Le 9 juin dernier, au terme d’une enquête de longue haleine, 200 gendarmes ont été mobilisés pour mettre un coup d’arrêt aux dépôts sauvages de déblais de chantier sur la Côte d’Azur. Visant six sociétés de travaux publics et deux chantiers, cette opération judiciaire de grande envergure a conduit à l’interpellation de onze personnes.
Quelques jours seulement après la journée mondiale de l’environnement (NDLR : le 5 juin), les gendarmes du Var et des Alpes-Maritimes ont frappé fort en mettant un terme à une pollution orchestrée depuis des années !
C’est le chantier !
Que ce soit pour le soleil, le bleu de la Méditerranée ou le son des cigales, la Côte d’Azur reste la destination préférée des touristes. Si beaucoup souhaitent s’y installer et multiplient les constructions, cet environnement privilégié est malheureusement régulièrement souillé par le déversement des déblais des chantiers du secteur… jusqu’au ras-le-bol des habitants !
Cela faisait plusieurs mois que les parquets de Draguignan et de Nice étaient saisis de plaintes et de signalements concernant ces dépôts sauvages. La Section de recherches (S.R.) de Marseille et le groupement de gendarmerie départementale du Var ont finalement été saisis et une cellule d’enquête a été créée pour regrouper les faits constatés dans les départements du Var et des Alpes-Maritimes. Très vite, les enquêteurs ont découvert l’ampleur du phénomène et ont mis en lumière « un système organisé depuis plusieurs années », a précisé le parquet de Draguignan.
Un gain d’argent au préjudice de l’environnement
Alors que les entreprises de BTP avaient conclu des marchés d’évacuation de gravats au tarif réglementaire, il s’avère qu’elles écoulaient parallèlement les déblais sur des terrains publics et privés du secteur, « en trompant ou menaçant les propriétaires ». Une pratique répandue et juteuse puisque ces déversements sauvages leur revenaient « environ cinq fois moins cher ». Un gain d’argent et de temps puisque cela évitait aussi aux entreprises de se rendre dans l’une des neuf Installations de stockage des déchets inertes (ISDI) que compte le Var, bien qu’elles soient prévues à cet effet.
Si ce système prospère depuis des années, il a cependant occasionné au fil du temps une pollution visuelle et environnementale bien réelle ! À la suite du déversement « de centaines de milliers de mètres cubes de terre, de béton, de ferraille, de goudron », une vingtaine de sites auraient ainsi été « irrémédiablement défigurés ». Par ailleurs, la remise en état possible de quelques terrains induirait des frais considérables. Enfin, les gravats déversés n’ayant fait l’objet d’aucun traitement, il est à craindre que les sols soient en partie pollués par des produits dangereux pour la santé.
L’« éboulement » d’un système illégal
En quelques mois, les gendarmes de la S.R. et du groupement ont rassemblé un maximum de preuves pour faire tomber cette « mafia des déblais », multipliant les observations au sol mais aussi aériennes, avec l’aide de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Hyères. Afin de maîtriser les aspects techniques du dossier, ils ont pu compter sur l’appui de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et de la Direction régionale des finances publiques (DRFIP).
Finalement, le 9 juin dernier, une vaste opération judiciaire a été lancée à travers le Var et les Alpes-Maritimes, mobilisant près de 200 gendarmes au total. Appuyés notamment par les agents de ces administrations, les gendarmes mobiles de Hyères et un hélicoptère, les enquêteurs ont perquisitionné les sièges de six sociétés de BTP et deux sites de travaux en cours. Sur place, onze personnes on été interpellées. Placées en garde à vue, elles ont dû s’expliquer sur les nombreuses qualifications retenues dans le cadre de l’information judiciaire : gestion irrégulière de déchets par personne physique et personne morale commise en bande organisée, abandon de déchets par personne physique et personne morale en bande organisée, escroquerie en bande organisée, blanchiment d’escroquerie en bande organisée, menace de mort, de crime ou délit sur un officier public, extorsion par violence, blanchiment de délit, travail dissimulé par dissimulation d’activité et par dissimulation de salariés.
En lien avec ces infractions, plus d’une centaine de véhicules et d’engins ont été saisis, dont 20 véhicules légers, 45 camions de chantier et tracteurs, 20 remorques et 21 engins de chantier (pelles mécaniques, tractopelles, concasseurs, etc.), un bus et un quad, soit une valeur totale d’environ trois millions d’euros.
Le système de dépôts illégaux était bien juteux, puisque plus de 200 000 euros ont également été appréhendés. Par ailleurs, les 11 individus ont été mis en examen. Quatre d’entre eux ont été écroués et les sept autres ont été placés sous contrôle judiciaire en attendant leur jugement. Les protagonistes encourent jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende, sans compter les dommages et intérêts à verser face aux multiples préjudices.
Source: gendinfo.fr / Crédit photo: © D.R.