Né en 1974, des réflexions conduites à la suite des attentats de Munich, en 1972, lors des Jeux Olympiques, le GIGN est aujourd’hui pleinement engagé dans la sécurisation des Jeux de Paris 2024, aux côtés de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la Préfecture de police de Paris et du RAID. Relais de la Flamme, cérémonie d’ouverture, sécurisation des compétitions, protection des autorités et d’une partie des athlètes israéliens, le général de division Ghislain Réty, commandant de cette unité d’élite de la gendarmerie, revient sur la mobilisation des 1 000 hommes et femmes du Groupe.
Mon général, quels sont les enjeux de ces JOP 2024 en termes de sécurité ?
Une des principales menaces reste la menace terroriste. Elle revêt un retentissement particulier lors de ces Jeux Olympiques, tant par l’écho que pourrait avoir une attaque, que par le syndrome de la prise d’otages de Munich, en 1972, lors de laquelle les athlètes israéliens ont été tués par un commando palestinien – drame qui a d’ailleurs conduit à la création du GIGN il y a 50 ans. Tout cela dans un contexte géopolitique extrêmement tendu, je pense tout particulièrement à l’Ukraine et au conflit israélo-palestinien.
La France, ou plutôt Paris 2024 a en outre été audacieux dans l’organisation de ces Jeux Olympiques et Paralympiques, avec des cérémonies ouvertes, qui multiplient les possibilités pour une attaque terroriste, contrairement à un stade fermé, où l’on peut plus facilement contrôler les accès et les moyens aériens, ainsi que des épreuves réparties sur l’ensemble du territoire national, y compris en outre-mer. Les flux de personnes, les sites d’hébergement des athlètes, les sites d’hébergement des touristes ne concernent donc pas uniquement Paris, mais tout le territoire.
Une attaque terroriste de type tuerie ou prise d’otages qui concernerait directement le GIGN est un scénario qui reste crédible, et qu’il faut prendre en compte. Le moindre événement de cette nature remettrait en cause la crédibilité de la France, et peut-être même les Jeux Olympiques si cela devait se produire. La sécurité est une chaîne dont le GIGN est le dernier maillon, l’ultima ratio. C’est une grande responsabilité.
Comment se sont réparties les missions entre le GIGN, le RAID et la BRI de la Préfecture de police ?
90 % des sites des épreuves sont situés en zone police au sens large du terme, c’est-à-dire Préfecture de police de Paris ou DGPN (Direction Générale de la Police Nationale). Pour la première fois, nous avons fait une offre de service à la police, principalement à la BRI P.P., en proposant de mettre en commun nos effectifs qualifiés et nos savoir-faire particuliers. S’agissant de la répartition des missions entre les trois unités d’intervention spécialisée, nous avons raisonné de façon pragmatique en termes de sites.
Nous nous sommes par exemple réparti les départements, une organisation également adoptée par Paris 2024, ce qui nous permet d’avoir un seul interlocuteur, qu’il s’agisse du préfet, du DIPN ou du commandant de groupement, des pompiers ou des organisateurs. Le GIGN a ainsi récupéré les Yvelines et le RAID la Seine-et-Marne. Nous avons par ailleurs conservé les stades dont nous assurions la sécurisation durant la coupe du Monde de rugby, c’est-à-dire Nantes, Bordeaux et Saint-Étienne nous concernant, ce qui nous a évité d’effectuer de nouvelles reconnaissances.
Le GIGN est également engagé sur les épreuves de voile, s’agissant plus particulièrement des volets maritime et aérienne, qui correspondent à ses savoir-faire en matière de contre-terrorisme maritime et d’assauts aériens.
Sur Paris, je distingue deux temps : la cérémonie d’ouverture et les épreuves, ces dernières étant prises en compte par la BRI et le RAID.
Au regard du contexte géopolitique, le GIGN assure également la sécurisation d’une partie des athlètes israéliens, l’autre partie étant assurée par le RAID et la DOPC de la P.P., et ce tout le temps de leur présence sur le territoire français. Il s’agit d’une protection permanente au plus près, au profit d’équipes ou d’individus, en mesure d’intervenir au moindre événement, en complément du dispositif de sécurité des Israéliens.
Quels sont les moyens engagés en conduite pendant ces Jeux ?
Ce sont principalement aujourd’hui des réserves d’intervention présentes lors des épreuves organisées sur chacun des sites confiés au GIGN. Dans les Yvelines, il s’agit du golf, des épreuves au château (équitation, pentathlon), du cyclisme (BMX, VTT, piste) et des épreuves de course en ligne (marathon et course cycliste). De la même façon, à Châteauroux, pour les épreuves de tir, et à Marseille, pour les épreuves de voile, une équipe est présente sur site, avec un officier de liaison au sein des P.C. (Poste de Commandement). Nous avons ainsi fait le choix de multiplier les plots lors des épreuves afin de raccourcir les délais d’intervention.
C’est dans ce même objectif que nous avons positionné, pour toute la durée des jeux, des équipes d’intervention H.24 au pied de deux hélicoptères de manœuvre (Pumas) stationnés sur la base aérienne de Villacoublay. Nous avons également un hélicoptère en alerte à Marseille avec une équipe GIGN dédiée.
S’agissant plus particulièrement de la cérémonie d’ouverture le vendredi 26 juillet dernier, comment s’est articulé le dispositif mis en place avec le RAID et la BRI P.P. ? Pour la cérémonie d’ouverture, nous sommes allés encore plus loin, en se répartissant les secteurs, mais aussi les vecteurs. Le GIGN a ainsi pris en compte l’intégralité de la sécurisation des équipes au plus près, du village olympique jusqu’à l’embarquement en bateau, en plaçant un membre du GIGN dans chacun des 250 bus, puis en positionnant, pendant la parade sur la Seine, en toute discrétion, un à quatre militaires par bateau des délégations, en fonction de la taille de l’embarcation et de la sensibilité de l’équipe. C’est le concept de bus et de boat marshal. Pendant la parade, le RAID était positionné sur l’eau, tout au long de l’itinéraire, prêt à intervenir sur les bateaux des délégations, en complément des boat marshals, seuls représentants de l’État à bord, en mesure de renseigner et d’intervenir. Une équipe du Groupe était également en permanence en vol au-dessus de Paris, prête à être lissée sur un bateau en cas d’événement majeur. À l’issue de la cérémonie, nous avons raccompagné ces mêmes délégations du Trocadéro au village olympique. Le GIGN a également pris en compte la sécurisation de l’itinéraire des dignitaires, soit près de 200 chefs d’État ou assimilés, de l’Élysée jusqu’à l’embarcadère. Pour ce faire, nous avons notamment tenu l’itinéraire avec des tireurs d’élite placés sur des points hauts, dont l’Arc de Triomphe, et placé des réserves d’intervention tout au long du parcours. Enfin, la BRI a pris en compte le Trocadéro. Pour coordonner ce dispositif, nous avons activé un poste de commandement commun, avec un représentant de chaque unité, qui restera opérationnel pendant toute la durée des JOP. Nous armons également à tour de rôle, au titre de l’intervention spécialisée, trois P.C. interforces stratégiques que sont ceux de la DSPAP (Direction de la Sécurité de Proximité de l’Agglomération Parisienne), de la DOPC (Direction de l’Ordre Public et de la Circulation) et du CCOS (Centre de Coordination Opérationnelle de Sécurité) pour tout ce qui est transport en commun.
L’engagement du GIGN a débuté avec le Relais de la Flamme, parallèlement à un engagement fort en Nouvelle-Calédonie, comment cela s’est-il concrétisé ?
Pour le GIGN, le Relais de la Flamme a commencé en Grèce, où nous avons projeté une équipe pour accompagner la Flamme sur le Belem. À son arrivée à Marseille, le 8 mai dernier, nous avions un important dispositif pour assurer la sécurisation maritime et aérienne, sachant qu’il y avait une grande parade nautique de la Flamme toute la journée. Pour sa part, le RAID avait pris en compte la partie terrestre. Ensuite, pendant toute la durée du Relais, nous avons placé une réserve d’intervention sur le convoi principal et sur le convoi secondaire qui encadraient la Flamme. C’est à peu près le même dispositif que l’on déploie pour les épreuves dites en ligne, comme le marathon et la course cycliste.
Les Jeux Paralympiques vont débuter quasiment dans la foulée. Comment se présente le dispositif de sécurisation ?
Le dispositif mis en place pour les J.O. va se maintenir jusqu’à la première cérémonie de clôture. Puis ce sera le même qui sera déployé pour les Jeux Paralympiques, au cours desquels le GIGN assurera la sécurisation des compétitions de tir à Châteauroux, l’équitation à Versailles et le golf à Guyancourt.
S’agissant de la cérémonie d’ouverture paralympique, qui se déroulera également hors stade, sur les Champs-Élysées, la maquette est en cours de finalisation, mais nous ne devrions être concernés que par la manœuvre de bus marshals, les réserves d’intervention devant être prises en compte par le RAID et la BRI P.P. au regard de la concentration de l’événement en un seul lieu.
Comment avez-vous préparé cette échéance d’ampleur internationale ?
Nos missions n’ont pas fondamentalement changé. Ce sont les scenarii que l’on travaille habituellement, de la prise d’otages à la résolution d’une tuerie en passant par une éventuelle traque. Nous n’avons donc pas particulièrement revu nos modes opératoires.
En revanche, il y a eu un important travail préparatoire en amont pour identifier tous les sites d’hébergement, de compétition, les bateaux de la cérémonie d’ouverture, et constituer des dossiers d’objectifs, c’est-à-dire des bases de données permettant de faciliter l’intervention si besoin. Ça a été le travail d’une équipe dédiée pendant tout une année.
La manœuvre logistique a également dû être anticipée, notamment pour la cérémonie d’ouverture qui à elle seule a mobilisé 400 militaires du GIGN, avec énormément de mouvements pour les bus marshals. Nous avons également mené un gros travail préparatoire de coordination interservices avec Paris 2024, les services de secours, ou encore la police ; de même s’agissant de l’interopérabilité avec le RAID et la BRI concernant par exemple l’armement des P.C.
Sur la partie technique, afin d’assurer la continuité de nos systèmes de communication, nous avons installé notre propre réseau 4G, avec un satellite dédié, de façon à nous permettre, grâce à des téléphones préprogrammés, d’être autonomes au cas où le réseau 4G tomberait.
Nous avons également mis en place un système de retour vidéo pour voir en permanence, en cas de crise, ce que les boat marshals auraient pu filmer à bord des bateaux durant la cérémonie d’ouverture.
Les tests event techniques, je pense notamment à la parade, avec les nombreuses répétitions sur la Seine, nous ont aussi permis de briefer les pilotes, de nous assurer de la bonne coordination entre les acteurs et d’ajouter une couche de sûreté dans le dispositif. Marseille, par exemple, est assez complexe en termes de coordination. Le dispositif y comprend un volet terrestre, un volet maritime, et au regard de l’étendue du site de compétition, un important volet aérien, impliquant des interlocuteurs (préfet de Police de Marseille, préfet maritime, armée de l’Air et de l’Espace, etc.), des P.C. et des styles de coordination différents. La manœuvre de Lutte anti-drone (LAD), par exemple, était transverse à ces différents acteurs.
Parallèlement aux JOP, l’activité quotidienne de la gendarmerie, et par extension du GIGN se poursuit dans tout son spectre missionnel…
La vie continue en effet. C’est une période très tendue pour l’unité. À nos réserves d’intervention positionnées sur le territoire hexagonal et en outre-mer, avec la Polynésie, s’ajoute le maintien de l’engagement de 120 militaires du GIGN en Nouvelle-Calédonie. C’est un renfort conséquent, pris sur l’ensemble de l’unité. Nous avons par ailleurs de nombreuses missions permanentes. Je pense notamment à la cinquantaine de personnels déployés dans les ambassades, par exemple en Ukraine, en Libye, au Pakistan, ou encore en Irak, pour assurer la sécurité des ambassadeurs, mais aussi à la mission de protection permanente du président de la République au sein du GSPR, celle du chef d’état-major des armées, des anciens présidents de la République et d’autres autorités.
En outre, depuis la cérémonie d’ouverture, nous connaissons une très forte activité en matière de forcenés ou de prises d’otage sans lien avec les J.O., ainsi qu’une forte activité judiciaire, avec énormément de demandes de concours de la part de sections de recherches, de groupements ou d’offices pour des missions d’interpellations du niveau du GIGN.
C’est vraiment toute la machine GIGN qui est activée, en mesure de répondre à tout événement. Le 26 juillet 2024, jour de la cérémonie d’ouverture, et même avant, les 1 000 gendarmes du GIGN, soutien compris, étaient ainsi mobilisés. Car la particularité du Groupe est d’avoir des personnels fongibles, permettant par exemple aux militaires du soutien d’avoir la formation nécessaire pour armer les différents P.C.
Source: gendinfo.fr