Les Groupes interministériels de recherches (GIR) viennent appuyer les unités saisies d’une enquête comportant un volet financier ou patrimonial assez complexe et apportent leur lumière sur la faisabilité et les modalités de saisie de ce patrimoine, matériel ou mobilier, pour indemniser les victimes. Comprenons leur mode d’action en nous immergeant dans une affaire traitée par le GIR de Caen.

En novembre 2018, suite à une dénonciation, les services de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) de La Manche procèdent à la vérification de la comptabilité d’une Société à responsabilité limité (SARL) spécialisée dans la maintenance agricole que nous appellerons X, en raison de l’anonymat imposé par les investigations toujours en cours. Les recherches démontrent, qu’entre janvier 2016 et novembre 2018, un défaut de dépôt de déclarations et une minoration de déclaration pour la TVA et l’impôt sur les sociétés ont généré un préjudice fiscal de plus de 700 000 euros. La DGFIP dénonce alors les faits auprès du tribunal judiciaire de Coutances qui saisit la brigade de recherches de Saint-Lô, en août 2019.

En raison de la complexité du dossier financier, le GIR de Caen est co-saisi à compter d’octobre 2019.

Déterminer la bonne infraction et le préjudice réel

Le gérant initial de la société X est décédé en 2016, la SARL a alors été divisée entre plusieurs membres de sa famille. C’est à partir de ce moment que les défauts de déclaration ont débuté. La non déclaration de la TVA ou de l’impôt sur les sociétés, constituent une fraude fiscale qui, au regard du code pénal, n’autorise pas de saisie et de confiscation en peine complémentaire.

L’équipe du GIR, composée de quatre gendarmes, trois policiers, un douanier et un agent du fisc, étudie de plus près le dossier et découvre une autre infraction : travail dissimulé par personne morale, qui, elle, permet de procéder à des saisies et confiscations pour indemniser les victimes. Cette nouvelle infraction est aussitôt validée par le Parquet.

Pour quantifier le produit de l’infraction, les effectifs du GIR reconstituent alors le chiffre d’affaire non déclaré pour la période considérée de deux ans. Ces investigations démontrent que ce montant s’élève à plus de deux millions d’euros. L’enquête patrimoniale sert également à découvrir d’éventuels capitaux qui pourraient être rapidement saisis.

Ne cibler que les vrais coupables

Nouveau rebondissement ! Il apparaît très récemment que la société incriminée, sentant certainement le vent tourner en sa défaveur, a cessé son activité de travaux agricoles auprès des collectivités territoriales et agriculteurs, et loue, depuis avril 2019, ses engins agricoles à la SARL Y qui poursuit la même activité sur le même site.

Une perquisition sur ce site devient donc plus que nécessaire afin de déterminer qui gère véritablement cette société et pour faire un état des lieux du patrimoine présent et éventuellement saisissable.

Début mars 2020, trois personnels du GIR de Caen accompagnent donc cinq personnels de la Brigade de recherches (B.R.) de Saint-Lô, en charge de l’enquête, et un membre de la brigade départementale de contrôle et de recherche de la DGFIP, sur le site en question pour procéder à la perquisition. Un agent immobilier local est également requis pour estimer la valeur immobilière de l’habitation et de l’ensemble de la propriété foncière. L’opération est sécurisée par cinq militaires du peloton de surveillance et d’intervention de Saint-Lô.

Se montrant très coopératifs, les gérants de la nouvelle société (Y) démontrent leur bonne foi en présentant tous les documents qui leur sont demandés.

En revanche, un des gérants de la société X, qui fait son apparition après avoir été convoqué, nie toute intention coupable, rejetant la faute sur son comptable… seulement les faits sont bel et bien matérialisés et il ne parviendra pas à duper les enquêteurs du GIR.

« Les gérants de la nouvelle société, déclarent légalement leur activité aux services fiscaux, et ont pour objectif à moyen terme de racheter le site et une grande partie du matériel de maintenance agricole. Si nous appliquions strictement les textes, nous pourrions procéder à la saisie de tous les biens, mobiliers et immobiliers, et leur faire mettre la clé sous la porte. Ce n’est pas l’objectif du GIR, qui n’est pas là pour générer de nouvelles victimes, explique le lieutenant-colonel Gilles Lavaux, commandant du GIR de Caen. Nous allons donc faire une proposition au parquet qui, si elle est acceptée, devrait contenter tout le monde. »

Indemniser sans endommager

Après toute une journée de perquisitions menées par le GIR et la B.R. au siège de la SARL et dans divers lieux de stockage répartis sur plusieurs secteurs, il est procédé à la saisie de 35 engins et matériels agricoles, estimés aux alentours de 900 000 euros, ainsi qu’à celle des biens immobiliers, estimés à 200 000 euros, le tout appartenant à la SARL X. D’autres engins agricoles, sous contrat de leasing, ne sont pas impactés.

« Le Parquet a entériné notre proposition qui est de saisir l’ensemble des engins en nom propre de la société X, avec la particularité de saisir sans déposséder les engins que loue actuellement la SARL Y qui en garde l’autorisation d’usage. Cela lui permet de poursuivre son activité. De plus, les loyers qu’elle doit verser à la SARL X continueront d’être directement versés au fisc pour poursuivre l’épuration de la dette », poursuit le lieutenant-colonel.

Le GIR va appuyer la B.R. jusqu’à la conclusion du jugement qui déterminera si la procédure ira jusqu’à la confiscation définitive des biens saisis, puis à leur vente, pour indemniser totalement les services fiscaux.

« J’aime quand un plan se déroule sans accroc : les coupables seront sanctionnés, la justice sera rendue et l’entreprise qui est en règle sera sauvée ! », conclut le commandant du GIR.

Source: gendinfo.fr / Crédit photo: © D.R.