L’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France métropolitaine, elle constitue près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Cette eau est aussi exploitée dans le secteur industriel. Retour sur ces réservoirs d’eau en six questions.

Le 13 mars 2023, le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) a qualifié d’ « inédite » la situation des nappes phréatiques de l’ensemble de la France. À la sortie de l’hiver 2022-2023, les niveaux des nappes phréatiques restent sous les normales avec 80% des niveaux modérément bas à très bas. En effet, les pluies infiltrées durant l’automne 2022 ont été très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés durant l’année 2022 et améliorer durablement l’état des nappes.

En France, l’eau semble une ressource abondante, disponible facilement pour une multitude d’usages. Il est vrai que la France hexagonale dispose d’importantes réserves d’eau, tant sous forme solide en altitude que liquide dans les lacs, fleuves et nappes souterraines. Or, les deux tiers du volume d’eau prélevé en vue de l’alimentation en eau potable sont d’origine souterraine.

Les eaux souterraines regroupent l’ensemble des réserves d’eau qui se trouvent dans le sous-sol.

Certaines roches qui constituent le sous-sol sont suffisamment poreuses et/ou fissurées pour que l’eau puisse y circuler. Cette eau est stockée dans les zones appelées aquifères. L’eau peut progressivement s’accumuler dans ces espaces vides pour former des nappes phréatiques qui occupent tout ou partie de cette zone.

Les nappes phréatiques sont des réservoirs naturels d’eaux souterraines. C’est dans les nappes phréatiques que l’eau potable est captée en priorité, notamment parce que la filtration naturelle de l’eau avant d’atteindre la nappe, lui a donné les qualités pour être consommée et permet des traitements simples. Ce sont les nappes phréatiques qui alimentent les puits et les sources en eau potable.

Les eaux souterraines sont dispersées de manière variée sur le territoire, en raison des spécificités géologiques. Les roches qui les composent (calcaires, sables, craies) sont poreuses et peuvent accueillir un volume d’eau important. Ces nappes souterraines peuvent être très profondes, parfois plus de 1 000 mètres.

Loin d’être isolées du cycle de l’eau, ces nappes communiquent avec les milieux aquatiques de surface.

En France, 95% de l’eau douce est stockée dans les nappes souterraines.

On compte plusieurs milliers de nappes, de taille très variable dont 650 sont suffisamment significatives pour faire l’objet d’une surveillance. Les nappes les plus importantes sont :

  • la nappe de Beauce, d’une surface de 9 000 km2 avec une capacité de 20 milliards de m3 ;
  • la nappe rhénane ayant une capacité de 35 milliards de m3. La nappe se poursuit largement en Allemagne et plus faiblement en Suisse.

Leur niveau est amené à varier en fonction des infiltrations – et, plus en amont, des précipitations – et des prélèvements d’eau. Des mesures sont à présent prises pour surveiller le niveau des nappes phréatiques.

Le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM)

Face aux défis que posent les changements globaux, la connaissance, le suivi et l’anticipation de la disponibilité et de la qualité des eaux souterraines est au coeur des missions du BRGM.

Le BRGM publie tous les mois, à partir de données recueillies sur environ 1 700 points de suivi, un état du niveau des nappes phréatiques. Son objectif à court terme est de suivre, en temps réel, l’évolution de ce niveau grâce à des dispositifs automatisés pour ensuite développer des modèles numériques afin de prévoir cette évolution sur les mois à venir.

La distribution des précipitations sur l’année comme la distribution temporelle des consommations varie fortement, faisant du printemps et de l’été une période de tension sur la ressource. Seulement un tiers des eaux de pluie sont utiles à recharger les nappes phréatiques :

  • l’essentiel des apports d’eau se fait à l’automne et en hiver, les aquifères reconstituant leurs réserves principalement durant ces deux saisons. La pluviométrie est alors plus abondante, l’évaporation plus faible, l’humidité des sols favorisant l’infiltration et les plantes consomment peu d’eau.
  • en été, en revanche, les aquifères n’accumulent pas d’eau. Mais, ils contribuent à alimenter les cours d’eau. Les besoins pour la consommation domestique ont tendance à augmenter avec les températures et les besoins du secteur agricole pour la pousse des végétaux interviennent essentiellement au printemps et durant l’été ;
  • l’été, environ 30% des départements français voient plus de 20% de leurs cours d’eau totalement asséchés. « Dans le bassin Adour-Garonne, à l’été 2022, 38% du linéaire du bassin soit 128 km de rivières étaient à sec« , selon un rapport du Sénat sur l’avenir de l’eau publié en novembre 2022.

Le chemin de l’eau, de la surface jusqu’à la nappe, est jalonné d’obstacles. L’estimation de la part des pluies infiltrées en profondeur est difficilement quantifiable. En France, on estime qu’en moyenne, seules 20 à 23% des précipitations annuelles arrivent à s’infiltrer en profondeur.

Chaque année, en France hexagonale, il pleut en moyenne 510 milliards de m3 d’eau, soit de l’ordre d’un peu plus de 900 mm de pluie par an. Mais, seulement 40% de ce total, soit environ 200 milliards de m3, constituent les pluies efficaces qui vont vers les nappes souterraines ou les cours d’eau. 60% des précipitations s’évaporent.

Les terrains sableux, sont très aquifères, ils retiennent l’eau comme une éponge, tout comme des roches poreuses comme le calcaire ou la craie : l’eau comble les espaces vides entre les grains et reste captive. Mais, d’autres terrains, constitués d’argile par exemple, ne sont pas aquifères : l’eau ne peut ni s’y infiltrer, ni y être stockée. Elle ruisselle sur cette couche imperméable, jusqu’à un cours d’eau. Pour que de fortes pluies rechargent des nappes phréatiques, il faut donc tout d’abord que la géologie du sous-sol s’y prête.

Par ailleurs, le renouvellement des nappes phréatiques est corrélé aux saisons. En été, les sols sont souvent très secs, ce qui empêche l’eau de s’infiltrer facilement. Les températures élevées favorisent aussi l’évaporation rapide. Les épisodes pluvieux à cette période sont aussi souvent plus intenses que le reste de l’année. L’eau ruisselle sur le sol jusqu’à un cours d’eau plus qu’elle ne s’infiltre. Enfin, la végétation est très active et l’eau est consommée par les plantes avant de réussir à pénétrer en profondeur dans le sous-sol. L’automne et l’hiver sont donc des moments clés. C’est de l’absence de pluie lors de ces saisons qu’il faut surtout s’inquiéter, car les nappes phréatiques n’auront pas d’autres occasions de se recharger. Les pluies d’été ont toutefois un effet bénéfique : elles contribuent à arroser la végétation et les cultures et évitent donc de puiser dans les réserves des nappes phréatiques.

Les eaux utilisés en France proviennent en grande majorité (82%, soit environ 26 milliards de m3) des fleuves, des rivières et des lacs – ce sont les « eaux de surface » –, généralement plus faciles et moins chères à prélever.

L’industrie y compris le refroidissement des centrales de production d’électricité  rejette une grande partie de l’eau qu’elle prélève. L’eau utilisée pour le refroidissement étant rapidement restituée en quasi-totalité au milieu naturel où elle a été captée, elle n’est pas considérée comme « consommée« . La consommation d’eau du secteur énergétique est ainsi évaluée à seulement 3% des consommations totales.

L’agriculture consomme presque toute l’eau qu’elle prélève. L’agriculture, à travers l’irrigation, ne représente qu’environ 10% des prélèvements totaux d’eau, soit de l’ordre de 3 à 3,5 milliards de m3 par an. Mais, elle représente les deux tiers de la consommation totale d’eau, dans le sens où l’eau prélevée par les plantes n’est pas restituée localement : elle sert à faire grandir la plante et le surplus passe en évapotranspiration.

Mais, pour produire de l’eau potable, on utilise principalement (près de 63%) des eaux souterraines, moins polluées. La production d’eau potable représente 24% des consommations totales d’eau.

Source: vie-publique.fr