La police de sécurité du quotidien, lancée par le gouvernement en février dernier, donne toute latitude aux acteurs de terrain pour développer des initiatives visant à prendre en compte les besoins des usagers. Illustration avec le groupement de gendarmerie départementale de Haute-Saône, qui met en place des dispositifs tout à fait adaptés aux attentes de sa population et aux particularités de son territoire.
La Police de sécurité du quotidien (PSQ) devant répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire, le Groupement de gendarmerie départementale (GGD) de Haute-Saône (70) a construit des projets sur la base d’un diagnostic approfondi des attentes des usagers. Trois enquêtes de victimation ont été réalisées entre 2016 et 2017 en différents points du département, dans la profondeur des territoires comme en périurbain.
Il en ressort que 85 % des sondés souhaitent un contact avec la gendarmerie sans avoir l’obligation de se présenter au planton de la brigade. Ce besoin de proximité varie cependant en fonction du profil des personnes interrogées.
Des proximités différentes pour des populations différentes
« Dans la profondeur des territoires, sans surprise, c’est le maintien, voire le retour d’un lien personnalisé avec les gendarmes qui est attendu, face à une délinquance apparaissant comme une intrusion brutale, dans un monde autrefois préservé. Alors qu’en zone périurbaine, c’est d’abord une demande de réactivité qui s’exprime, signe d’une population plus active et plus mobile. Enfin, les plus jeunes n’hésitent pas à manifester le besoin d’une offre connectée. Ils perçoivent les forces de l’ordre comme des prescripteurs et attendent des conseils », explique le colonel Jean-Michel Blaudez, qui commandait le GGD 70 jusqu’au 1er août dernier.
La PSQ dans la profondeur
La population de Haute-Saône est dispersée sur une vaste étendue à dominante rurale. Plus d’un tiers des Haut-Saônois réside ainsi dans des villages de moins de 500 habitants, notamment dans le secteur des Mille Étangs, où 10 000 personnes sont réparties sur 25 communes. L’activité des gendarmes de la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) de Lure se concentre toutefois dans la plaine, où se trouvent les bassins d’emploi et de délinquance, au détriment parfois de la région des Mille Étangs. Pour y remédier, une solution novatrice a été mise en place en mai 2017 : la Force de liaison et d’action des Mille Étangs (Flame).
Ce dispositif, initié par le chef d’escadron de réserve [CEN (R)] Mathias Vidal et le lieutenant de réserve Mathieu Moureau, est armé par vingt-cinq réservistes, qui patrouillent en véhicule motorisé, en vélo tout-terrain ou à pied, au plus profond du territoire. Durant la période estivale, des équipes de trois militaires assurent ainsi un service de prévention, tout en veillant à faire cesser les incivilités commises par certains touristes, à l’instar des baignades hors zone ou des dépôts sauvages de détritus. Flame est également activé à la fin du printemps, durant les week-ends des mois de mai et juin, à l’occasion des nombreuses marches réunissant des milliers de personnes.
Dès lors qu’un fait dépasse leur compétence d’agent de police judiciaire adjoint, les réservistes mettent le requérant en relation avec un enquêteur qualifié de l’unité territorialement compétente.
Développer son réseau
Les réservistes du dispositif Flame proposent par ailleurs aux personnes rencontrées dans le cadre de leurs missions, de rejoindre un réseau SMS, mis en place afin de renseigner et d’alerter la population, mais également de permettre, en retour, à la gendarmerie d’être destinataire de toute requête ou signalement émanant du public. Les messages sont envoyés et veillés par le CEN (R) Vidal, qui dispose d’une valise de groupage SMS. Développée par la section des systèmes d’information et de communication de Haute Saône, celle-ci présente un coût d’exploitation quasi-nul.
« Dix pour cent de la population a d’ores et déjà rejoint ce réseau depuis sa mise en place, et nous nous sommes fixé l’objectif de mille abonnés d’ici la fin de l’année 2018, détaille le sous-lieutenant (R) Alexandre Koehl, douanier dans le civil et affecté au peloton de réserve de Lure. La population est très participative. Pas moins de 677 messages ont déjà été adressés à la gendarmerie via ce réseau, dont certains pour des signalements de comportements suspects pouvant déclencher une enquête. Cela revêt un autre intérêt d’importance sur le plan opérationnel, puisque, par exemple, lors d’une disparition inquiétante, nous avons pu diffuser immédiatement un message d’alerte sur l’ensemble du territoire, ce qui a permis de retrouver la personne plus rapidement. »
Participant ainsi pleinement à renouer un lien personnel entre la population et la gendarmerie, le dispositif Flame est à même de s’adapter à d’autres territoires de même typologie, notamment avec une population éparse.
La gendarmerie a du “ Peps ”
Dans la lignée de Flame, le Peloton de la Petite Saône (Peps), implanté à l’autre bout du département, a vu le jour à l’été 2017. Armé par une vingtaine de réservistes, il vise à se réapproprier les rives de la Saône, qui sont des voies de halage souvent interdites à la circulation. Au-delà de sa mission initiale, qui est de prévenir et de sensibiliser les usagers, il est également de son ressort de procéder à des contrôles et de réprimer les infractions. Ainsi, en 2018, à l’occasion de cinq missions programmées, les réservistes ont bénéficié du concours d’un militaire de la brigade de Gray, de personnels de la brigade fluviale de Dijon, de deux agents des voies navigables de France et de gardes-pêche.
Connexion avec les maires
Les élus et les Polices municipales (P.M.) sont les partenaires incontournables de la sécurité dans les territoires. Aussi, en plus des gendarmes référents mis en place pour chaque maire, un partenariat citoyen 2e génération a été lancé afin d’offrir aux édiles un lien privilégié avec l’échelon compagnie via un réseau SMS.
Ce dispositif permet de diffuser des conseils de prévention, des informations d’alerte, des contacts personnalisés ou encore de planifier des patrouilles communes avec les P.M. Sur les 542 communes de la Haute-Saône, 322 maires sont déjà abonnés à ce système d’alerte SMS. « Le commandant de compagnie ou ses adjoints veillent ce réseau, qui est par ailleurs étendu à des partenaires citoyens. Les réservistes vont en effet à la rencontre de personnes fiables dans les quartiers sensibles pour les inviter à adhérer à ce projet. Le but est de faciliter la remontée du renseignement ainsi que les rencontres avec des personnes subissant des difficultés particulières », explique le lieutenant-colonel Gilles Stacoffe, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Lure. Ce réseau s’appuie également sur une valise de groupage qui permet de dissocier les communautés « équipes municipales » et « usagers ».
Savoir se positionner
Comme évoqué précédemment, la population veut renouer des liens avec l’Institution, sans toutefois être obligée de se déplacer dans les brigades territoriales. En réponse à cette demande, la gendarmerie de la Haute-Saône a donc décidé de mettre en place une infrastructure là où les gens sont au quotidien. C’est ainsi, qu’en partenariat avec la commune de Pusey, l’État et la société SNC Sopic (aménageur de zones commerciales), est né le projet expérimental d’implanter un kiosque gendarmerie en plein cœur de l’extension du plus grand centre commercial du département, qui sera inaugurée en septembre 2019.
Générant un flux de 30 000 personnes par semaine, cet espace commercial est un lieu de passage obligé pour la population. D’une surface confortable de 90 m2 offrant un salon de réception pour le public, ce kiosque sera armé par un gendarme d’active et un gendarme réserviste, qui pourront répondre aux questions sur le recrutement, la prévention ou encore la sécurité. Il sera également possible de remplir une procuration, de déposer des plaintes simples, ainsi que des mains courantes. En outre, une borne numérique permettra de familiariser les gens avec les services en ligne de la gendarmerie, à l’instar des préplaintes, ou de les aiguiller vers les sites des autres administrations gouvernementales. Pour les faits les plus complexes ou graves, les requérants se verront fixer un rendez-vous avec un enquêteur de la brigade compétente. « Aujourd’hui, 75 % des visiteurs de la brigade de Vesoul se présentent pour des formalités sans plainte. Grâce à ce kiosque, les gendarmes pourront se consacrer à la production de sécurité et au traitement des enquêtes », explique le capitaine Étienne Petitfils, officier adjoint à la CGD de Vesoul et chef de projet sur cette expérimentation.
Les horaires d’ouverture seront calqués sur les périodes de plus forte affluence, permettant une accessibilité accrue en dehors des heures de bureau. Cette innovation, valorisante pour le service public, contribuera également à asseoir la réappropriation territoriale.
Source: GENDCOM / Crédit photo: © D.R.