En 2022, le montant de la fraude détectée par l’assurance maladie s’élevait à 316 millions d’euros, soit environ 0,1% des prestations servies. La fraude réelle représenterait entre 3% et 5% des prestations servies. La mise en place d’une carte Vitale biométrique permettrait-elle de renforcer significativement la lutte contre la fraude ?

Dans le cadre du renforcement de la lutte contre la fraude sociale souhaité par le gouvernement, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) ont été chargées d’une mission sur la faisabilité de la mise en place d’une carte Vitale biométrique. Leur rapport a été rendu le 15 avril 2023. La position de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), auditionnée lors de cette mission, a fait l’objet d’une publication le 30 mai 2023.

Les obstacles à la mise en œuvre d’une carte Vitale biométrique

Selon l’IGAS et L’IGF, « la fraude détectée aujourd’hui est le fait des professionnels et établissements de santé pour environ les trois quarts des montants détectésles assurés représentant environ un quart des montants frauduleux détectés. […] La fraude à l’usurpation d’identité, qui est précisément celle qu’une carte Vitale biométrique pourrait mettre en échec, est résiduelle en nombre de cas détectés (moins d’une dizaine par an) et en montant (quelques millions d’euros) ».

Comme le soulignent les auteurs du rapport, la mise en œuvre d’une technologie biométrique dans la carte Vitale comporterait ainsi un « risque juridique majeur« . Les gains apportés en termes de lutte contre la fraude apparaissant très limités, la proportionnalité du traitement biométrique pourrait être difficile à établir.

De plus, les caractéristiques biométriques doivent être régulièrement mises à jour pour éviter une dégradation des performances du système (tous les dix ans pour la reconnaissance faciale, tous les cinq ans pour les empreintes digitales). Ces opérations représentant l’essentiel du coût de la mise en place des solutions biométriques, estimé à au moins un milliard d’euros, entraîneraient aussi des désagréments pour les assurés, qui devraient se déplacer dans les organismes locaux de sécurité sociale.

Pour sa part, la CNIL n’est pas favorable à l’institution d’une carte Vitale biométrique. Elle pointe :

  • les difficultés de déploiement chez les professionnels de santé ;
  • les risques importants pour les personnes en cas d’attaque informatique visant à récupérer les données biométriques des assurés sociaux ;
  • les difficultés en cas de délégation de la carte Vitale (par exemple son utilisation par un proche).

Vers une fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité

En revanche, la CNIL estime que le scénario qui a été retenu par le gouvernement dans ses annonces, c’est-à-dire l’intégration du numéro de Sécurité sociale (NIR) dans la carte d’identité électronique, constitue la solution la moins intrusive et la moins risquée.

La CNIL recommande toutefois que :

  • le NIR soit inscrit dans un compartiment cloisonné au sein de la puce électronique des nouvelles « cartes d’identité électroniques » et non pas écrit sur la carte (le numéro ne pouvant être lisible que par les outils et les acteurs de la sphère médicale et médicosociale) ;
  • la loi prévoie la possibilité pour l’assuré de s’opposer à l’inscription de son numéro de sécurité sociale sur son titre d’identité (la carte Vitale n’est pas obligatoire) et que des alternatives à l’utilisation de la carte d’identité soient maintenues.

Source: vie-publique.fr