel, de faux, d’escroquerie en bande organisée et de blanchiment, souvent en collaboration avec Europol et Interpol. L’Office est également très impliqué dans la lutte contre le pillage et le trafic de biens archéologiques en provenance des zones de conflits.
« C’est une unité qui était peu mise en avant dans les fictions, que ce soit dans les films ou les romans policiers, estime Luc Larriba. Ces affaires comportaient une dimension de voyage, un côté Indiana Jones et Arsène Lupin qui me fascinaient. Il y avait en outre une forme de secret autour de ces enquêtes qui n’a fait qu’exciter ma curiosité. » Il compile tout ce qu’il peut trouver sur le sujet. Il visionne ainsi un documentaire de l’émission de télévision Des racines et des ailes, dans lequel interviennent des enquêteurs de l’office, dont Jean-Luc Boyer, entré à l’OCBC en septembre 1994. « J’avais noté son nom dans un coin de ma tête et j’ai ensuite eu l’occasion de le croiser à différentes reprises. J’avais envie de traiter ce sujet de l’intérieur, comme certains auteurs ont pu le faire avec le GIGN par exemple. »
« Gagner leur confiance »
En 2023, les éditions de la Martinière, avec lesquelles il a déjà collaboré, lui donnent le feu vert pour la réalisation d’un ouvrage illustré en vue d’une publication en 2025, à l’occasion des 50 ans de l’office. « J’ai aussitôt activé mes contacts, notamment Jean-Luc Boyer », poursuit Luc Larriba.
En juin 2023, il rencontre le colonel Hubert Percie du Sert, commandant de l’OCBC depuis 2022, qui donne son accord, et commence son enquête en septembre de la même année. « Je savais que je ne pourrais pas parler d’affaires récentes, dont certaines sont en cours, afin d’éviter les vices de procédure. J’ai donc décidé de présenter l’action de l’OCBC au travers de six enquêtes inspirées de faits réels, chacune avec un thème dédié pour mettre l’accent sur les différentes missions de l’office. Ce qui est bien avec le trafic de biens culturels, c’est qu’il y en a pour tous les goûts ! Pillage, vol chez les particuliers, recel, blanchiment, etc. »
Il échange avec de nombreux enquêteurs afin de pouvoir décrire leur travail de la manière la plus précise et la plus concrète. « Ils ont vu que je connaissais bien le sujet, mais il a fallu gagner leur confiance, note-t-il. C’était très important de les avoir avec moi et non contre moi. Ils ont vite compris que mon objectif était de les valoriser. » Luc Larriba décide aussi de parsemer son récit de plusieurs coups de projecteur sur certains profils d’experts qui collaborent régulièrement avec les enquêteurs, dans le domaine juridique, archéologique… « J’ai voulu également faire un focus particulier sur Jean-Luc Boyer, qui est un peu la mémoire vive de l’OCBC. »
« Un mélange entre une criminalité en col blanc et une criminalité beaucoup plus violente »
L’un des enjeux de l’ouvrage était de bien montrer le double rôle de l’office : opérationnel, mais aussi stratégique, avec la nécessité d’entretenir des relations avec les polices étrangères, les magistrats, les directions des musées, les institutions importantes du monde culturel et bien sûr les agences Europol et Interpol, car le trafic de biens culturel est par essence international. « Un tableau volé dans un château dans le Lot-et-Garonne peut se retrouver dans une salle des ventes à New York, puis être acquis par un trafiquant de drogue colombien pour blanchir l’argent issu de son trafic. C’est aussi ce qui m’a intéressé, interpellé, passionné. Ce mélange entre une criminalité en col blanc et une criminalité beaucoup plus violente. »
Au fil de sa propre enquête, Luc Larriba va découvrir l’importance du facteur temps dans ce domaine si particulier. « Il peut s’écouler des mois, parfois des années, avant qu’un bien culturel volé refasse subitement son apparition dans une salle des ventes, relève-t-il. Cela demande beaucoup d’investigations, un long travail de recherche, pour essayer de retrouver la trace d’un bien disparu. Et a contrario, ça peut parfois aller très vite, en quelques jours. »
Il prend également conscience du phénomène du détectorisme, hobby pratiqué par de plus en plus de personnes qui, lorsqu’elles trouvent un bien enfoui, considèrent qu’il devient leur propriété, sans aucune démarche à effectuer. Or, c’est au contraire une activité très réglementée qui demande des autorisations et des déclarations en cas de découverte. En outre, c’est une action destructrice de patrimoine archéologique, car un objet enterré, par l’endroit et les conditions d’enfouissement, raconte une histoire, et cette contextualisation fait sa richesse. « Ce geste apparemment anodin peut faire beaucoup de mal et peut aussi être le point de départ d’un trafic de grande ampleur », rappelle Luc Larriba.