Les premières dispositions de la réforme de l’assurance chômage ont été mises en place en novembre 2019. Reportée à plusieurs reprises en raison du Covid-19, cette réforme est pleinement entrée en vigueur en octobre 2021. Une nouvelle réforme, applicable au 1er février 2023, prévoit d’adapter la durée d’indemnisation à l’état du marché du travail.

La réforme de l’assurance-chômage fait suite à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’ouvrir le droit aux allocations chômage aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants. Initiée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, elle a été annoncée par le gouvernement en juin 2019.

Après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux, un décret de carence a été pris. Le décret du 26 juillet 2019 a fixé les nouvelles règles de l’assurance-chômage jusqu’au 1er novembre 2022.

La loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail autorise le gouvernement à prolonger ces règles de l’assurance-chômage jusqu’au 31 décembre 2023, mais également à intégrer, par décret, une nouvelle réforme visant à moduler la durée d’indemnisation des chômeurs en fonction de l’état du marché du travail.

À l’issue de cette période, les partenaires sociaux devront négocier les règles à appliquer à compter de 2024 en prenant en compte la conjoncture économique.

Pourquoi une réforme de l’assurance-chômage ?

La réforme de l’assurance-chômage mise en œuvre en 2019 répond à trois objectifs majeurs :

  • lutter contre le recours abusif aux contrats courts avec notamment l’instauration d’un bonus-malus sur les cotisations chômage pour les entreprises afin de les inciter à embaucher sur des emplois de longue durée ;
  • faire en sorte que le travail paye plus que l’inactivité en établissant de nouvelles règles d’indemnisation qui incitent à la reprise de l’emploi ;
  • renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec le recrutement de 1 000 nouveaux conseillers par Pôle emploi et la mise en place de deux demi-journées d’accompagnement intensif.

Elle doit également permettre de réaliser des économies. Entre 2009 et 2019, le régime d’assurance-chômage a connu un déficit moyen de 2,9 milliards d’euros par an. Du fait de la bonne conjoncture économique, le régime d’assurance-chômage serait revenu à une situation excédentaire en 2022, avec un solde estimé à 4,4 milliards d’euros, selon les dernières prévisions financières de l’Unédic.

La nouvelle réforme de l’assurance-chômage prévue à partir du 1er février 2023 a un tout autre objectif, celui de répondre aux difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises depuis la crise du Covid-19 et de favoriser le plein emploi. Selon le ministère du travail, 60% des entreprises disent avoir des difficultés à recruter, en particulier dans le secteur industriel. La réforme devrait déboucher sur 100 000 à 150 000 retours à l’emploi à moyen terme. Elle permettrait, par ailleurs, d’économiser jusqu’à 4 milliards d’euros, selon l’Unédic.

Qu’est-ce qui change au 1er février 2023 ?

La loi du 21 décembre 2022 permet au gouvernement d’introduire un nouveau mécanisme de modulation de la durée d’indemnisation d’assurance-chômage en fonction de la situation du marché du travail, selon un principe dit de « contracyclicité« . L’idée est de durcir les règles d’indemnisation quand la situation du marché du travail est bonne et quand des emplois sont à pourvoir et d’assouplir ces règles quand la situation se dégrade.

Les modalités de cette nouvelle réforme sont précisées par le décret du 26 janvier 2023 relatif au régime d’assurance chômage. Elle s’applique aux demandeurs d’emploi ouvrant des droits après le 1er février 2023.

Avant le 1er février 2023, la durée d’indemnisation dépendait déjà de plusieurs facteurs (pour les moins de 53 ans, de la durée d’affiliation lors des 24 derniers mois, pour les 53 ans et plus, de la durée d’affiliation lors des 36 derniers mois). Depuis le 1er février, cette durée d’indemnisation dépend de l’état du marché du travail :

  • si le taux de chômage est inférieur à 9% et s’il ne progresse pas de plus de 0,8 point sur un trimestre, la situation économique est considérée comme bonne. La durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi est alors réduite de 25%, en respectant une durée minimale de 6 mois. Ainsi, un demandeur d’emploi qui aura cotisé à hauteur de 24 mois verra la durée de ses droits réduits à 18 mois ;
  • si le taux de chômage est égal ou supérieur à 9% ou s’il progresse d’au moins 0,8 point en un trimestre, la situation économique est considérée comme dégradée. Les demandeurs d’emploi en fin de droits peuvent alors bénéficier d’un complément de fin de droits de 25% (6 mois maximum pour les moins de 53 ans). Ce complément de fin de droits pourra étendre la durée d’indemnisation jusqu’à 24 mois.

Avec la baisse du taux de chômage de 9,5% à 7,3% et les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises, le marché du travail est actuellement dans un contexte favorable qui justifie une modulation à la baisse de la durée d’indemnisation de l’assurance-chômage.

Cette modulation ne sera pas appliquée dans les départements d’outre-mer, le contexte économique étant « trop particulier pour que les critères nationaux retenus puissent être appliqués de manière efficace » dans ces territoires. De même, certains publics ne seront pas concernés par cette réforme, c’est le cas des marins-pêcheurs, des dockers, des intermittents du spectacle, des expatriés qui bénéficient d’un régime particulier et des demandeurs d’emploi en contrat de sécurisation professionnelle.

Il faudra toujours justifier de 6 mois de travail sur les 24 derniers mois pour bénéficier de l’assurance-chômage. Les règles de calcul de l’allocation chômage, mises en place en octobre 2021, ne seront pas modifiées.

En outre, la loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail prévoit la suppression de l’accès aux allocations chômage dans deux cas supplémentaires :

  • en cas d’abandon de poste sans motif légitime (raisons médicales, droit de grève…). Le salarié qui ne reprend pas le travail à l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure de son employeur sera considéré comme démissionnaire ;
  • en cas de refus de contrats à durée indéterminée (CDI) pour les salariés en contrats courts (contrat à durée déterminée – CDD – ou contrat d’intérim). Le salarié en fin de contrat qui refuse deux fois un CDI pour un emploi aux mêmes caractéristiques en l’espace d’un an ne pourra plus percevoir l’assurance chômage.

Toutefois, ces deux dernières mesures ne s’appliquent pas au 1er février 2023, les décrets d’application portant sur ces mesures n’ayant pas été publiés encore au Journal officiel.

Quels effets ?

Selon une étude de l’Unédic publiée le 24 février 2023 sur les effets de l’adaptation des règles d’assurance chômage à la conjoncture, il est estimé que la moitié des nouveaux allocataires (53%) seront touchés par la réduction de 25% de la durée d’indemnisation en vigueur depuis le 1er février 2023. Par ailleurs, d’après l’étude, le nombre d’allocataires indemnisés diminuerait en moyenne de 12% d’ici 2027 par rapport à ce qu’il serait sans changement de règle (soit environ 300 000 personnes pour 2,5 millions d’indemnisés).

Quelles ont été les dates de réforme de l’assurance chômage depuis 2019 ?

Les nouvelles règles de l’assurance-chômage ont été fixées par deux décrets du 26 juillet 2019 (décret n° 2019-797 et décret n° 2019-796). Ces textes prévoyaient une mise en œuvre de la réforme entre novembre 2019 et janvier 2021. Mais l’épidémie de Covid-19 a bouleversé ce calendrier :

  • le 1er novembre 2019 : le premier volet de la réforme entre en vigueur. Ces mesures concernent les conditions d’accès à l’indemnisation, le rechargement des droits, la dégressivité des allocations pour les hauts revenus et l’ouverture des droits aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants ;
  • le 1er avril 2020 : le deuxième volet de la réforme devait entrer en vigueur avec le changement du mode de calcul de l’allocation chômage. Il a été repoussé au 1er septembre 2020 en raison de la crise sanitaire ;
  • en juillet 2020 : le gouvernement décide de suspendre l’application des deux volets de la réforme jusqu’au 1er janvier 2021 afin de tenir compte des conséquences économiques et sociales de l’épidémie de Covid-19. Le décret du 29 juillet 2020 fixe temporairement à quatre mois, au lieu de six mois, la durée minimale de travail pour ouvrir ou recharger des droits à l’allocation chômage ;
  • en novembre 2020 : le gouvernement annonce un nouveau report de la réforme au 1er avril 2021. Par ailleurs, le Conseil d’État, saisi par plusieurs organisations syndicales et patronales, annule le 25 novembre 2020, deux dispositions du décret du 26 juillet 2019 : le bonus-malus pour les entreprises et le nouveau mode de calcul de l’allocation chômage. L’instance a jugé que ces nouvelles règles de calcul portaient « atteinte au principe d’égalité » car elles risquaient de pénaliser les demandeurs d’emploi qui alternent périodes de chômage et contrats courts ;
  • en mars 2021 : pour tenir compte de la décision du Conseil d’État, le gouvernement introduit un mécanisme de plancher pour limiter la baisse du montant des allocations par rapport à l’ancien mode de calcul. Le décret du 30 mars 2021 prévoit l’application de ces nouvelles règles de calcul et des autres mesures de la réforme à compter du 1er juillet 2021 ;
  • le 22 juin 2021 : le Conseil d’État suspend l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul en raison d’un contexte économique trop instable. Un décret du 29 juin 2021 prolonge jusqu’au 30 septembre 2021 les règles d’indemnisation en place ;
  • le 1er juillet 2021 : entrée en vigueur partielle de la réforme de l’assurance-chômage. Deux mesures s’appliquent : le bonus-malus pour les entreprises de sept secteurs et la dégressivité de l’allocation chômage pour les plus hauts revenus à compter du 9e mois d’indemnisation ;
  • le 1er octobre 2021 : la réforme entre intégralement en vigueur avec l’application du nouveau mode de calcul de l’allocation chômage. Un décret est paru au Journal officiel le 30 septembre 2021 ;
  • le 22 octobre 2021 : le juge des référés du Conseil d’État valide la mise en place du nouveau mode de calcul de l’allocation-chômage au 1er octobre, considérant que « la tendance générale du marché de l’emploi ne constitue plus un obstacle à la mise en place de la réforme » ;
  • le 1er décembre 2021 : la durée minimale de travail pour l’ouverture ou le rechargement des droits est portée à six mois au cours des 24 derniers mois, la dégressivité de 30% de l’allocation chômage pour les hauts revenus (supérieur à 4 500 euros brut par mois) s’applique à compter du septième mois d’indemnisation ;
  • le 17 novembre 2022 : adoption par le Parlement du projet de loi relatif au marché du travail qui prolonge jusqu’au 31 décembre 2023 les règles de l’assurance-chômage issues de la réforme de 2019 et autorise le gouvernement à intégrer, par décret, un nouveau mécanisme de modulation de la durée d’indemnisation de l’assurance-chômage en fonction de la conjoncture économique ;
  • 1er février 2023 : entrée en vigueur de la nouvelle réforme visant à moduler la durée d’indemnisation des chômeurs selon la situation du marché du travail.

Quels sont les demandeurs d’emploi concernés par la réforme de 2019 ?

La réforme s’applique à ceux qui s’inscrivent à Pôle emploi ou rechargent leurs droits à partir du 1er octobre 2021. Pour les personnes qui sont en cours d’indemnisation, rien ne change jusqu’à l’épuisement des droits.

Elle concerne :

  • Les nouveaux allocataires ayant travaillé moins de six mois sur deux ans

    Avant la réforme, quatre mois de travail sur les 28 derniers mois suffisaient pour ouvrir des droits à l’allocation chômage. La réforme entrée en vigueur le 1er novembre 2019 exigeait au moins six mois de travail sur les 24 derniers mois précédant la fin du dernier contrat (36 mois pour les plus de 53 ans). En raison de la crise sanitaire, les conditions d’ouverture des droits au chômage ont été provisoirement fixées à quatre mois travaillés sur les 24 derniers mois. Lors du retour à une situation de l’emploi plus favorable (en principe le 1er décembre 2021), le passage à six mois de la condition minimale d’affiliation aura pour effet de retarder l’ouverture des droits de près d’un demi-million de personnes, selon l’Unédic.

  • Les « permittents » qui alternent contrats courts et chômage

    Un demandeur d’emploi qui arrive en fin d’indemnisation peut effectuer un rechargement de ses droits et percevoir une nouvelle allocation s’il a repris une activité salariée au cours de sa période d’indemnisation par Pôle emploi. Pour recharger ses droits, entre le 1er novembre 2019 et le 31 juillet 2020,  il fallait avoir travaillé au moins six mois, au lieu d’un mois avant la réforme. Comme pour l’ouverture des droits au chômage, le seuil de rechargement des droits a été fixé temporairement à quatre mois. Ce seuil est maintenu tant que la situation économique reste dégradée.

  • Les allocataires avec de hauts revenus

    Pour les demandeurs d’emploi de moins de 57 ans dont les revenus sont supérieurs à 4 500 euros bruts par mois, la réforme prévoit de diminuer l’allocation chômage de 30% à partir du 7e mois d’indemnisation par Pôle emploi. Suspendue du fait de la crise sanitaire, cette mesure est de nouveau applicable depuis le 1er juillet 2021. La dégressivité pour les hauts revenus intervient au 9e mois d’indemnisation (mars 2022), mais s’appliquera au 7e mois en cas d’amélioration de la situation de l’emploi.

Les conditions d’ouverture et de rechargement des droits au chômage et la dégressivité des allocations pour les hauts revenus ont été assouplies en attendant une meilleure situation de l’emploi qui s’établit selon deux critères :

  • baisse du nombre de chômeurs en catégorie A de 130 000 sur six mois ;
  • nombre de déclarations préalables à l’embauche de plus d’un mois (hors intérim) supérieur à 2,7 millions sur quatre mois consécutifs.

Quel est le mode de calcul du montant des allocations ?

Le mode de calcul de l’allocation chômage, qui devait être modifié à partir du 1er avril 2020, a été reporté au 1er juillet 2021, puis au 1er octobre 2021 en raison de la crise sanitaire du Covid-19.

Le salaire journalier de référence (SJR), qui sert de base au calcul de l’allocation chômage, doit être calculé non plus sur les jours travaillés dans les 12 derniers mois, mais sur un revenu moyen mensuel prenant en compte les jours travaillés, mais aussi les périodes d’inactivité. Ainsi, plus les demandeurs d’emploi ont un rythme de travail fractionné, plus ils risquent d’être touchés par une baisse de leur allocation chômage.

En juin 2021, le Conseil d’État a jugé que ces nouvelles modalités de calcul entraînaient une rupture d’égalité entre les allocataires en emploi continu et ceux en emploi discontinu. Le décret du 30 mars 2021 a donc introduit un mécanisme de plancher pour limiter la baisse du salaire journalier de référence à 43% maximum par rapport à l’ancien mode de calcul. Parmi les 1,15 million d’allocataires, 365 000 bénéficieront de ce plancher. En octobre 2021, le Conseil d’État a validé l’entrée en vigueur de ce nouveau calcul de l’allocation.

Qu’est-ce que le bonus-malus pour les entreprises ?

La réforme de l’assurance-chômage prévoit d’instaurer un système de bonus-malus dans les entreprises de plus de 11 salariés. Celui-ci vise à inciter les employeurs à proposer plus de contrats à durée indéterminée et des contrats à durée déterminée plus longs.

Un arrêté du 7 novembre 2019 définit les sept secteurs gros consommateurs de contrats précaires qui seront concernés par cette mesure :

  • l’industrie agroalimentaire (denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac) ;
  • les activités spécialisées, scientifiques et techniques ;
  • l’hébergement et la restauration ;
  • l’assainissement des eaux, la gestion des déchets et la dépollution ;
  • les transports et l’entreposage ;
  • la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques ;
  • le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie.

Dans ces secteurs, un « taux de séparation » doit être calculé pour chaque entreprise, correspondant au nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim constatées l’année précédente rapporté à l’effectif annuel moyen. Le bonus-malus est évalué en comparant ce taux de séparation propre à l’entreprise avec celui de son secteur d’activité.

Le Conseil d’État a annulé le bonus-malus car il a estimé qu’il aurait fallu un décret et non pas un arrêté pour définir certaines de ses modalités. Ses modalités sont définies par le décret du 30 mars 2021.

Le 1er juillet 2021 marque le début de la période de référence du bonus-malus au cours de laquelle le comportement des employeurs est observé dans les secteurs concernés. C’est sur cette base que le taux de contribution des entreprises sera modulé. Les entreprises les plus impactées par la crise, comme l’hébergement et la restauration, sont exclues durant un an à titre temporaire. Le bonus-malus est appliqué depuis le 1er septembre 2022.

Quels sont les nouveaux bénéficiaires de l’assurance chômage ?

L’article 49 et l’article 51 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoient d’élargir le champ des bénéficiaires de l’assurance-chômage. Les salariés qui démissionnent d’un contrat à durée indéterminé (CDI) et les travailleurs indépendants peuvent désormais être indemnisés, mais sous conditions :

  • le salarié démissionnaire doit compter au minimum cinq ans d’ancienneté dans son entreprise et avoir un projet de reconversion professionnelle dont la faisabilité est évaluée par une commission paritaire interprofessionnelle ;
  • le travailleur indépendant a le droit à 800 euros par mois pendant six mois en cas de liquidation judiciaire. Mais il doit avoir exercé son activité professionnelle durant au moins deux ans et avoir généré un revenu minimum de 10 000 euros par an sur les deux dernières années avant la liquidation.

Source: vie-publique.fr