À la suite de la plainte d’un agriculteur ardennais, une enquête menée par la Section de recherches de Reims a conduit à l’interpellation, en France et en Israël, de plusieurs individus impliqués dans une vaste escroquerie en bande organisée.

La société – fictive – portait le nom engageant de Goldwinmarket. Inutile d’être bilingue pour comprendre la promesse de gains conséquents ainsi sous-entendue. Et les pépites d’or qui étincellent sur la page d’accueil du site Internet entretenaient cette illusion.

En juillet 2015, un agriculteur céréalier de la région Champagne-Ardenne est démarché par des représentants de cette structure, particulièrement bien informés, qui s’appuient sur de la fausse documentation et des sites Internet, afin de lui proposer des placements financiers à fort rendement.

Après plusieurs contacts, la victime commence à effectuer des versements sur des comptes bancaires en Pologne et constate rapidement un rendement élevé en suivant les cours de ses investissements sur le site bancaire de la fausse société, particulièrement bien élaboré, ce qui la motive à effectuer de nouveaux versements. Le préjudice s’élève à 761 000 €.

66 victimes françaises

La Section de recherches (S.R.) de Reims (51) est rapidement saisie des faits par le parquet du Tribunal judiciaire de Reims. Compte tenu de la complexité de l’enquête et des connexions à l’international, l’enquête est transférée à la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Lille en 2016, puis à la JIRS de Paris en 2018. Elle fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire au début de l’année 2017 pour les chefs d’escroqueries en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment en bande organisée.

Les investigations démontrent que plusieurs millions d’euros versés par 66 victimes françaises sont parvenus sur ces comptes polonais. Les titulaires des deux comptes bancaires polonais sont deux sociétés, dont les gérants sont des ressortissants français. Les fonds versés sont rapidement transférés vers des comptes bancaires à Hong Kong, en Chine et en Turquie…

Le préjudice pour les victimes françaises identifiées s’élève à plus de 5 millions d’euros, versés sur des comptes en Pologne, mais également en République Tchèque, en Slovaquie, en Allemagne, en Belgique, à Chypre, en Hongrie, en Lettonie, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni et en Bulgarie.

Criminalité organisée de haut niveau

Les escrocs agissent en grande partie depuis l’étranger. Ils ont recours à des opérateurs téléphoniques qui leur octroient des numéros français, dans le but d’éviter d’alerter la future victime, utilisent des centres d’appels très organisés et s’appuient sur des argumentaires préparés. Les investigations démontrent un démarchage agressif, l’utilisation de fausses identités et les propositions de produits financiers purement fictifs.

Ce groupe criminel dispose d’ « ouvreurs de compte » effectuant les démarches dans tous les pays sus-cités. Les fonds sont ensuite transférés vers d’autres comptes, disséminés à travers toute l’Europe, et font l’objet de plusieurs « rebonds », afin de rendre leur traçage plus difficile. Ces transferts induisent en effet, pour les enquêteurs, une multiplication des réquisitions adressées aux autorités locales, sous la forme de Demandes d’entraide européenne (DDE), afin de reconstituer le parcours de l’argent.

Les investigations en matière de téléphonie s’avèrent particulièrement difficiles, du fait du très grand nombre de lignes ouvertes auprès d’opérateurs étrangers et le recours constant à de faux patronymes.

L’analyse d’une cinquantaine de comptes bancaires ouverts dans des pays européens ayant répondu aux réquisitions révèle un montant total collecté de plus de 100 millions d’euros, dont près de 39 millions proviennent de victimes françaises. Ces comptes bancaires sont utilisés pour collecter l’argent provenant de plusieurs types d’escroqueries.

Coopération franco-israélienne

De juin 2017 à juin 2020, sous l’autorité du juge d’instruction Pascal Gastineau, de la JIRS de Paris, les enquêteurs de la S.R. de Reims procèdent, au fil des mois, à l’interpellation de plus d’une vingtaine d’individus impliqués à différents niveaux dans cette escroquerie, dont une dizaine sont mis en examen, notamment des gérants de paille de société et des ouvreurs de comptes.

En juillet 2019, l’enquête fait l’objet d’une commission rogatoire internationale, avec un déplacement en Israël du magistrat instructeur en charge de l’enquête, accompagné de deux enquêteurs. À cette occasion, la collaboration avec les autorités judiciaires locales et l’action particulièrement efficace du service de police judiciaire israélien (LAHAV) permettent d’interpeller cinq individus, dont les principaux mis en cause dans l’organisation de cette escroquerie.

Plusieurs réunions de coopération judiciaire internationale, initiées dans le cadre de ce dossier au niveau d’EUROPOL et d’EUROJUST, à La Haye (Pays-Bas), en 2017 et 2018, puis à Prague (République Tchèque), fin 2018, et par visioconférences courant 2020, permettent d’envisager le rapatriement des fonds gelés par les autorités locales dans le cadre de la lutte anti-blanchiment.

L’enquête a démontré que l’existence de cette structure, parfaitement organisée, d’escroqueries aux faux placements financiers, a pu être favorisée par le contexte particulier lié aux mesures de confinement, qui induit un certain isolement des personnes, notamment les aînés.

Source: gendinfo.fr