Jets privés, hélicoptères, stars du show-biz et bolides surpuissants. Ce week-end, se déroulait le Grand Prix de France de Formule 1, sur le circuit Paul-Ricard du Castellet, dans le Var. Dans l’ombre de la jet-set, 425 gendarmes étaient engagés pour assurer le bon déroulement de cet événement hors norme.

C’est l’une des rares fois où les excès de vitesse n’ont pas été verbalisés par les gendarmes, malgré des pointes à près de 350 km/h. Du 21 au 24 juillet, se déroulait la 4e édition du Grand Prix de France de Formule 1, sur le circuit Paul-Ricard du Castellet, dans le Var. Un événement de renommée mondiale, retransmis dans plus de 140 pays, qui a accueilli plus de 180 000 personnes en quatre jours, dont près de 70 000 rien que le dimanche.

En effet, le dernier jour de la semaine coïncidait avec le 12e Grand Prix de la saison. Une course remportée par le flegmatique Max Verstappen, qui se rapproche plus que jamais d’un second titre de champion du Monde. Pourtant, le Néerlandais a passé les 18 premiers tours derrière la Ferrari de Charles Leclerc, avant que le Monégasque ne perde le contrôle de sa monoplace dans le 11e virage.

Le lièvre et la tortue

Durant cet événement majeur, l’obsession du contrôle n’était pas réservée qu’aux pilotes de Formule 1. C’était aussi l’apanage des gendarmes, chargés d’assurer la sécurisation de cette manifestation d’ampleur. Les 425 militaires engagés avaient notamment pour mission « d’assurer la fluidité de la circulation depuis et vers le site », explique le colonel Philippe Quimerch, commandant en second du Groupement de gendarmerie départementale du Var (GGD 83).

Un vrai défi pour la gendarmerie, en raison d’un flux ininterrompu de 9 000 véhicules par jour, circulant sur un réseau routier sinueux et « absolument pas dimensionné pour absorber un tel déferlement », reconnaît un militaire en charge de l’opération. Un véritable casse-tête pour les spécialistes de la sécurité des mobilités, pour qui le temps n’a pas effacé l’épisode fâcheux de 2018 et ses 7 heures pour parcourir 20 kilomètres.

Il fallait à tout prix se servir des éditions précédentes pour proposer un dispositif le plus efficace possible. Si les circonstances de 2018 étaient exceptionnelles et avaient créé énormément de difficultés, la mobilité était cette année un défi pour la pérennité du Grand Prix.

C’est donc une autre course, beaucoup plus lente, qui s’est déroulée en parallèle du Grand Prix de France. Une course avec 70 000 participants, qui avaient tous le même objectif : avoir le moins de temps d’attente possible. Une ambition partagée par les gendarmes, avec peut-être un peu plus de réalisme : « 70 000 personnes, ça crée forcément des perturbations. Il faut les accepter. Ce n’est pas parce que Waze a mis un axe en rouge que la mission est ratée. Notre but, c’est de limiter au maximum ces perturbations. »

Un constat partagé par le chef d’escadron Étienne Eymery, commandant de la compagnie de gendarmerie de la Valette-du-Var : « Les ralentissements, ça ne me gêne pas. En dessous de deux heures, c’est acceptable. Ce qui ne l’est pas, ce sont les blocages. Et pour les éviter, il faut une coordination au millimètre. » Pour ce faire, les militaires bénéficiaient d’une Structure d’accueil modulaire déployable (SAMD), un poste de commandement mobile unique en son genre.

Il s’agit du centre névralgique pour toutes les opérations d’ampleur, comme c’est le cas pour la sécurisation d’un Grand Prix de Formule 1. Un poste de commandement en somme, à l’intérieur duquel se trouvent tous les responsables de la mission, « ainsi que des représentants de services partenaires, les organisateurs et différents services de l’État », énumère le colonel Quimerch.

C’est ici que le dimanche, et ce malgré la climatisation, les premières gouttes de sueur ont commencé à tomber. Sur les coups de 11 heures, une première alerte arrive : un drone tente de survoler le circuit, malgré un arrêté préfectoral qui interdit l’accès à la zone à ce type d’engin.

Sur ce type d’événement, tout drone est considéré comme un ennemi. Capitaine Daniel Trioux, de la Section opérationnelle de lutte contre les cybermenaces (SOLC), à la Valette-du-Var, GGD 83.

C’est grâce à un aéroscope, sorte de radar portatif, que l’appareil est détecté. « Ce dernier est ensuite neutralisé par une salve wifi pendant une certaine durée », explique l’officier, commandant de l’équipe Lutte anti-drone (LAD) durant la manifestation. Le tir, lui, est effectué grâce à un fusil anti-drone, propulsant des ondes wifi en direction de l’engin. « Si ce n’est pas un attentat, la personne va vouloir récupérer son drone et pour cela effectuer un RTH (Return to Home). Charge à nous ensuite de localiser le point où le drone va se rendre et d’interpeller son propriétaire. »

Une équipe mobile, munie elle aussi d’un pistolet anti-drone, « dont la portée est forcément moins importante, mais qui permet d’avoir une patrouille pédestre dotée de cette arme », se chargera d’interpeller le propriétaire de l’appareil. Il s’agissait d’un prestataire qui souhaitait simplement s’assurer de la cohérence de son dispositif commercial. Malheureusement pour lui, il sera verbalisé par le détachement de la compagnie de Gendarmerie des transports aériens (GTA) de Nice.

Dans ce cas de figure, la pire crainte des gendarmes reste la menace d’attentat : « C’est-à-dire un drone qui ne ferait qu’un aller sur une cible, comme une tribune officielle », s’inquiète le capitaine Trioux. Une menace terroriste protéiforme, puisqu’elle pourrait tout aussi bien être perpétrée avec un armement léger ou à l’arme blanche, par un individu isolé ou un groupe constitué. En réponse, l’antenne GIGN d’Orange a été placée en alerte durant toute la durée de la manifestation, sans être présente sur le site. Sur place, le Peloton d’intervention de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM 26/1) de Maisons-Alfort faisait figure de primo-intervenant.

Une cinquantaine de militaires de cet EGM étaient déployés pour cette occasion. Ils constituaient une réserve d’intervention en cas de troubles à l’ordre public. « La mission de sécurité est essentielle, puisqu’il y a toujours la menace terroriste et les troubles à l’ordre public plus classiques, qui peuvent intervenir lorsque l’on accueille autant de personnes », explique le colonel Quimerch. D’où le choix d’engager une cinquantaine d’autres gendarmes, issus de l’escadron 24/6 d’Antibes, concentrés plutôt sur la sécurité publique, et en particulier sur l’intrusion de manifestants sur le circuit.

Début juillet, lors du Grand Prix de Grande-Bretagne, cinq militants écologistes avaient franchi les grilles de sécurité pour entrer sur le circuit de Silverstone. Une action extrêmement dangereuse, qui ne s’est pas reproduite pendant le Grand Prix de France, grâce à un travail de longue haleine. « Il y a une manœuvre de renseignement qui débute bien en amont de la tenue du Grand Prix. Elle nous a permis de mettre en place un dispositif anti-intrusion, avec des forces au plus près du circuit, pour éviter que des manifestants ou des contestataires ne viennent perturber la manifestation », dévoile le colonel Quimerch.

L’Alpine, un bolide au fort capital sympathie

En fin de compte, aucun problème majeur n’a été signalé. Pour les gendarmes, ce Grand Prix de France s’est en tout cas mieux déroulé que celui du malheureux Charles Leclerc. Mais le pilote Ferrari n’était pas la seule star de l’événement. Tout au long de ces quatre jours, le public s’est pressé autour de l’Alpine gendarmerie, véritable vedette parmi les exposants. Pour le maréchal des logis-chef Julien, affecté à l’Équipe rapide d’intervention (ERI) de Salon-de-Provence, l’engouement autour de ce bolide constitue une sincère satisfaction : « Depuis qu’on a l’Alpine, on découvre le capital sympathie du public pour cette voiture. Si elle peut permettre de susciter des vocations, alors c’est tout bénef’. »

Passionné de sport mécanique, en particulier de F1, le sous-officier était comme un poisson dans l’eau durant toute la durée de la manifestation. « Pour moi, être ici en tant que gendarme, c’est Disneyland ! » Une passion et un engagement récompensés. Le dimanche, en fin d’après-midi, le militaire a eu la chance d’ouvrir la parade des pilotes d’Alpine avec la voiture éponyme. « Ça a été 25 minutes de pur bonheur. Une immense fierté de faire ça. Je m’en souviendrai toute ma vie. » Un souvenir qu’il pourra raconter lors de ses pitstop dans les Centres de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG).
Source: genfinfo.fr