La période de chasse court de septembre jusqu’à la fin février dans la plupart des départements. La chasse est une activité réglementée mais controversée, notamment au sujet de la sécurité à la chasse. Vie-publique.fr fait le point.

Longtemps privilège de la seule noblesse (ordonnance royale de 1396), le droit de chasse s’est étendu aux propriétaires à la Révolution française. Rapidement encadrée, l’activité s’est progressivement démocratisée et a fait l’objet d’une réglementation renforcée et adaptée aux différents modes de chasse (chasse à tir, chasse à courre, par exemple). Aujourd’hui, l’organisation de l’activité a pris la forme d’une « chasse-gestion », intégrant notamment les aspects environnementaux dans sa pratique.

Le cadre juridique de la chasse

La loi définit la chasse comme un acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l’attente du gibier ayant pour but la capture ou la mort de celui-ci (la préparation de la chasse ou l’achèvement d’un animal blessé n’en fait pas partie). En France, la chasse est une activité encadrée. La réglementation fixe ses conditions d’exercice : les espèces qui peuvent être chassées, les lieux, dates et heures autorisés, le permis de chasse et les règles de sécurité.

Pour chasser les 89 espèces de gibier et oiseaux chassables en France (arrêté du 26 juin 1987), un permis de chasse valable est obligatoire depuis 1975. Le document est délivré, dès 16 ans, par l’Office français de la biodiversité (OFB) après admission à un examen qui porte notamment sur la connaissance de la faune sauvage, la réglementation et les règles de sécurité. Le permis de chasser doit par ailleurs être validétous les ans pour le lieu et la période en cours après paiement des cotisations et redevances cynégétiques
Autre condition : respecter la période d’ouverture de la chasse. Le préfet fixe chaque année les dates et heures autorisant la chasse (ouverture l’un des quatre dimanches de septembre selon les départements). Il est interdit de la pratiquer en dehors de cette période.

Quant au territoire sur lequel la chasse est autorisée, on distingue le droit de chasse et le droit de chasser. Le droit de chasse est d’abord lié au droit de propriété : un propriétaire peut chasser sur ses terres (chasse privée), louer (bail de chasse) ou céder le droit de chasse sous certaines conditions (adjudications des forêts domaniales, par exemple). La loi peut imposer de rendre collectifs des terrains ouverts au droit de chasser : les associations communales (ou intercommunales) de chasse agréées (ACCA ou AICCA). Les préfets peuvent aussi mettre en place des réserves pour protéger des espèces menacées (oiseaux migrateurs, notamment).

Qu’est-ce qu’une ACCA ?

Une ACCA est une association communale de chasse agréée chargée d’assurer une bonne organisation technique de la chasse. Créées par la loi Verdeille (1964), les ACCA mettent à disposition des espaces de chasse pour tous les habitants d’une commune. Elles rassemblent les droits de chasse sur les terrains de moins de 20 hectares. Chaque ACCA doit mettre au moins 10% de son territoire en réserve de chasse. La liste des départements où les ACCA sont obligatoires (29 départements en 2022) est établie par le ministre en charge de la chasse sur proposition des préfets. Un propriétaire opposé à la chasse peut retirer ses terrains des ACCA. Les 10 100 ACCA du territoire regroupent aujourd’hui 350 000 chasseurs.

L’organisation et la gestion de la chasse sont réparties entre plusieurs acteurs, notamment :

  • les fédérations départementales des chasseurs (FDC) élaborent le schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC), forment les chasseurs et les gestionnaires de territoire, coordonnent les activités des ACCA, valident le permis de chasser et distribuent les indemnisations des dégâts causés par les gibiers ;
  • le préfet approuve, après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), le schéma départemental de gestion cynégétique, fixe les périodes de chasse et la liste des espèces nuisibles, assure le contrôle des fédérations départementales des chasseurs ;
  • la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), présidée par le préfet, rassemble des chasseurs, des représentants agricoles et forestiers, des associations de protection de la nature et de l’environnement, l’OFB, la louveterie ;
  • lOffice français de la biodiversité(OFB) est chargé notamment de la police de l’environnement et de la chasse, des études sur la faune sauvage, de l’évolution de la pratique de la chasse en accord avec le développement durable et de la délivrance du permis de chasser ;
  • le ministère chargé de l’environnement a la tutelle de la chasse. Il est représenté par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui met en œuvre des réglementations nationales et délivre des autorisations des modes de chasse, notamment ;
  • les lieutenants de louveterie (ou louvetiers) sont des bénévoles exerçant des mission de service public, dont la destruction et la régulation des animaux causant des dégâts et la police de la chasse.

Le schéma départemental de gestion cynégétique comprend les plans de chasse, les plans de gestion, les prélèvements maximums autorisés, les règles de sécurité et les règles impératives dont le non-respect constitue une infraction passible de sanction pénale.

La sécurité en question

Durant la saison 2020-2021, 80 accidents de chasse dont 7 mortels ont été comptabilisés. Selon le bilan de l’OFB, depuis 2000, 3 325 accidents de chasse ont été recensés, provoquant la mort de 421 personnes, mais la tendance est à la baisse.

La sécurité pendant la chasse repose sur de nombreuses règles obligatoires, concernant notamment le transport, la détention et la manipulation des armes : respect des 30 degrés pour le tir, des cultures et de la distance de 150 mètres autour des maisons, courtoisie envers les promeneurs, etc. Les lois chasse de 2019, 2000 et 2022 ont par ailleurs renforcé les règles de sécurité, imposant notamment :

  • la déclaration des armes ;
  • une formation à la sécurité ;
  • la rétention et suspension du permis de chasser en cas d’accident grave.

Chaque année pourtant de nouveaux accidents surviennent provoqués par les mêmes causes :

  • non-respect de l’angle des 30° : principale cause des accidents lors des chasses au grand gibier ;
  • tir sans identifier (l’animal doit être identifié et visible) ;
  • auto-accidents ;
  • tirs en direction des routes ou habitations.

Autres constantes relevées en 20 ans : la grande majorité des accidents touche des chasseurs eux-mêmes (86% en 2020-2021) et la chasse du grand gibier reste celle qui entraîne le plus d’accidents (59% contre 41% pour le petit gibier).

Les chasseurs affirment mettre tout en œuvre pour appliquer les règles de sécurité tout en précisant que le risque zéro n’existe pas. En avril 2002, la Fédération nationale des chasseurs a élaboré une charte des bonnes pratiques à cet effet, comprenant notamment des consignes sur : le respect d’autrui et de l’animal chassé, la chasse durable, la contribution à la régulation des espèces. Du côté des opposants à la chasse, certains demandent de supprimer la chasse en tant que loisir, d’autres encore préconisent de l’interdire pendant les week-ends et les vacances scolaires. Les associations de protection des animaux souligne que l’interdiction de chasser certains jours de la semaine existe dans quasiment tous les pays européens.

Sur la plateforme e-pétitions du Sénat, la pétition « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça !  » a dépassé le seuil requis de 100 000 signatures. En conséquence, les commissions des affaires économiques et des lois ont créé une mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse. Un rapport d’information remis le 14 septembre 2022 salue la baisse des accidents depuis 20 ans et formule des propositions pour plus de sécurité.

Le Gouvernement a présenté, le 9 janvier 2023, un plan pour la sécurité à la chasse. Ce plan comprend trois séries de mesures :

  • renforcer la formation et la sensibilisation des chasseurs ;
  • renforcer les règles de sécurité pendant la chasse : interdiction de la pratique de la chasse sous l’emprise de l’alcool et des stupéfiants, encadrement des conditions de la détention d’armes, promotion des pratiques de chasse les plus sûres (tirs postés, traque-affut par exemple), peines complémentaires en cas de condamnation à la suite d’un accident… ;
  • assurer le partage des espaces : application numérique sur les lieux et temps de chasse, affichage des jours chassés en mairie…

Les inspecteurs de l’environnement

Les 1 700 inspecteurs de l’environnement de l’OFB, soit 15 à 25 par département, sont chargés de la police de l’environnement et de la police de la chasse. Outre la lutte contre le braconnage, ils veillent au renforcement de la sécurité à la chasse (notamment interdiction de l’alcool et de la drogue à la chasse, création d’un délit d’entrave à la chasse).

Sont également chargés de la police de la chasse : la police et la gendarmerie nationales, les agents de l’Office national des forêts (ONF), les lieutenants de louveterie, les gardes-champêtres, les gardes-chasse particuliers et les agents de développement de la fédération départementale (ou interdépartementale) des chasseurs.

Chasse et biodiversité

La législation récente a intégré le droit de la chasse dans le droit de la protection de l’environnement (gestion des territoires et des espèces chassables).
La loi chasse de 2012 a confié à la Fédération nationale des chasseurs (FNC) un rôle en matière de gestion de la biodiversité, notamment :

  • l’information et l’éducation au développement durable ;
  • la restauration et la conservation des milieux naturels (faune sauvage et ses habitats, flore, espèces exotiques et espèces protégées).

La FNC recense, dans la base Cyn’Actions Biodiv(nouvelle fenêtre), près de 1000 actions en faveur de la biodiversité : création de haies pour la petite faune dans le Doubs, plantation d’arbres dans la Loire, programme de recherche sur le lynx dans le Jura, etc.
La FNC souligne que la chasse raisonnée tient compte à la fois de la gestion du gibier et de son habitat (respecter les milieux de vie). L’organisation rappelle par ailleurs qu’elle est l’initiateur du Fonds biodiversité, financé par une éco-contribution des chasseurs et de l’État.

La régulation des populations de grand gibier

En 2019, une mission parlementaire a été consacrée à la régulation des populations de grand gibier et la réduction de leurs dégâts. Le député, Alain Perea, et le sénateur, Jean-Noël Cardoux, mettaient en évidence les multiples facteurs qui ont abouti à une surpopulation de sangliers et de cervidés (modèle agricole, nouvelles pratiques de chasse). Les fédérations de chasseurs, en 2019-2020, ont été confrontées à une hausse de 40% des demandes d’indemnisation de la part des agriculteurs victimes de dégâts.

À l’inverse, des associations de protection de la nature et des animaux considèrent que le chasseur-régulateur est un mythe. Elles dénoncent, notamment :

  • l’élevage d’animaux destinés à la chasse ;
  • la chasse d’espèces menacées ou en mauvais état de conservation (des oiseaux chassés en France sont inscrits sur la liste rouge des espèces menacées) ;
  • certaines pratiques de chasse : chasse à la glu (interdite en mars 2021), chasse à courre, etc. ;
  • la chasse dans les propriétés privées (enclos ou parcs de chasse) où cerfs et sangliers se multiplient en nombre, au détriment de la protection de la forêt.

Des chercheurs font un constat plus nuancé et considèrent que la chasse et la protection de la nature sont compatibles pour les espèces en croissance. Par exemple, les sangliers et les cervidés peuvent être chassés sans que leur espèce ne soit menacée (plus de 810 000 sangliers tués en 2019-2020). En revanche, pour les espèces en déclin, Frédéric Jiguet, ornithologue et membre du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, affirme que la chasse peut causer « une mortalité additionnelle non négligeable, même si les causes essentielles sont l’intensification de l’agriculture, les pesticides ou le changement climatique ».

La question du plomb dans les chevrotines

L’utilisation du plomb dans les munitions des chasseurs (chevrotines), dans les balles de tir et dans les articles de pêche fait l’objet d’un avis de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui dresse un tableau alarmant sur les risques d’empoisonnement des animaux sauvages et des personnes. L’ECHA propose l’interdiction, après une période transitoire de cinq ans, de la vente et de l’usage de la grenaille de plomb.
En France, l’emploi de la grenaille de plomb est interdite dans les zones humides depuis un arrêté du 9 mai 1985. Le règlement européen du 25 janvier 2021 prévoit l’interdiction de la détention et de l’utilisation de cartouches contenant du plomb à l’intérieur et aux alentours des zones humides. Ce règlement entre en vigueur le 15 février 2023.

Source: vie-publique.fr