Le dispositif proposé par le Bureau de l’action sociale (BAS) de la direction générale de la gendarmerie a pour objectif d’améliorer le soutien et l’accompagnement des blessés en service en utilisant le sport comme un vecteur supplémentaire.

Dans une société qui glorifie la perfection, la compétition et la performance, les personnes en situation de handicap sont souvent mises à l’écart. Blessés en mission, sur le territoire français ou à l’étranger, physiquement ou moralement, des gendarmes ont décidé de relever la tête, de se battre et de continuer à vivre malgré la douleur, les difficultés et parfois même la peur et les jugements. Dans ce combat, le protocole de reconstruction des blessés par le sport intervient comme un second souffle.

Créée en 2013, la mission interarmées de reconstruction des blessés par le sport incombe au Centre national de sports de la défense (CNSD) de Fontainebleau. La gendarmerie nationale y est totalement intégrée et prend part à l’ensemble de l’offre. Mais elle a également créé ses propres actions, prenant en compte les problématiques liées à sa spécificité. Ce parcours de reconstruction et de resocialisation par le sport, proposé en parallèle du parcours de soins, intervient après l’urgence chirurgicale et médicale et la phase de rééducation.

Grâce à ce dispositif, l’objectif de l’institution est de permettre aux blessés, en activité ou non, de sortir de l’isolement et de récupérer une aptitude minimum afin de réintégrer un poste ou encore une vie sociale souvent perdue, comme l’explique le capitaine (CNE) Thierry Rousseaux, en charge de la mission de reconstruction des blessés par le sport : « Pour ceux qui, malheureusement, sont touchés par la blessure, c’est le début d’une spirale infernale. Dans ces circonstances, la famille, qui vit en caserne et qui tente de soutenir le blessé, n’est pas épargnée. Ses membres se sentent malgré tout souvent isolés une fois l’événement et les premières actions passés et expriment souvent, à terme, un manque de reconnaissance. Notre but est de les sortir de ce carcan et de les accompagner en les rendant acteurs de leur parcours. » Plusieurs formules existent à leur attention.

La famille au cœur du protocole

Face à un sentiment d’isolement du conjoint, de la conjointe, et parfois même des enfants, dans un combat du quotidien pour accompagner le blessé, le CNE Rousseaux propose, en avril 2017, au directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, de créer le stage Ad Refectio, destiné aux blessés et aux membres de leur famille. Après un 1er stage expérimental ayant fait ses preuves, c’est dorénavant deux fois par an, sur le bassin d’Arcachon, dans l’un des établissements de la Fondation maison de la Gendarmerie, que des psychologues cliniciens de la gendarmerie, un kinésithérapeute du service de santé des armées, des moniteurs de sport spécialisés, mais aussi des experts de la cellule sociale et juridique, ainsi qu’un cadre technique spécialisé du ministère des Sports reçoivent, dans un premier temps, les blessés, avant d’accueillir, quelques jours plus tard, le reste de la famille, pour un séjour sportif et culturel. « Nous organisons diverses activités à dominante de plein air, comme le VTT, la pirogue de mer, des sports collectifs adaptés (volley assis, kin ball, footgolf) ou encore du tir à l’arc. Le but du stage est de montrer aux blessés qu’ils sont encore capables de faire des choses, qu’ils sont « handi-capables » et non handicapés. Pour ce qui est des familles, cela leur permet de se retrouver ensemble, de partager des moments privilégiés dans un lieu qui favorise la libération de la parole et leur apporte un peu de sérénité et cela réaffirme la reconnaissance de l’institution envers ses blessés et leurs familles », présente le CNE Rousseaux.

Labellisé au niveau interarmées, ce stage, qui vient d’accueillir pour la première fois en avril, trois personnels féminins, est largement plébiscité par les blessés. Chaque participant souligne le caractère unique et primordial de ce dispositif, où la gendarmerie met la famille au cœur du processus. Depuis deux ans, près de 130 personnes ont ainsi pu participer à ce concept totalement innovant. L’adjudant-chef David C., motocycliste blessé en 2017, confie ainsi que ce stage lui a permis « de ramener le soleil au niveau de son noyau familial, mais aussi de retrouver une réelle cohésion, une force de groupe avec ses camarades blessés ». Sa compagne a, quant à elle, apprécié « la bienveillance, la compassion et l’écoute de l’équipe d’encadrement et des différentes familles. Ce stage a été pour nous un véritable nouveau départ. »

Remise du trophée du vainqueur du challenge Ad Victoriam 2018 au major Marc F., par le major général, lors de la 2e journée des phénix, qui s’est déroulée en janvier dernier à la DGGN. Ce rendez-vous montre l’engagement de l’Institution dans cette dynamique d’accompagnement de ses blessés. – © Bureau de l’action sociale

L’équitation adaptée : soigner l’esprit par le cheval

Face au handicap, le regard des autres est parfois sévère, voire intolérant, tout particulièrement quand l’apparence physique de la personne peut être un obstacle, sinon un frein, dans l’acceptation de sa différence. Face à cette incompréhension, certains stagiaires ressentent le besoin de se tourner vers la nature. À Fontainebleau, à l’École militaire d’Équitation, l’ADC Benoît, référent national équitation adaptée, tente de soigner les maux des blessés. Véritable médiateur dans la relation entre « le patient et le thérapeute », le cheval, grâce à des canaux sensoriels très développés, est un véritable miroir des émotions ressenties par le blessé. Il est réceptif à ce qui l’entoure. L’esprit va mieux, car le militaire blessé s’exprime à travers le cheval, et de fait le corps progresse également, car l’individu est responsabilisé par les soins qu’il apporte à l’animal, la communication physique qu’il met en place avec lui et les tensions qu’il apprend à maîtriser. Le gendarme Franck L. souhaitait ardemment pouvoir vivre un stage d’équitation adaptée, ce qu’il a pu concrétiser l’année dernière. « C’est l’approche avec l’animal qui m’intéressait énormément et j’ai été conquis pendant cette semaine. Le cheval est imposant et impressionnant, mais il y a très rapidement eu une osmose entre nous, livre-t-il. Il n’est pas dans le jugement. Au contraire, il nous apaise. »

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin

En groupe, les stagiaires participent tout au long de l’année à des activités sportives. Ad Victoriam, Invictus Games ou encore RMBS (Rencontres Militaires Blessures et Sports)… Des noms qui ne vous disent peut-être rien, mais qui sont, pour tous ces blessés, un moteur essentiel à leur guérison. Ces stages sportifs, ces challenges multisports, ces compétitions nationales et internationales, les poussent à se dépasser, à retrouver une activité sportive, mais aussi à recréer un lien social basé sur l’entraide et le partage.

Gravement blessé par balles au cours de la phase d’interpellation d’une opération de police judiciaire en outre-mer, en 2010, l’adjudant-chef Maurille A. confie avoir « ressenti le besoin de se challenger » lorsqu’il a eu connaissance de la possibilité de tenter les sélections pour intégrer l’équipe de France militaire des blessés. « Je baigne dans le sport depuis l’enfance. En m’inscrivant dans le processus sport élite blessés que sont les Jeux Mondiaux Militaires et les Invictus, je voulais me prouver que malgré mes blessures, je pouvais intégrer cette équipe. Le sport de compétition, c’est un monde particulier. Il faut toujours aller chercher plus haut, plus vite et plus fort pour réaliser la meilleure performance, et dans ce contexte international, je suis de nouveau dans le monde de l’action, comme auparavant, mais d’une autre manière. Tout ceci en accord avec ma famille, car cela demande de nombreux sacrifices, de par les absences durant les stages bloqués et les nombreuses heures passées à l’entraînement les soirs de semaine en club. »

L’ADC Maurille A. lors des sélections pour les Jeux mondiaux militaires d’été 2019 et les Invictus Games 2020. – © Bureau de l’action sociale

Pour d’autres, le déclic s’est fait sur la terre ferme, comme pour l’adjudante Émilie .T-B. « L’année dernière, parmi les huit étapes du challenge Ad Victoriam, il y a eu un atelier judo qui m’a confrontée aux regards d’athlètes valides. J’avais l’impression d’être le Quasimodo au milieu des autres. Mais après l’épreuve, j’ai eu un temps d’échanges avec des jeunes femmes judoka. Leur regard m’a émue car elles m’ont dit avoir trouvé ma performance vraiment très bonne. Cela m’a permis d’aller de l’avant. Ce challenge est vraiment essentiel dans ma reconstruction. »

En 2018, c’est le major Marc F., blessé en 2010, qui est sorti vainqueur du challenge multisports interarmées Ad Victoriam. Pour lui, plus qu’une victoire personnelle, c’est une victoire de groupe, une victoire familiale, celle de la famille des blessés. « Cette réussite, c’est avant tout une victoire sur son stress post-traumatique ou encore ses blessures physiques. Cela permet de nous prouver que nous sommes encore capables d’accomplir des choses que nous ne pensions plus pouvoir faire. À travers ce challenge, et surtout à travers ce programme tout entier, la gendarmerie nous montre qu’elle ne nous a pas abandonnés et qu’elle n’oublie pas ses blessés. Ces derniers ont servi leur pays et ne sont pas responsables de leurs blessures. Ils ne doivent donc pas hésiter à nous rejoindre. »

Tous les blessés s’accordent à dire que le premier pas a été le plus difficile. Mais grâce au sport, ils avancent désormais main dans la main, dans la même direction, celle de leur reconstruction. Pour intégrer le protocole de reconstruction des blessés par le sport et le collectif des phénix de la gendarmerie, contactez le capitaine Thierry Rousseaux au 01 56 28 74 78 ou thierry.rousseaux@gendarmerie.interieur.gouv.fr

Source: gendinfo.fr / Crédit photo: © D.R.