En pleine crise sanitaire, il s’agit d’apporter rapidement les équipements nécessaires aux personnels œuvrant sur le terrain pour qu’ils puissent poursuivre leurs missions. Comment s’organisent alors les logisticiens ? Petit éclairage sur ces travailleurs de l’ombre avec le général Xavier Lejeune, commandant la Sous-direction de la logistique et de l’approvisionnement (SDLA) du SAILMI.
Quel service coordonne la logistique de la gendarmerie ?
Ces dernières années, une action de mutualisation a été engagée en matière de logistique, permettant de rationaliser les moyens et de réduire les coûts d’achats avec des commandes groupées.
En 2013, la sous-direction de la logistique de la gendarmerie nationale fusionne ainsi avec celles des autres forces de la sécurité intérieure (police nationale, sécurité civile, etc). C’est la création du Service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI). Puis, en septembre dernier, l’entité est étendue aux directions et services du ministère de l’Intérieur (préfectures, secrétariat général, etc), donnant naissance au Service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI).
Quel est le rôle du SAILMI durant cette crise ?
Le ministère de l’Intérieur s’appuie aujourd’hui entièrement sur le SAILMI pour diffuser les équipements à l’ensemble de ses acteurs. Ce service tient donc un rôle pivot dans la gestion de la crise. Il définit les matériels nécessaires, procède aux achats auprès des industriels qui se présentent d’initiative ou qu’il prospecte, innove et réalise des équipements qui ne sont pas disponibles sur le marché, puis, enfin, organise l’acheminement pour approvisionner les bénéficiaires. Heureusement, le service peut compter sur son organisation et sa chaîne logistique pour mener à bien ses missions, notamment dans le contexte actuel. Par ailleurs, les gendarmes qui y sont affectés tiennent, en ce moment même, un rôle prépondérant : véritables techniciens de la logistique, leur statut militaire les rend entièrement disponibles et les place en première ligne de la manœuvre. Le travail accompli par le SAILMI ayant été particulièrement apprécié depuis le début de la crise, le service va même être chargé prochainement de la diffusion des masques pour toute la fonction publique d’État, tous ministères confondus, à l’exception des fonctionnaires de l’Éducation nationale, qui seront gérés indépendamment du SAILMI.
Sur quels moyens s’appuie le SAILMI ?
La chaîne logistique s’est modernisée et continue d’évoluer en même temps que la crise. Dans un premier temps, il a été décidé de traiter selon le schéma classique, en passant par les Secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI). Après avoir transité par l’une des deux plate-formes (Centre national de soutien logistique (CNSL) au Blanc ou Établissement Logistique de la Police Nationale (ECLPN) à Limoges), les commandes ont ainsi pu rejoindre ces services déconcentrés, placés au niveau des zones de défense et de sécurité. Les équipements ont ensuite été distribués aux unités de gendarmerie les plus exposées via les régions zonales, et directement par les SGAMI pour les différents services de la police nationale ainsi que les préfectures.
Puis, trois semaines après le début de la crise, le SAILMI a souhaité gagner en vitesse de livraison et mettre en place une « logistique poussée », afin de servir rapidement les nombreux petits points de livraison. Pour soulager les SGAMI, le marché avec le transporteur Geodis a été activé, celui-ci permettant d’amener désormais directement la commande de l’entrepôt à l’unité. Ce système a permis de réduire les délais de livraison de trois semaines à une semaine maximum ! Il évite, par ailleurs, des liaisons inutiles vers les états-majors pour les gendarmes, qui peuvent se recentrer sur leurs missions.
Enfin, après la ventilation des équipements, la troisième étape va s’inscrire dans une logique de renouvellement des stocks. Le système « LOG-MI » comporte un portail informatique accessible aux unités. Par ce biais, elles vont pouvoir commander des équipements manquants (masques, gel, mais aussi munitions, gilets pare-balle, kits de prélèvement, etc), après avoir déterminé leurs besoins en réapprovisionnement. De son côté, le SAILMI peut avoir une vue exacte, en temps réel, de l’état des stocks. La logistique repose ainsi aujourd’hui sur une relation de confiance mutuelle entre les unités et le service à la manœuvre.
Quels sont les équipements acheminés en cette période de crise ?
Le SAILMI est resté à l’écoute des préconisations des autorités sanitaires pour déterminer les équipements nécessaires face au coronavirus. Ainsi, le premier matériel commandé et livré a été du gel hydro-alcoolique pour nettoyer les mains et toutes les surfaces susceptibles d’être contaminées. Puis, des masques, des gants ou encore des lingettes ont été achetés.
Au-delà de ces commandes, le SAILMI a pu compter sur des dons ou des stocks déjà existants. Une entreprise a ainsi fait le don de 100 000 litres de gel hydro-alcoolique. Après avoir fait tester le produit, le SAILMI a organisé son conditionnement en flacons et bouteilles de petite capacité, ainsi que le nouvel étiquetage en vue d’une distribution aux unités. De la même manière, un stock de 810 000 masques chirurgicaux existant a été réparti équitablement entre les SGAMI. Le stock de masques FFP2 détenu a été donné, pour sa part, au ministère de la Santé, ces derniers étant destinés avant tout au personnel soignant.
Le SAILMI étant également un service d’innovation et de sourcing auprès des industriels, de nombreuses démarches ont été effectuées pour trouver des produits répondant aux attentes et qui soient disponibles dans les meilleurs délais. C’est le cas des lunettes et des visières, complémentaires aux masques, qui permettent de protéger la personne contre les micro-gouttelettes.
Tous ces équipements ont été livrés en priorité aux unités les plus exposées. Le SAILMI poursuit sa mission pour que, à terme, toutes les unités de gendarmerie soient entièrement équipées. Par ailleurs, le service anticipe déjà le dé-confinement avec, par exemple, l’achat de masques lavables. Ils se révéleront être une réelle alternative aux masques chirurgicaux, dont les besoins évalués par le SAILMI devraient atteindre trois millions de masques par semaine pour tout le ministère.
Comment sont acheminés ces équipements ?
Depuis le 17 avril dernier, l’activation des principes logistiques de « LOG-MI » permet aux unités d’être livrées directement par le transporteur. Pour autant, le SAILMI peut toujours compter sur les SGAMI, le CNSL et l’ECLPN, qui disposent de vecteurs propres et gèrent en autonomie les convois. En outre, en lien avec le partenaire Geodis, le Centre national de sécurité des mobilités (CNSM) peut superviser le bon déroulement du transport grâce, notamment, à la géolocalisation.
Certains équipements devenant des denrées rares et très utiles, le SAILMI doit parfois devancer la livraison et la sécuriser dès son arrivée sur le sol français. C’est le cas, par exemple, pour les masques arrivés de Chine par le pont aérien fin mars, qui ont été réceptionnés directement sur le tarmac en présence de deux officiers de gendarmerie de la SDLA. La Gendarmerie des transports aériens (GTA) a apporté un concours précieux par sa sécurisation des lieux, appuyée par des gendarmes départementaux et mobiles. Des personnels de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ont également permis, à travers leur expertise, de vérifier la conformité du produit, avant que celui-ci soit acheminé vers les entrepôts, sous bonne escorte des motocyclistes.
Enfin, l’outre-mer n’est pas oublié dans la manœuvre logistique du SAILMI. En liaison avec les services logistiques présents sur place, la SDLA organise chaque semaine des projections d’équipements COVID-19, plus particulièrement du gel hydroalcoolique, des masques chirurgicaux et des lunettes de protection. Il s’agit d’une véritable performance, car les vecteurs aériens sont particulièrement comptés durant la crise. Toutefois, grâce à la mise en œuvre du marché de fret aérien du SAILMI, trois à quatre liaisons aériennes hebdomadaires sont effectives vers ces territoires, permettant ainsi de doter les différents services du ministère de l’Intérieur.
Source: gendinfo.fr / Crédit photo: © D.R.