Au 1er janvier 2022, la France compte 230 000 médecins et se situe, avec 3,4 médecins pour 1000 habitants, dans la moyenne de l’OCDE. Toutefois, la densité médicale est très inégale sur le territoire. Dans certaines zones, la faiblesse de la densité médicale engendre des difficultés d’accès aux soins

Démographie médicale et accès aux soins

Des effectifs de médecins en baisse

Selon l’Atlas de la démographie médicale du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), le nombre de médecins généralistes en activité régulière, au 1er janvier 2022, a diminué de 11% depuis 2010 et de 0,9% au cours de la dernière année. Ils sont 84 133 enregistrés, soit une perte de 10 128 médecins en 12 ans.

Cette baisse devrait se poursuivre dans les dix prochaines années, notamment en raison du départ en retraite de près d’un quart des effectifs. Le Conseil de l’ordre estime qu’en 2025 les généralistes qui exercent de façon régulière ne seront plus que 81 912. Plus d’un quart d’entre eux ont plus de 60 ans, ce qui risque d’accentuer la diminution de leur nombre dans les années à venir.

À cette tendance s’ajoute le basculement d’un mode d’exercice libéral de la médecine vers un autre, salarié ou mixte (libéral et salarié) en progression en 2021 :

  • 56,2 % des médecins généralistes exercent en libéral uniquement ;
  • 37,4 % sont salariés ;
  • 6,4 % sont en exercice mixte.

Quant à ceux qui choisissent l’exercice libéral, ils sont plus des deux tiers à être remplaçants. Or les médecins libéraux effectuent un nombre d’heures de consultation plus important que celui des médecins salariés. Ils constituent la principale offre de soins de premier recours, et un maillon essentiel du parcours de soin des patients. Le nombre de médecins généralistes salariés devrait à terme dépasser celui des libéraux.

Des inégalités territoriales

Sur l’ensemble du territoire, la densité médicale représente le nombre de médecins par habitants. Au 1er janvier 2022, l’Atlas de démographie médicale dénombre 121 médecins généralistes en moyenne pour 100 000 habitants (141 en 2010). Les disparités entre les territoires demeurent importantes, mais elles n’opposent plus les territoires ruraux aux villes. En métropole, les écarts de densité en médecine générale entre les départements les plus défavorisés et les départements les mieux dotés sont de l’ordre de 1 à 2.

Selon l’étude « Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutique ?« , en 2021, comme en 2012, les médecins sont, davantage que la population totale, concentrés dans la moitié sud de la France ainsi qu’en Île-de-France. La densité de médecins la plus élevée est en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (377 médecins pour 100 000 habitants). La région Île-de-France bénéficie d’une couverture importante avec 354 médecins pour 100 000 habitants mais avec une situation contrastée. L’Île-de-France est la région la mieux dotée en spécialistes mais la densité en médecins généralistes y est inférieure de plus de 11% à la moyenne nationale.

Les quartiers prioritaires de la ville, mais aussi des départements comme la Seine-Saint-Denis, sont particulièrement touchés par le manque de médecins (baisse de la densité médicale de 5,4% en 2022). Les spécialistes y sont en moyenne trois fois moins nombreux que dans les autres unités urbaines. 93 départements voient leurs effectifs de généralistes baisser et les mesures prises depuis 2012 pour réduire les disparités territoriales n’ont pas produit les effets escomptés. Les agences régionales de santé (ARS) définissent, par exemple, des zones déficitaires. La quasi-totalité des installations de médecins se fait en dehors de ces zones malgré les aides à l’installation qui y sont proposées.

Les inégalités sont avant tout infra-départementales. Les zones les moins dotées sont les zones rurales en périphérie des villes, ou celles, proches de grandes villes mais qui échappent à leur « rayonnement » économique. Cette situation est d’autant plus problématique qu’elle suit les contours des inégalités sociales et les accentue.

La Drees, direction statistique des ministère sociaux, considère que l’expression « désert médical » renvoie une image erronée car il n’y a pas de zone sans accès à une offre de soins. Les délais d’attente constituent, en revanche, un indicateur plus précis pour mesurer l’accessibilité des soins et la corrélation entre l’offre et la demande de soins.

En octobre 2018, la Drees a publié une étude qui mesure ces délais d’attente. Chez le médecin généraliste, un rendez-vous sur deux est obtenu en moins de deux jours. La moitié des prises de contact aboutissent à un rendez-vous dans la journée en cas d’apparition ou d’aggravation de symptômes. L’obtention d’une consultation dans un délai réduit dépend donc du niveau de gravité supposé d’une maladie. Néanmoins, le délai moyen d’attente est de six jours pour un contrôle périodique.

Les délais d’attente sont plus problématiques chez certains spécialistes. La moitié des rendez-vous pris auprès d’un ophtalmologiste n’ont lieu que dans un délai de 52 jours et au-delà de 112 jours dans près d’un quart des cas. Le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous est de 61 jours pour un dermatologue, 45 jours pour un rhumatologue et de 50 jours pour un cardiologue et 28 jours pour un chirurgien-dentiste.

L’étude démontre la corrélation entre le délai d’attente et l’accessibilité aux professionnels de santé. Le ratio varie du simple au double selon que le patient habite une zone fortement accessible ou non : « Alors que le délai médian d’obtention d’un rendez-vous chez un ophtalmologiste est de 29 jours dans Paris, il est de 71 jours dans les communes hors influence des pôles, de 76 jours dans les communes des grands pôles ruraux et de 97 jours dans les communes des petits et moyens pôles, lesquelles sont parmi les moins bien dotées en ophtalmologistes« .

Le recours aux médecins étrangers

Au 1er janvier 2021, un peu plus de 10% des médecins de moins de 70 ans en activité exercent avec un diplôme obtenu à l’étranger. En 2012, ils étaient 6,6%.
Près de deux médecins à diplôme étranger sur cinq possèdent la nationalité française. 53% de médecins diplômés hors de France ont un diplôme européen et peuvent ainsi exercer de plein droit en France après inscription au conseil national de l’Ordre : 43% d’entre eux ont obtenu leur diplôme en Roumanie, 15% en Belgique et 14% en Italie. 5% des médecins actifs de moins de 70 ans sont titulaires d’un diplôme étranger obtenu hors de l’espace économique européen : ils viennent principalement de Syrie, du Maroc et de Tunisie ; 65 % d’entre eux ont la nationalité française. Les médecins diplômés à l’étranger sont davantage représentés chez les spécialistes et ils exercent moins souvent en libéral. La procédure pour obtenir l’autorisation d’exercice pour les diplômés hors de l’espace économique européen peut expliquer au moins en partie cet écart : les trois ans d’exercice en milieu hospitalier requis avant la délivrance d’une autorisation favorisent probablement une poursuite de carrière au sein des hôpitaux (Source : Drees, 2021).

La politique d’accès aux soins

Les Pactes territoire santé

Depuis les années 2000, des mesures ont été prises pour adapter le nombre d’étudiants aux besoins et pour attirer les jeunes médecins dans des zones sous-médicalisées. Cette politique repose sur la définition préalable d’un zonage de l’offre de soins. L’indicateur utilisé est celui de « l’accessibilité potentielle localisée ». Sont pris en compte :

  • le nombre, la répartition géographique par classe d’âge, le niveau d’activité et les modalités d’exercice des professionnels de santé en exercice ;
  • les caractéristiques sanitaires, démographiques et sociales de la population ;
  • les particularités géographiques ;
  • la présence de structures de soins.

En 2005, la loi relative au développement des territoires ruraux permet aux collectivités territoriales d’attribuer des aides à des professionnels de santé pour les inciter à s’installer dans des zones sous-médicalisées.

La loi Hôpital, patients, santé et territoires de 2009 crée le contrat d’engagement de service public (CESP). Les étudiants en médecine qui signent un CESP reçoivent une bourse pendant leurs études, en contrepartie, ils s’engagent à exercer dans les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles.

En 2012, l’État définit le premier Pacte territoire santé, plan global de lutte contre les déserts médicaux. Le Pacte contient des objectifs chiffrés : 1 500 CESP d’ici 2017, 200 contrats de praticiens territoriaux de médecine générale (contrat qui garantit un revenu minimum et une protection sociale améliorée aux médecins qui s’installent en zone sous-médicalisée).

En 2015, un nouveau Pacte territoire santé est adopté pour la période 2015-2017. Outre une augmentation du nombre de CESP (+200 à l’horizon 2017) et un objectif de 1000 médecins installés grâce aux contrats de praticien territorial, il propose la création de 1000 maisons de santé d’ici 2017. Ces structures, qui regroupent plusieurs professionnels de santé, permettent aux médecins de mutualiser les tâches administratives et les frais de structure. Le Pacte prévoit également d’assurer l’accès aux soins urgents en moins de 30 minutes.

En parallèle, le développement de la télémédecine est encouragé. Une nouvelle étape de mise en œuvre a été franchie en septembre 2018 avec la généralisation de la téléconsultation en France. Tout médecin, quelle que soit sa spécialité est autorisé à la pratiquer pour toute situation qu’il jugera adaptée.

La stratégie nationale de santé « Ma santé 2022 »

La stratégie nationale de santé a mis en place de nouvelles mesures pour corriger les inégalités dans l’accès aux soins, notamment :

  • le déploiement de 1000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour mailler le territoire national ;
  • libérer du « temps médical » pour les médecins qui peuvent bénéficier d’un soutien financier pour l’emploi d’assistants médicaux en échange d’un engagement pour une augmentation de patientèle ou la réduction des délais de rendez-vous ;
  • suppression du numerus clausus et la réforme des études de médecine (les universités doivent « adapter leurs dispositifs à leurs capacités de formation »).

Dans la continuité de cette stratégie, la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 comprend de nouvelles mesures afin d’améliorer l’accès à la santé. Le texte prévoit notamment :

  • la création d’une 4e année d’internat de médecine générale, consacrée à des stages en cabinet médical, en priorité dans les zones médicalement tendues ;
  • l’organisation, à titre expérimental, par les agences régionales de santé (ARS) de consultations de médecins dans les déserts médicaux ;
  • la possibilité jusqu’à fin 2035 pour les médecins et infirmiers de travailler jusqu’à 72 ans à l’hôpital ;
  • l’exonération des cotisations vieillesse en 2023 pour les médecins retraités qui reprennent leur activité ;
  • l’assouplissement des règles de cumul emploi-retraite pour les médecins qui exercent dans un désert médical.

Source: vie-publique.fr