À l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, dans le Val-de-Marne (94), plusieurs gendarmes sont venus prêter main-forte aux personnels soignants. Rencontre avec quatre d’entre eux, pour qui l’engagement citoyen va au-delà de leur uniforme.

À l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, dans le Val-de-Marne (94), ils sont appelés par leur prénom : Nathalie, Angélique, Matthieu et Thibaut. Pas vraiment une habitude pour ces gendarmes, plutôt accoutumés à entendre « bonjour adjudant ou mes respects mon commandant ». Mais cette fois-ci, les quatre militaires évoluent sans leur uniforme, ou plutôt avec un autre : celui de personnel soignant. Vêtus d’un masque et d’une blouse blanche ou bleue, ils se confondent parfaitement avec les médecins, les infirmiers et les aides-soignants. Si l’adjudante Nathalie, le commandant Thibaut, l’adjudante Angélique et le gendarme adjoint de réserve Matthieu ont revêtu ce costume, ce n’est pas pour une opération d’infiltration, mais pour venir en renfort du personnel des hôpitaux de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), dont notamment l’hôpital Henri-Mondor.

Dès le début de la crise sanitaire, des citoyens, aussi bien civils que militaires, se sont mobilisés, dans un grand élan de générosité, pour apporter leur aide de quelque façon que ce soit, comme en effectuant des donations ou en fabriquant des visières. D’autres, comme Nathalie, Angélique, Matthieu et Thibaut, ont répondu à l’appel d’une association, Résilience Citoyenne. Réactivée en raison de l’épidémie, c’est elle qui s’est chargée de mettre en relation des citoyens voulant aider et les Hôpitaux de Paris, en manque de personnels pour faire face à l’afflux de patients, notamment en début de crise.

À l’origine, cette initiative citoyenne s’inscrit dans la continuité de stages expérimentaux de sensibilisation à la menace terroriste et au secourisme d’urgence, réalisés entre 2016 et 2018, à destination de réservistes citoyens. Un grand colloque sur le rôle du citoyen dans la résilience de la Nation, accueillant quelques personnalités étrangères, a clôturé, en septembre 2018, cette expérimentation. À la suite de ces stages de sensibilisation, l’association Résilience Citoyenne a été créée par des citoyens, dans le but d’expérimenter d’autres actions de résilience sur le territoire national.

Mise en sommeil, elle a été réactivée au début de la crise sanitaire et s’est rapprochée des Hôpitaux de Paris. « Il y avait deux demandes : une première de l’AP-HP, qui cherchait des renforts et une seconde, émanant de citoyens qui avaient envie d’agir », explique Brice De Gliame, fondateur de Résilience Citoyenne. L’association joue donc un rôle d’interface et de mise en relation entre l’institution hospitalière et des individus désireux de monter au front.

« J’étais confiné, je voulais me rendre utile »

Parmi les 70 volontaires qui ont rejoint l’initiative, le 2e classe Matthieu a été l’un des pionniers. Réserviste à la Garde républicaine, il est sans emploi lors de la mise en place des mesures de confinement. Alors qu’il déroule l’un de ses fils de discussion sur son téléphone, il reçoit un appel à volontaire émanant de l’association. « J’étais confiné, je voulais me rendre utile. J’ai vu l’offre et j’ai envoyé un mail dans la demi-heure qui a suivi. J’ai commencé le lendemain. » Titulaire d’un master en relations internationales avec une option sécurité/défense, Matthieu n’a aucune expérience du monde médical. Un manque qui lui a valu une légère appréhension avant son premier jour. Mais il a tout de suite été pris en charge, comme le reste de ses camarades.

réanimation blocs interventionnel (Rbi)

Le 2e classe Matthieu en salle de réanimation blocs interventionnel (Rbi).

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Avant d’être plongés dans le grand bain, les volontaires suivent une formation sanitaire d’une demi-journée, puis sont affectés dans leur service respectif. Certains, comme le gendarme adjoint de réserve Matthieu, ont débuté la lutte au service logistique de l’hôpital, où ce dernier effectuait de la manutention. Une tâche plus dure qu’elle n’y paraît, puisque l’unité dont il faisait partie traitait uniquement des patients atteints de la COVID-19. « Le plus difficile, c’est de voir le désarroi des familles après un décès », commente celui qui souhaite passer le concours de sous-officier en gendarmerie et d’officier sous contrat.

De l’OPEX à une chambre mortuaire de Créteil

D’autres, comme le commandant Thibaut, se sont vu confier dès le départ des tâches encore plus délicates. Cet officier, détaché à la gendarmerie prévôtale, a directement été envoyé en chambre mortuaire. Un travail de l’ombre, comportant une lourde charge émotionnelle, qu’il exerce depuis le 22 avril. Une expérience « extrêmement touchante », qu’il « ne regrette pas », d’autant plus que sa présence, comme celle de ses collègues, a été un véritable soutien pour les personnels soignants, leur permettant « de récupérer et de souffler un peu. »

Un bénéfice confirmé par l’adjudante Angélique : « Les personnels soignants nous ont accueillis comme si nous faisions partie des leurs ! Ils nous remercient tous les jours. » Gestionnaire en ressources humaines à « la prévôtale », elle a commencé à travailler dans la cellule imagerie, puis en chambre mortuaire, tout comme sa camarade, l’adjudante Nathalie. Pour cet ex-membre du groupe d’observation et de surveillance d’Île-de-France, son engagement revêt un caractère personnel : « J’ai contracté le virus. Lorsque les médecins m’ont dit que je n’étais plus contagieuse, j’ai cherché à aider, en proposant mon plasma par exemple. »

scanner

Avant de prêter main-forte en chambre mortuaire, Angélique et Nathalie sont passées par le scanner.

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Après plusieurs appels restés sans réponse, cette enquêtrice de la brigade de recherches prévôtale se tourne finalement vers le commandant Thibaut, qui lui donne le tuyau. De cette expérience, elle retire des apprentissages, mais aussi et surtout des compétences, qu’elle mettra à profit lors de son retour chez les prévôts. « Grâce au temps passé à l’hôpital et à cette formation avec les hygiénistes, j’ai été désignée référente sanitaire au sein de mon unité. »

Si, pour l’instant, l’épidémie semble freiner sa course, Brice De Gliame et son association continuent de recruter des volontaires pour l’AP-HP : « Les citoyens qui viennent aider dans les hôpitaux permettent aux personnels soignants de partir un peu plus tôt, voire de prendre leur week-end. » Cet appui bénévole est toujours accueilli comme une bouffée d’air frais par les personnels soignants. Encore aujourd’hui, « les hôpitaux en font la demande ! »

Si vous souhaitez proposer votre aide, vous pouvez écrire à contact@resilience-citoyenne.fr.

Source: gendinfo.fr / Crédit photo: © D.R.