Ils demeurent invisibles aux yeux du grand public, toujours postés sur les points les plus hauts pour que rien ne leur échappe, et sont pourtant devenus essentiels pour faire face aux nouvelles menaces : les militaires de la Section de protection et d’appui drones (SPAD) sont dorénavant employés sur la quasi totalité des événements impliquant la foule et la présence de hautes personnalités. Rendez-vous dans le dôme des Invalides pour en savoir plus sur cette unité d’exception…
395 marches à monter avec une vingtaine de kilos de matériels sur le dos, à peine la largeur des épaules pour gravir l’escalier en colimaçon qui semble interminable, c’est presque le quotidien des gendarmes affectés à la SPAD. Après avoir cheminé dans des combles auprès d’un pompier, pris divers accès cachés au sein du monument et monté une échelle, une ultime trappe s’ouvre, laissant apparaître un paysage somptueux depuis le dôme des Invalides. « Nous avons souvent le privilège de bénéficier de beaux points de vue ! », reconnaît l’adjudant Nicolas Ortet, gradé de l’unité.
Des yeux de lynx
Créée officiellement depuis cet été, la SPAD est armée de 19 gendarmes et devrait bientôt atteindre l’effectif de 27 militaires. Rattachée au 2ème régiment d’infanterie de la Garde républicaine, elle est présente lors des grands événements, sécurise les palais parisiens mais aussi les déplacements des hautes personnalités lors des visites officielles. Sa mission d’appui est double : reconnaître les lieux et les éventuels dangers environnants mais également procéder à des levées de doute si besoin.
Pour cela, les gendarmes de l’unité arrivent en amont de l’événement et se postent sur les points les plus hauts qui permettent d’avoir une vue à 360°, côtoyant souvent les tireurs d’élite. En coordination avec les snipers, ils effectuent un premier « balayage », observant les toits et balcons autour d’eux à l’aide de jumelles. Il peuvent ainsi d’ores et déjà repérer un drone qui serait prépositionné ou tout simplement un comportement suspect.
Dispositif anti drone
Après ce premier tour d’horizon, l’équipe déploie son matériel à la pointe de l’innovation.
Parce que même les jumelles additionnées aux yeux de lynx ne suffisent pas, un détecteur est employé. À cette fin, il faut déjà amener l’électricité sur ces points élevés bien souvent dépourvus de prises. Une « valise énergie » est donc installée. Il fois par ailleurs prévenir l’Agence nationale des fréquences (ANFR) en amont de l’utilisation. Une fois branché, le détecteur, à l’image d’un radar, peut repérer 90 % des drones existant sur le marché. En cas de détection, une alarme retentit, l’objet volant est localisé sur la carte et toutes les informations le concernant apparaissent : la vitesse, le tracé, et même le numéro de série. Les militaires se procurent en amont la liste des engins autorisés à voler. « En 2020, chaque drone devrait être enregistré officiellement de la même façon qu’une arme. », explique l’adjudant Ortet.
Les gendarmes ont d’ailleurs à leur disposition un pistolet et un fusil permettant de brouiller les fréquences de ces drôles d’oiseaux, jusqu’à un kilomètre en pointant l’équivalent du canon dans leur direction. L’engin est ainsi neutralisé, obligeant l’opérateur à le poser ou à le ramener au point de départ. Cet armement spécifique est considéré comme du matériel de guerre, interdit à la vente et devant faire l’objet d’un compte rendu hiérarchique lorsqu’il est utilisé.
Un travail d’équipe
La mission peut durer plusieurs heures voire la journée entière et demande une vigilance de tous les instants malgré la fatigue et parfois des conditions météorologiques défavorables. L’équipe est généralement formée du chef de mission et d’au moins deux opérateurs détection et brouillage. « C’est bien d’être au moins trois personnes pour que rien ne nous échappe car c’est difficile de tenir sur la durée, nous restons des être humains. », concède la gendarme Marion Gronier.
Afin de procéder aux levées de doute, huit militaires de la section ont également été formés comme télé pilotes. Trois drones peuvent ainsi être employés avant l’arrivée de l’autorité pour déceler d’éventuelles menaces au sol. Ce fut le cas, par exemple, sur le site de Notre-Dame-des-Landes ou durant les manifestations des gilets jaunes. Le télé pilote, comme le reste de l’équipe, demeure toujours en contact radio avec des gendarmes au sol afin de pouvoir effectuer les vérifications dans le même temps et, le cas échéant, procéder à une interpellation.
En cas de drone neutralisé, un périmètre de sécurité est mis en place, l’appareil étant considéré comme un Engin explosif improvisé (EEI). Le drone de la SPAD sera alors employé pour l’approcher et vérifier s’il est chargé.
Une formation spécifique
Ces missions de haute protection dans des lieux atypiques génèrent beaucoup de volontaires au sein de l’Institution mais peu d’élus sont retenus pour intégrer l’unité. Après avoir passé les premières étapes de sélection comportant des questions de culture générale mais testant également les connaissances des militaires sur les drones et autres technologies, les candidats passent des épreuves physiques de haut niveau. Enfin, leur appréhension du vide est mise à l’épreuve puisqu’on leur demande de s’asseoir au bord du toit d’un immeuble. Une fois admis, tous sont formés à la détection et au brouillage. Certains passent également les différents modules théoriques et pratiques pour le pilotage de drone.
Depuis peu, les gendarmes de la SPAD assistent également à une formation dispensée par une société privée pour le travail en hauteur. En effet, ces militaires sont souvent confrontés dans le cadre de leur mission à des toits sans garde corps, avec un risque important de chute. « Ce stage de trois jours permet notamment de savoir s’assurer et monter une ligne de vie quand il n’y en a pas. », explique l’adjudant Ortet.
Une menace bien réelle
Avec l’ensemble de ces moyens déployés, il semble difficile de parvenir à avancer masqué dans les airs ! Pourtant, la menace est bien réelle pour les gendarmes de la SPAD. De nouvelles technologies arrivent quotidiennement sur le marché avec des capacités de plus en plus développées : « Aujourd’hui un drone acheté dans le commerce peut atteindre une vitesse de 70km/h, soit parcourir un kilomètre en moins d’une minute ! », déclare l’adjudant Ortet, « Les organisations terroristes comme Daesh maîtrisent ce type de moyen et l’utilisent pour leurs attentats comme à Mossoul où on a pu dénombrer jusqu’à 80 attaques dans la journée ! ».
Le drone comportant une charge explosive et ciblant une autorité comme le président de la République demeure une des plus grosses menaces envisagée par la SPAD. Elle est donc prête à faire face à cette éventualité et a déjà pu démontrer son efficacité l’année dernière en neutralisant un drone survolant la résidence présidentielle de Brégançon et en identifiant son télé pilote. Fort heureusement lorsqu’un objet volant est détecté, il s’agit le plus souvent de touristes voulant conserver de belles images des toits de Paris !
Source: gendinfo.fr / Crédits photos: © D.R.