Le Gouvernement a annoncé une hausse des tarifs réglementés de l’électricité à partir du 1er février 2024. La fin progressive du bouclier tarifaire est prévue en février 2025. Pourquoi le prix de l’électricité augmente-t-il ? Comment fonctionne le marché de l’électricité ? Le point en huit questions.

La hausse du prix de l’électricité qui s’applique au 1er février 2024 est de 8,6% pour les tarifs normaux et de 9,8% pour les tarifs heures creuses/heures pleines. 

Cette nouvelle augmentation intervient cinq mois après une hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) de 10% le 1er août 2023. La prise en charge d’une partie des factures par le bouclier tarifaire pour l’électricité a été réduite.

Pour rappel, le bouclier tarifaire décidé par le Gouvernement consistait en la réduction de la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE). Avec la fin du bouclier tarifaire d’ici février 2025, le montant de la taxe est progressivement augmenté.

Le coût de l’électricité dépend de plusieurs facteurs :

  • les coûts de production, de stockage, d’approvisionnement et de commercialisation ;
  • les coûts d’acheminement ;
  • les taxes, telles que la TICFE, la contribution au service public de l’électricité (CSPE), la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
  • le prix du gaz (une partie de l’électricité produite et importée provient de centrales à gaz) ;
  • le coût des quotas de CO2.

Les tarifs sont particulièrement liés à la tendance du marché de gros européen. De 50 euros/MWh (mégawattheure) en début d’année 2021, par exemple, le prix de gros est passé à 222 euros/MWh en décembre 2021. Au cours de l’été 2022, le prix de l’électricité prévue pour être livrée en 2023 est monté jusqu’à 1000 euros. Cette évolution a eu une répercussion sur la facture finale des consommateurs. Les fournisseurs revendent plus cher aux particuliers. Le « bouclier tarifaire 2022« , prolongé en 2023, a limité la hausse de la facture.

Le prix du marché de gros est redescendu en 2023 (102,3 euros le MWh en moyenne fin juin 2023) grâce notamment à la mise en service des centrales nucléaires françaises arrêtées (pour réparation) (Perspectives pour la sécurité d’approvisionnement en électricité pour l’été, l’automne et l’hiver 2023).

Avec la baisse du prix de gros, le Gouvernement rétablit le niveau de la TICFE. Il s’appuie sur l’article 92 de la loi de finances pour 2024 selon lequel le tarif de l’accise sur l’électricité peut être majoré dans la limite d’un plafond (la hausse du prix TTC du TRVE Bleu résidentiel doit rester inférieure à 10%).

Avant application de la fiscalité, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé que « le niveau moyen des tarifs réglementés de vente d’électricité baisse de -0,35% hors taxe au 1er février 2024 » (communiqué du 10 janvier 2024) : soit -3,67% pour les professionnels et +0,01% pour les particuliers.

En France, l’électricité provient très majoritairement des centrales de production (parc nucléaire et autres) et des importations en provenance d’autres pays européens.

Avant d’être proposée aux particuliers et aux entreprises (sur le marché de détails), l’électricité est vendue et achetée sur le marché de gros européen. Le marché s’adresse aux producteurs d’électricité (centrales électriques) et aux fournisseurs qui s’approvisionnent en électricité pour la vendre aux particuliers et aux entreprises. Ils peuvent acheter ou vendre de l’énergie soit la veille pour le lendemain (marché spot) ou pour une fourniture dans les jours, les semaines jusqu’aux années à venir (marché à terme).

Concrètement, la production s’ajuste à chaque instant à la demande. Le prix de gros de l’électricité est déterminé, dans l’Union européenne, par les coûts de la dernière centrale appelée pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Le gaz étant une énergie flexible et aisément mobilisable, l’équilibre entre offre et demande d’électricité est souvent réalisé par un recours au gaz. En conséquence, les prix du gaz ont fortement tiré les prix européens de l’électricité à la hausse en 2022. En France, le prix de gros de l’électricité a été de surcroît affecté par la faiblesse de la disponibilité du parc nucléaire (voir le fonctionnement des marchés de gros de l’électricité et du gaz naturel en 2022 – CRE).

Les fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution) ou les fournisseurs alternatifs proposent ensuite des contrats au consommateur final selon différents tarifs : tarifs réglementés, tarifs fixes etc.

La surveillance des marchés de gros de l’électricité s’inscrit dans le cadre du règlement européen du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (REMIT).

Le prix de l’électricité est lié notamment à la quantité de carbone produite par les centrales. En Europe, les producteurs d’énergie doivent acheter des droits d’émission en CO2 pour avoir le droit d’en émettre sur le marché d’échanges de quotas d’émission. Plus la production d’électricité émet du CO2, plus la centrale doit acheter des quotas. Certaines centrales françaises, qui produisent de l’électricité « en renfort » pour faire face aux besoins ponctuels (en hiver par exemple), fonctionnent au charbon ou au gaz.

Quand le prix du quota d’émissions de CO2 augmente (il a dépassé les 100 euros/tonne en mars 2023; 80 euros la tonne en décembre 2021, soit multiplié par 2,4 depuis janvier 2021), celui de l’électricité aussi. Après l’invasion russe en Ukraine, le prix de la tonne de CO2 s’est effondré.

Depuis l’ouverture à la concurrence, les consommateurs peuvent choisir plusieurs tarifs d’électricité :

  • tarif réglementé (« tarif bleu » d’EDF) fixé par les pouvoirs publics et proposé par les fournisseurs historiques, EDF et les entreprises locales de distribution (ELD) ;
  • tarif fixe et identique pendant toute la durée du contrat ;
  • tarif indexé qui suit l’évolution des prix réglementés ;
  • prix du marché qui peut changer en cours de contrat selon l’évolution du prix du marché de gros.

Les particuliers peuvent revenir à tout moment à un contrat au tarif réglementé.

L’ouverture à la concurrence du marché européen de l’électricité a commencé en 1996 avec la première directive européenne « paquet énergie ». Service public en monopole (EDF-GDF) depuis l’après-guerre, le marché français de l’électricité et du gaz a été ouvert à la concurrence en 1999 pour les entreprises et en 2007 pour les particuliers. L’objectif était de mettre en place des règles communes aux pays membres de l’UE pour construire un unique marché intérieur de l’énergie. Cette libéralisation consistait en :

Depuis la loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) du 7 décembre 2010EDF doit vendre un quart de sa production d’électricité aux fournisseurs qui n’en produisent pas. Le prix est de 42 euros/MWh.

Au-delà de ce plafond, les concurrents doivent se fournir sur le marché. Avant 2011, les fournisseurs dit alternatifs se fournissaient aux prix du marché, très fluctuants, et la production nucléaire française était réservée à EDF.

Créé en 2010 dans le cadre de l’ouverture du marché à la concurrence, cet accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) est prévu jusqu’en 2025. Il permet aux concurrents d’EDF de proposer des tarifs compétitifs à leurs clients. Le gouvernement a demandé à EDF d’augmenter la quantité d’électricité vendue à bas prix aux autres fournisseurs au 1er avril 2022. Ces concurrents sont toutefois tenus à des obligations de service public en contrepartie.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) s’assure du bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en France en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique. Créée en 2000, cette autorité administrative indépendante veille à ce que les consommateurs obtiennent le meilleur service et paient le juste prix.

Deux fois par an, la Commission propose une révision du tarif réglementé de l’électricité (TRVE), dit « tarif bleu » d’EDF, qui concerne la majorité des foyers.

Par ailleurs, la Commission doit veiller à ce que les fournisseurs acheteurs d’électricité à bas prix répercutent effectivement cette baisse sur la facture du consommateur en 2023.

Source: vie-publique.fr