La Première ministre a fait le point, au Conseil des ministres du 29 novembre 2022, sur les risques d’approvisionnement en électricité pour l’hiver 2022-2023. Les tensions sont fortes sur le marché de l’énergie et pourraient conduire à des coupures de courant et des délestages. Le point en six questions.

Pourquoi risque-t-on une pénurie d’électricité cet hiver 2022-2023 ?

Une pénurie d’électricité se produit lorsque la production d’électricité est inférieure à la consommation. L’année 2022 est marquée par plusieurs évènements qui, mis bout à bout, créent des difficultés pour produire de l’électricité et répondre à la demande :

  • les tensions sur le marché de l’énergie : entre la reprise économique à la sortie de la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine qui menace l’approvisionnement en gaz, les pays européens traversent une crise énergétique sans précédent. Les tensions sur l’approvisionnement provoquent une forte hausse des prix (notamment le prix de l’électricité) ;
  • la transition écologique : depuis 2017, des centrales de fuel et de charbon ont été fermées pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, ce qui implique une demande plus importante en gaz et en nucléaire ;
  • le retard des énergies renouvelables : en 2020, les énergies renouvelables constituaient 19,1% de l’électricité produite alors que l’objectif était d’atteindre 23% ;
  • le déficit de production d’électricité d’origine nucléaire : du fait de travaux de maintenance, d’incidents de corrosion, de microfissures sur les circuits de refroidissement, la sécheresse des cours d’eaux, le vieillissement des infrastructures… 30 réacteurs nucléaires sur 56 sont mis à l’arrêt.

Ces différents points pourraient donc entraîner une pénurie d’électricité en France, touchant les entreprises d’abord, mais aussi les ménages. Réseau de transport d’électricité (RTE) a alerté le 18 novembre 2022(nouvelle fenêtre) sur le fort risque de tensions sur le réseau électrique entraînant de possibles coupures d’électricité et des délestages.

Qu’est-ce que le délestage ?

Le délestage se produit lorsque la situation électrique est très tendue. Cette situation exceptionnelle est fortement dépendante de la situation météorologique (grands froids, par exemple). Lors d’un délestage, l’électricité est coupée, de façon ponctuelle, dans le but de conserver l’intégrité du système électrique et d’éviter un problème de plus grande envergure. Dans un secteur donné, l’alimentation électrique d’une partie des consommateurs est coupée, pour deux heures maximum.

Le délestage concerne l’ensemble du territoire car ce sont des coupures qui vont toucher une zone puis une autre, de façon alternative par souci d’égalité. Tout le territoire n’est pas touché en même temps, d’où l’expression de délestage « tournant ». Cette technique a pour objectif d’éviter une perte de contrôle du système électrique.

Le délestage permet aussi d’assurer le bon approvisionnement en électricité pour les usagers qui sont considérés comme prioritaires. L’arrêté du 5 juillet 1990 établit une liste d’usagers prioritaires :

  • les hôpitaux, cliniques et laboratoires ;
  • les installations de signalisation et d’éclairage de la voie publique jugées indispensables à la sécurité ;
  • certaines installations industrielles, notamment celles qui concernent la défense nationale.

Outre ces catégories, certaines personnes hospitalisées à domicile ou ayant le statut de patient ou malade à haut risque vital (PHRV/MHRV) sont classées prioritaires.

Le délestage est prévu pour que l’électricité soit coupée pendant les périodes de pics de consommation, c’est-à-dire le matin entre 8 heures et 13 heures et le soir entre 18 heures et 20 heures. Le délestage n’est pas permis le week-end, que très rarement le soir après 20 heures et jamais la nuit, sauf dans une situation exceptionnelle.

Quand un dispositif de délestage est prévu, les usagers sont informés avant sa mise en oeuvre selon les modalités suivantes :

  • trois jours avant : RTE et le ministère de la transition écologique informent d’une vigilance renforcée et de la possibilité de mise en place d’un délestage ;
  • deux jours avant : information particulière aux patients à haut risque vital (PHRV) ou à leurs représentants ;
  • 19h30 la veille : confirmation par RTE et Enedis (gestionnaire du réseau de distribution d’électricité) de la possible coupure d’électricité ;
  • 21h30 la veille : publication d’un communiqué de presse avec la carte des départements potentiellement concernés ;
  • le jour J : envoi d’alertes aux utilisateurs de l’application EcoWatt et activation des coupures par les 30 agences régionales d’Enedis par tranche de deux heures maximum par clients.

La loi autorise-t-elle les délestages ?

L’article L.115-3 du code de l’action sociale et des familles(nouvelle fenêtre) dispose qu’aucune coupure ne peut être réalisée pendant la période hivernale, c’est-à-dire entre le 1er novembre et le 31 mars.

Cependant, un arrêté du 5 juillet 1990(nouvelle fenêtre) a fixé en son article premier des consignes générales de délestage sur les réseaux électriques, autorisant des coupures de courant pendant la période hivernale. L’alimentation en électricité peut alors être temporairement restreinte, voire suspendue, en cas de :

  • baisse de fréquence des réseaux électriques : si la fréquence est en-dessous de 49 hertz (Hz), étant normalement de 50 Hz ;
  • chutes de tensions ;
  • surcharges anormales sur des ouvrages de transport ou de distribution sans report possible sur d’autres ouvrages ;
  • conditions normales d’exploitation ne pouvant pas être assurées.

Si une des conditions est remplie, les organismes et établissements qui assurent la distribution de l’électricité peuvent temporairement restreindre les fournitures aux entreprises ou aux ménages.

Pour l’hiver 2022-2023, une cellule interministérielle de crise dédiée est activée pour anticiper la mise en oeuvre éventuelle du plan national de délestage.

Quel est le risque de « black-out » ?

RTE se veut rassurant sur les potentiels risques de black-out, c’est-à-dire de perte totale de contrôle du système électrique et affirme qu’en aucun cas la France ne devrait faire face à un tel scénario.

Le gestionnaire du réseau ne prévoit donc aucun black-out mais confirme la forte probabilité de délestages tournants, prévus par l’article R. 323-36 du code de l’énergie(nouvelle fenêtre).

Comment être alerté des coupures d’électricité ?

Pour informer sur l’état de la production électrique et sur les risques de coupures d’électricité, RTE a lancé l’application EcoWatt(nouvelle fenêtre). Ce dispositif a été créé pour permettre à chacun de pouvoir agir sur sa consommation d’électricité et anticiper les risques de coupures de courant.

Cette application se présente comme une « météo » de l’électricité(nouvelle fenêtre) qui informe en temps réel sur l’état du réseau électrique français.

EcoWatt vise à inciter les entreprises et les particuliers à limiter leur consommation, surtout lors des heures de pointe, entre 8h et 13h puis entre 18h et 20h, périodes pendant lesquelles le réseau est sous tension. Cette limitation de la consommation serait, selon RTE, le seul moyen d’éviter les délestages.

L’application permet aux usagers de recevoir des notifications les informant des jours de tension sur le réseau, les risques de coupures d’électricité ainsi que les gestes à adopter pour diminuer au mieux leur consommation d’électricité.

Trois types de signaux existent :

  • le signal vert : la situation est normale et la consommation d’électricité est équilibrée par rapport à sa production ;
  • le signal orange : il existe des tensions sur le réseau, sans risque de coupure. On appelle aux écogestes pour éloigner ce risque et une diminution de la tension de 5% est possible ainsi que l’interruption temporaire des activités industrielles électro-intensives ;
  • l’alerte EcoWatt rouge : une très forte tension est présente sur le réseau électrique. Le risque de coupures de courant et de délestages est très fort si la consommation en électricité ne diminue pas.

Ces signaux EcoWatt seront diffusés, en plus de l’application, par les grands distributeurs d’électricité, de nombreux médias, des enseignes de grande distribution, La Poste, des agences immobilières…

En cas d’alerte rouge, si la consommation d’électricité ne diminue pas, RTE sera alors amené à couper le courant et à procéder à des délestages.

Comment peut-on éviter une pénurie d’électricité ?

Différentes mesures existent pour faire face aux éventuelles coupures d’électricité. RTE considère que le risque de coupure peut être évité par une baisse de la consommation nationale d’énergie de 1 à 15% selon les scénarios étudiés.

Le plan de sobriété énergétique présenté par le Gouvernement a pour ambition une sortie des énergies fossiles mais il peut contribuer à la baisse de la consommation d’énergie.

À l’échelle domestique, il est recommandé d’adopter des « écogestes » comme baisser le chauffage d’un ou deux degrés, réduire les éclairages, généraliser l’éclairage LED, utiliser les appareils électriques les plus consommateurs (lave-vaisselle, machine à laver…) hors des heures de pointe, faire fonctionner le chauffe-eau pendant les heures creuses…

À l’échelle des entreprises, les dirigeants doivent anticiper la pénurie d’électricité en réduisant d’ores et déjà leur consommation d’énergie : réduire l’éclairage intérieur des bâtiments, réduire le chauffage d’un ou deux degrés, anticiper la montée en température des bureaux et commerces avant 8h, limiter la consommation en fin de journée dans les locaux inoccupés, encourager le télétravail..

Source: vie-publique.fr