Le 4 août 2022, alors qu’il est en patrouille avec son équipier, l’adjudant Ludovic, de la brigade de proximité de Saint-Paul-le-Jeune, en Ardèche, intervient sur l’incendie d’une habitation. En l’absence des services de secours, il évacue une femme de l’appartement en feu, avant de poursuivre ses recherches et d’extraire un autre résident qui s’était endormi. Pour cette action de courage, la médaille de la gendarmerie nationale avec étoile de bronze lui sera décernée le 16 février, aux Invalides, par le général d’armée Christian Rodriguez, lors de la cérémonie en hommage aux gendarmes décédés et aux héros du quotidien.
Le 16 février prochain, la gendarmerie rendra traditionnellement hommage à ses disparus, mais aussi à tous les héros du quotidien, mettant ainsi à l’honneur, à cette occasion, de nombreux militaires, d’active et de réserve, sur tout le territoire. Neuf d’entre eux se verront notamment décorés dans le cadre de la cérémonie nationale organisée aux Invalides, à Paris. C’est le cas de l’adjudant Ludovic C., affecté depuis sept ans à la brigade de proximité de Saint-Paul-le-Jeune (communauté de brigades des Vans), dans le sud Ardèche, qui sera mis à l’honneur ce jour-là pour l’intervention au cours de laquelle, l’été dernier, il a évacué les habitants d’un bâtiment en feu, avant l’arrivée du service départemental de secours et d’incendie.
« Ma priorité était de m’assurer que personne n’était en danger »
Il est des journées, des interventions qui restent marquées dans l’esprit des militaires de la gendarmerie. Pour l’adjudant Ludovic, le 4 août 2022 est de celles-ci. Ce jour-là, en effet, vers 18 heures, alors qu’il est en service de prévention de proximité sur la commune de Chambonas, avec son coéquipier, le maréchal des logis-chef (MDC) Philippe L., de la B.P. de Les Vans, et que leur service touche à sa fin, l’adjudant Ludovic aperçoit de la fumée « épaisse et noire » sortir par une petite fenêtre à l’étage d’une habitation en pierre. Les deux militaires garent immédiatement leur véhicule en sécurité à proximité pour aller voir de quoi il retourne.
L’adjudant, chef de patrouille, demande à son camarade d’alerter immédiatement les secours depuis le véhicule, tandis qu’il se dirige rapidement vers la maison. S’apercevant alors que tout l’étage est en feu, il décide sans attendre d’entrer dans l’habitation. Il tombe nez à nez avec la locataire des lieux, qui ne s’était rendu compte de rien.
« Elle sentait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, mais elle ne comprenait pas ce qui se passait ; elle n’avait aucune idée de la gravité de la situation, alors que l’étage était complètement en feu. Je l’ai donc immédiatement fait sortir, pour la mettre en sécurité auprès de mon camarade qui m’avait rejoint… Non sans qu’elle ait récupéré son chat et ses trois chatons dans l’urgence, relate le militaire, avant de poursuivre son récit : « J’aperçois alors, non loin de nous, le propriétaire de la maison, avec qui je fais rapidement le point sur les personnes potentiellement présentes dans les autres habitations de cette résidence, composée de deux maisons mitoyennes. Selon lui, personne d’autre n’est présent à ce moment-là… »
Par acquit de conscience, l’adjudant se met en quête de vérifier par lui-même et part à la recherche d’éventuels occupants. Pour se rendre jusqu’aux logements de la seconde maison, mitoyenne avec celle en feu, il emprunte un couloir extérieur, longeant de près le bâtiment en flammes. « Mais à ce moment-là, dans l’action, on n’y pense pas. Ma priorité était de m’assurer que personne n’était en danger, note-t-il. J’appelle pour savoir s’il y a quelqu’un. Personne ne répond, mais je décide quand même de tester la porte. Comme celle-ci s’ouvre, j’entre, et dans une chambre, je trouve le locataire, qui avait travaillé de nuit à l’hôpital, en train de dormir avec des écouteurs sur les oreilles et qui n’avait rien entendu. »
À peine cette seconde personne extraite de son habitation et prise en compte par le MDC Philippe, que le toit et le plancher du premier étage de la première maison s’effondrent. « L’incendie commençait à se propager, mais les pompiers, arrivés entre-temps, sont parvenus à le circonscrire, évitant ainsi que les deux maisons ne partent en fumée. Fort heureusement, tout le monde s’en sorti indemne ; seule la première maison a entièrement brûlé. Mais tout est allé très vite. On peut dire que ça s’est joué à quelques minutes. Si nous étions passés 5 à 10 minutes plus tard, l’issue aurait pu être dramatique. Nous nous sommes trouvés là au bon moment et nous avons eu la bonne réaction en tant que primo-intervenants. »
Les dangers encourus lors de cette intervention, le militaire y pense, mais a posteriori : « Sur le moment, on agit d’instinct. Même si on évalue les risques, on ne réfléchit pas trop, on fonce, avec pour seul objectif de porter secours au plus vite, et on occulte un peu les dangers qu’il peut y avoir autour. C’est l’action, l’engagement, qui prend le dessus. Finalement, on prend conscience des risques qu’on a pu courir a posteriori, une fois rentrés au bureau, nos tâches administratives accomplies et la tension retombée, analyse-t-il. Après réflexion, je me suis dit que le toit aurait tout aussi bien pu s’effondrer quand j’y étais, que j’ai pris des risques aussi en y retournant pour chercher d’autres occupants éventuels. Mais sur le coup, j’ai estimé n’avoir fait que mon travail, mon devoir, ce que je pensais être le meilleur pour tout le monde. »
C’est donc avec le sentiment du devoir accompli et la satisfaction d’avoir « probablement sauvé des vies, pour la première fois de ma carrière dans ces conditions », que le militaire s’apprête à monter à Paris pour être décoré. « Même si je ne peux pas dire que j’ai sauvé la seconde personne, puisque sa maison n’a pas brûlé », tempère-t-il.
« Un hommage à tous nos camarades qui ont perdu la vie »
Pour cet acte de courage, l’adjudant Ludovic se verra en effet remettre la médaille de la gendarmerie nationale avec étoile de bronze par le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie, le 16 février, lors de la cérémonie organisée aux Invalides. Une surprise et une fierté pour ce militaire de 43 ans, dont plus de 23 passés en gendarmerie : « Je savais qu’une demande de félicitations avait été initiée, mais je ne m’attendais pas à une reconnaissance de ce niveau. » Et d’avouer humblement : « Jusqu’à peu, je ne savais pas à quoi correspondait cette médaille. Depuis, je sais qu’on ne l’obtient pas par hasard. C’est donc une réelle satisfaction. Cela traduit une vraie reconnaissance de notre travail… Et puis ça fait toujours plaisir ! »
Sans compter la dimension supplémentaire conférée par le site des Invalides et le cadre même de la cérémonie en hommage aux héros. Une importance particulière pour Ludovic, qui ce jour-là aura en effet une pensée appuyée pour son camarade de la brigade motorisée d’Aubenas, décédé dans un accident de la circulation routière en début d’année. « Je ne vous cache pas qu’au début j’ai hésité à me rendre à Paris pour me faire remettre une décoration. Mais au vu de l’importance de cette médaille et des conditions dans lesquelles elle va m’être remise, je me suis dit que c’était un devoir d’y aller, en mémoire et en hommage à tous nos camarades qui ont perdu la vie. Beaucoup ont cette médaille à titre posthume. Je fais partie des chanceux qui la reçoivent sans avoir été blessé. C’est à ce moment-là qu’on mesure vraiment la dangerosité de notre engagement, et les conséquences qui auraient pu découler de ce qui, pour nous, était une intervention basique. »
Ce moment marquant, l’adjudant le partagera avec son épouse et ses deux enfants, conviés à assister à la cérémonie, dans un geste symbolique de reconnaissance de la gendarmerie envers toutes les familles de gendarmes, qui, au quotidien, soutiennent leur engagement : « Ce n’est pas tous les jours qu’on est convié à ce genre de cérémonie. Je pense que ça peut être un beau souvenir pour eux aussi. »
Source: gendinfo.fr
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