Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2030, durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, pension minimum, emploi des seniors, pénibilité, fin des régimes spéciaux … Que prévoit le projet de loi portant réforme des retraites qui s’appliquera à partir du 1er septembre 2023 ?

Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres du 23 janvier 2023 par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et par Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Le texte présenté est un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). Le gouvernement envisage environ 18 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2030 pour permettre d’équilibrer le système de retraite et financer de nouvelles dépenses (revalorisation des pensions minimales…).

Le scénario macroéconomique sur lequel s’appuie ce PLFRSS n’est pas modifié par rapport au scénario retenu dans la loi de finances pour 2023. Le déficit de la sécurité sociale s’établirait à 7,5 milliards d’euros  (+400 millions par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023). La trajectoire des comptes sociaux pour les années 2023-2026 est modifiée afin notamment de tenir compte de la réforme. Pour la branche vieillesse des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse, l’exécutif prévoit un déficit de 2,6 milliards d’euros en 2023.

La réforme globale des retraites

Le projet de loi allonge de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. À partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé, à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961. L’âge d’ouverture à la retraite sera porté à 63 ans et 3 mois en 2027 (génération 65) pour atteindre 64 ans en 2030 (générations 68 et suivantes).

Parallèlement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027, dès la génération née en 1965. L’application de loi dite « Touraine » de 2014 est accélérée. Elle prévoyait un allongement de la durée de cotisation de 42 ans aujourd’hui à 43 ans d’ici 2035, à partir de la génération 1973.

Pour les personnes qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein (sans décote) reste fixé à 67 ans.

Le dispositif de carrières longues va être adapté pour que les actifs ayant commencé à travailler tôt ne soient pas obligés de travailler plus de 44 ans. Ceux qui ont commencé avant 16 ans pourront partir à 58 ans ; entre 16 et 18 ans à partir de 60 ans et entre 18 et 20 ans à partir de 62 ans. Des décrets doivent intervenir.

Comme aujourd’hui, les personnes déclarées inaptes ou en invalidité pourront partir en retraite à 62 ans à taux plein, les travailleurs handicapés à compter de 55 ans.

Les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT-MP) pourront sous certaines conditions partir à la retraite deux ans avant l’âge légal à taux plein. Les conditions de ce départ anticipé sont assouplies.

Face aux inquiétudes des partenaires sociaux, le texte retire, par ailleurs, le projet d’unification du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco.

Pénibilité et index sur l’emploi des seniors

Le projet de loi fait évoluer le compte professionnel de prévention (C2P) : accumulation des droits déplafonnée, meilleure prise en compte des poly-expositions ou certains facteurs de risques comme le travail de nuit, création d’un congé de reconversion pour changer de métier, hausse des droits à formation. Pour prévenir l’exposition aux risques ergonomiques (ports de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques), un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, doté d’un milliard d’euros d’ici 2027, est créé. Les salariés exerçant des métiers exposés à ces risques ergonomiques bénéficieront d’un suivi médical renforcé, notamment pour favoriser un départ anticipé dès 62 ans à taux plein pour inaptitude.

Concernant les travailleurs âgés, dont le taux d’emploi en France est inférieur à la moyenne européenne, deux mesures sont envisagées :

  • la mise en place d’un « index seniors » dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Concrètement ces entreprises devront publier tous les ans « des indicateurs relatifs à l’emploi des salariés âgés ainsi qu’aux actions mises en oeuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise », en interne et en externe et les transmettre au ministère du travail. À défaut, elles s’exposeront à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale ;
  • l’obligation de négocier sur l’emploi des seniors dans le cadre de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) en s’appuyant sur les indicateurs de « l’index seniors » (sauf si un accord de méthode de négociation(nouvelle fenêtre) en décide autrement).

Ces nouvelles obligations s’appliqueront au 1er novembre 2023 pour les entreprises d’au moins 1000 salariés et au 1er juillet 2024 pour les entreprises d’au moins 300 salariés.

Hausse de la pension minimale

Le projet de loi permet de revaloriser la retraite minimale à près de 1 200 euros bruts par mois (soit l’équivalent d’au moins 85% du SMIC net) pour une carrière complète cotisée à temps plein au SMIC, en indexant le minimum contributif (MICO) majoré sur le SMIC. Les carrières à temps partiel ou hachées sont donc exclues.

Cette revalorisation devrait s’appliquer à 200 000 nouveaux retraités chaque année à partir du 1er septembre 2023. Elle concernera aussi les retraités actuels et ayant cotisé au moins 30 ans qui verront leur pension augmenter jusqu’à 100 euros pour une carrière complète.

En outre, davantage d’anciens agriculteurs bénéficieront de la garantie spécifique de pension à 85% du SMIC net agricole. Les exploitants partis à la retraite au titre de l’invalidité ou du handicap seront en particulier désormais éligibles.

Fin de carrière et situation des parents et aidants

Pour faciliter la transition entre l’activité et la retraite, le dispositif de retraite progressive, qui permet de liquider avant l’âge légal une partie de sa pension pour passer à temps partiel, est étendu à tous les assurés et assoupli. Un décret fixera l’âge de son ouverture à 62 ans. Par ailleurs, le cumul emploi-retraite est facilité. Les retraités qui reprennent une activité pourront acquérir des droits et augmenter leur pension.

Les actifs ayant pris un congé parental (principalement des femmes) vont pouvoir intégrer un maximum de quatre trimestres pour être éligibles au minimum de pension ou au dispositif de carrière longue.

Une assurance vieillesse va être instaurée pour les aidants (AVA), afin que les trimestres consacrés à aider un enfant ou un adulte handicapé, malade ou en perte d’autonomie puissent être considérés comme validés. Chaque année, plus de 100 000 aidants seraient concernés.

Près de trois millions d’assurés qui ont travaillé dans les années 1980-1990 dans le cadre de travaux d’utilité collective (TUC) ou d’autres contrats aidés comparables vont pouvoir valider des trimestres au titre de ces périodes. Un décret précisera ainsi que 50 jours de stages de formation professionnelle dans ces dispositifs donnent droit à la validation d’une période assimilée.

Les futures règles pour les fonctionnaires

Le report de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, l’âge de la retraite sans décote à 67 ans concerneront aussi les agents publics, fonctionnaires et contractuels. Le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé (sur l’indice de traitement des six derniers mois, soit le traitement hors les primes).

Pour les 20% d’agents en catégories dites « actives » et « super-actives » (infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires…), l’âge d’ouverture de leurs droits à retraite est reculé de 57 à 59 ans pour les catégories actives et de 52 à 54 ans pour les catégories super-actives. D’autres mesures sont prévues : portabilité des services actifs, suppression de la clause d’achèvement de la carrière en catégorie active….

La possibilité de travailler jusqu’à 70 ans dans la fonction publique est systématisée (recul de la limite d’âge sans condition). Aujourd’hui, seuls les agents ayant encore des enfants ou dont la carrière est incomplète peuvent demander à poursuivre leur activité jusqu’à 70 ans.

La retraite progressive est étendue aux agents publics, sur les mêmes principes que le dispositif existant pour les salariés et les indépendants. De même, les conditions de cumul emploi-retraite sont assouplies à l’identique du secteur privé.

Pour prévenir l’usure professionnelle dans les secteurs hospitalier et médico-social, un fonds de prévention est créé auprès de l’Assurance maladie. Il viendra financer des actions de sensibilisation et de prévention ainsi que des dispositifs d’aménagement de fin de carrière pour les soignants usés par leur travail.

La fin des régimes spéciaux

Le projet de loi acte la fermeture des principaux régimes spéciaux de retraite pour les salariés recrutés à partir du 1er septembre 2023. Sont concernés les régimes :

  • des industries électriques et gazières (IEG) ;
  • de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ;
  • des clercs et employés de notaire (CRPCEN) ;
  • de la Banque de France ;
  • des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Les nouveaux embauchés seront affiliés au régime général au titre de la retraite.

Les autres régimes particuliers de retraite (marins, Opéra de Paris, Comédie Française), les régimes autonomes des professions libérales et les régimes agricoles ne sont pas réformés.

Quel calendrier pour l’examen de la réforme des retraites ?

L’Assemblée nationale discutera du projet de loi en commission des affaires sociales à partir du 30 janvier puis en séance publique du 6 au 17 février 2023(nouvelle fenêtre).

L’examen du texte, comme tout projet de budget de financement de la sécurité sociale ou de budget rectificatif, est encadré par l’article 47-1 de la Constitution. Si les députés n’adoptent pas dans les 20 jours le texte en première lecture, le gouvernement transmettra son texte initial au Sénat, modifié des éventuels amendements des députés qu’il aura retenus. Le Sénat disposera alors de 15 jours pour le voter. En cas de désaccord entre les deux chambres, une commission mixte paritaire interviendra. Si elle échoue, le texte devra être examiné en nouvelle lecture.

Si, dans un délai de 50 jours prévu le 26 mars 2023, le Parlement n’a pas définitivement adopté le projet de loi, la Constitution permet au gouvernement de prendre une ordonnance pour mettre en oeuvre la réforme.

Source: vie-publique.fr