Dix à vingt fois plus rentables que le trafic de stupéfiants, selon Interpol, les trafics de produits de santé se développent rapidement et représentent un véritable enjeu de santé publique. Pour lutter plus globalement contre le crime pharmaceutique, un partenariat se concrétise entre l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) et l’association G5 Santé.
La France constitue la principale source d’approvisionnement en Europe de groupes criminels organisés pour les médicaments opioïdes. Détournés de la chaîne légale, avec un préjudice financier à la sécurité sociale, ils sont vendus à prix d’or notamment en Scandinavie ou en Europe de l’Est où ils sont utilisés à des fins psychotropes. Ainsi, un cachet de Subutex qui vaut environ 2 € en pharmacie peut se revendre jusqu’à 400 € en prison en Finlande.
Mais la France est également un pays de destination pour les médicaments produits illégalement, notamment en Asie ou en Europe Centrale et de l’Est, dans des laboratoires clandestins s’embarrassant peu des normes d’hygiène, et utilisés à des fins dopantes. Les consommateurs ne peuvent avoir aucune garantie sur la qualité de ces faux médicaments vendus essentiellement via internet et prennent des risques pour leur santé en les consommant.
En 2019, les tendances émergentes attestent enfin d’une progression significative des trafics de médicaments rares et onéreux, tels que les anticancéreux ou les hormones de croissance.
Prise de… conscience !
Les trafics de faux médicaments ou de médicaments détournés de la chaîne légale représentent une menace croissante au niveau national comme international. Ils génèrent en effet de lourdes conséquences, non seulement sur la santé des consommateurs (progression des addictions et des overdoses), mais aussi sur les finances publiques (déséquilibre du système de sécurité sociale, hospitalisation, traitements), l’innovation, l’environnement, les industries de santé et la délinquance quotidienne en lien avec l’économie souterraine.
Pour améliorer la détection des trafics de produits de santé et les sanctionner, tout en préservant la chaîne légale de distribution, la collaboration entre les opérateurs de la recherche et de la production de médicaments et la gendarmerie nationale est apparue comme essentielle.
La riposte
Confrontée à la progression du commerce illicite de médicaments, et au vu des risques que de tels trafics peuvent engendrer pour la santé publique, l’industrie du médicament a développé une capacité d’analyse stratégique et de détection propre à faciliter la lutte contre ce phénomène.
Prévenir, détecter et sanctionner les trafics de produits de santé, tout en préservant le développement du commerce légal et la chaîne légale de distribution constituent donc un axe majeur.
Le 9 janvier 2020, l’OCLAESP, acteur majeur européen de la lutte contre les trafics de médicaments, et le G5 Santé, association regroupant les principales entreprises françaises de la santé (bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa), ont signé une convention afin d’améliorer ensemble la lutte contre le crime pharmaceutique.
Ce partenariat va ainsi se traduire par des échanges d’informations (évolution du cadre juridique, établissement et suivi de la cartographie des risques, description des modes opératoires observés, études des flux criminels, détection des nouvelles addictions…), la valorisation des éléments recueillis par l’industrie pharmaceutique (détection des filières illicites de distribution, gammes thérapeutiques recherchées via les sites Internet et sur le darknet, ouverture d’enquêtes cyber par la gendarmerie, judiciarisation des renseignements transmis) et la promotion de la lutte contre le crime pharmaceutique.
Actions opérationnelles
Structure interministérielle à compétence nationale, l’OCLAESP enquête, anime et coordonne, entre autres, des actions de lutte contre le crime environnemental et le crime pharmaceutique.
L’office est d’ailleurs leader d’une opération européenne de lutte contre les trafics de médicaments : MISMED, pour Misused MEDicine, visant à démanteler ces réseaux criminels. Elle dirige des enquêtes transnationales, développe des initiatives auprès d’EUROPOL et optimise son dispositif de détection des phénomènes au travers d’opérations de sensibilisation des autorités de santé et de partenariat avec le secteur pharmaceutique.
Initiée en 2017, cette opération a déjà obtenu des résultats encourageants, tant sur le plan des saisies que des arrestations. Les résultats pour l’année 2018 ont confirmé l’ampleur du trafic et l’implication de la criminalité organisée, déjà démontrées en 2017, ainsi qu’une augmentation de près de 50% des saisies de faux médicaments.
Des résultats probants en 2018
43 enquêtes transnationales menées sur 10 mois
435 arrestations
13 millions de médicaments saisis
22 sites illicites de vente démantelés
55 % de produits contrefaits