Proactive sur la lutte contre toutes les discriminations, la gendarmerie nationale adapte sa doctrine afin de mieux prendre en charge les victimes d’actes « LGBTphobes », qui ont encore parfois certaines réticences à se manifester auprès des forces de sécurité.

Le 17 mai 2005 s’est déroulée la première Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, 15 ans jour pour jour après la décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de supprimer l’homosexualité de la liste des troubles du comportement.

Pour autant, en 2021, les violences et les discriminations « LGBTphobes » demeurent une réalité quotidienne pour un certain nombre de citoyens, qui hésitent trop souvent à pousser la porte d’une brigade ou d’un commissariat.

Pour la gendarmerie nationale, il est indispensable de lutter contre ces réticences. Cela passe par une meilleure compréhension des termes LGBTQIA+, afin de permettre un accueil, une prise en charge et un accompagnement adaptés.

Cette date symbolique du 17 mai a été choisie par la gendarmerie pour une évolution de sa doctrine. Le capitaine (CNE) Wilfried Labbé, du bureau de la sécurité publique, nous explique les raisons et les objectifs de cette mise à jour.

Pour quelles raisons la gendarmerie nationale a-t-elle décidé de revoir sa doctrine concernant la lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie ?

La précédente remonte à 2007 et était un peu datée. Elle était notamment très axée sur la seule homophobie. Désormais, on dépasse cette notion, pour prendre en compte l’ensemble des personnes LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles) et intégrer des concepts comme la transidentité, les fluides, les non binaires… Ce sont des termes qui reviennent de plus en plus dans les relations sociales, notamment chez les plus jeunes, et qui peuvent parfois être difficiles d’appréhension pour nos militaires.

La raison principale est donc d’expliquer les fondements des diverses identités, afin de mieux comprendre pour mieux accueillir les personnes. Des maladresses, souvent sémantiques, peuvent parfois être commises, et sont simplement dues à des méconnaissances.

Il faut donc renforcer le lien de confiance envers les forces de sécurité intérieure. Car, s’il peut parfois y avoir des préjugés de la part de certains militaires, il peut aussi y avoir des a priori de la part des membres de la communauté LGBTQIA+, qui craignent d’être mal reçus ou incompris.

Quel est l’objectif du renforcement de ce lien de confiance ?

La libération de la parole. Il faut casser les stéréotypes réciproques, pour que tout le monde puisse se parler et se comprendre. Certaines enquêtes ou associations mettent en avant l’existence d’un chiffre noir des actes LGBTphobes, qui ne remontent pas par le dépôt de plainte vers la gendarmerie ou la police.

Cela s’inscrit pleinement dans le cadre l’ambition Gend 20.24 de protéger les personnes les plus vulnérables, avec une réponse adaptée, individualisée, comme on peut le faire par ailleurs pour les victimes de violences intra-familiales.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Il ne faut surtout pas que le dépôt de plainte soit vécu comme un coming out forcé. En effet, ces situations sont souvent vécues de manière très personnelle, sans que les proches soient au courant, dans des environnements familiaux parfois pas très ouverts sur ces questions. Les auditions doivent donc pouvoir se dérouler en toute discrétion, dans des locaux préservant la confidentialité des échanges. À défaut, il pourra être proposé la prise d’un rendez-vous, sur un créneau donné et dans un lieu plus adapté.

Le militaire doit aussi faire preuve d’empathie lors du recueil des éléments, car il n’existe pas de « petites » infractions en matière de discrimination. Les mots, qu’il s’agisse d’insultes ou de simples moqueries, peuvent être lourds de conséquences pour la victime.

Enfin, il faut apporter de la considération à l’identité ressentie par la victime. Dans ce domaine, il faut savoir faire preuve de bon sens, de pragmatisme. Le gendarme doit être en capacité, s’il y a une incohérence évidente entre l’identité sexuelle administrative déclarée et l’identité sexuelle anatomique, de demander à la personne concernée quelle identité elle souhaite faire prévaloir dans le cadre de son audition, notamment pour le cas particulier de la fouille des personnes transgenres.

Le militaire doit savoir se détacher de cette identité administrative, tout en rappelant qu’il est important de mettre rapidement celle-ci en accord avec la transition opérée.

Quels sont les partenariats mis en place par la gendarmerie dans le cadre de la lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie ?

Dans le cadre de la formation initiale des élèves-gendarmes et des élèves-officiers, mais aussi des membres du réseau de Référents « Égalité – Diversité » (RED), la gendarmerie fait appel à des associations spécialisées, comme SOS Homophobie et FLAG, créée en 2001 par des policiers, afin de lutter contre les LGBT-phobies au sein de la police nationale, et dont l’action s’est étendue dès 2002 à la gendarmerie nationale, puis à l’ensemble du ministère de l’Intérieur.

Le GLAG 45 (Groupe d’action gay et lesbien du Loiret) intervient également dans le cadre des formations d’expertise aux mécanismes des violences intra-familiales, dispensées par le Centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ). Car les VIF surviennent aussi dans les couples homosexuels ou lesbiens.

Enfin, l’association L’autre cercle, spécialisée dans l’inclusion professionnelle, participe à la formation des personnels des Maisons de protection des familles (MPF).

La gendarmerie travaille également sur ces questions avec des partenaires institutionnels, comme la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DICRAH).

L’objectif de ces partenariats est vraiment de muscler notre formation pour déconstruire tous les stéréotypes.À noter : animé par la Référente nationale Égalité – Diversité, le réseau de Référents « Égalité – Diversité » (RED) regroupe l’ensemble des personnels spécifiquement formés afin de conduire des actions de sensibilisation au profit des personnels civils et militaires, en matière de lutte contre les stéréotypes. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire, jusqu’au niveau des groupements de gendarmerie départementale et mobile et des gendarmeries spécialisées.

Source: gendinfo.fr