Le gendarme Aurélien, de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 15/3 de Vannes (56), a été blessé par arme à feu dans la nuit du 9 au 10 octobre 2024En convalescence, il se confie sur son engagement en gendarmerie et son déploiement à La Martinique, début octobre, dans le cadre des manifestations contre la vie chère, jusqu’à la survenue de sa blessure ayant nécessité son rapatriement.

Jeudi 24 octobre 2024, à 5 h 45, le gendarme Aurélien, de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 15/3 de Vannes (56), blessé par arme à feu lors d’un engagement à La Martinique, atterrissait sur le tarmac du HUB des armées d’Istres, où il était notamment accueilli par plusieurs autorités militaires et gendarmes.

Après un examen de contrôle à l’Hôpital d’instruction des armées (HIA) de Laveran, à Marseille, le jeune militaire de 26 ans est rentré chez lui, en Bretagne, pour y poursuivre sa convalescence. C’est là que nous l’avons joint par téléphone. Pour GENDinfo, il revient sur sa jeune carrière en gendarmerie mobile, son engagement écourté en Martinique ainsi que les circonstances de sa blessure.

Connaître l’expérience de la mobile

Entré en école de gendarmerie début septembre 2021, il en sort un an plus tard et est affecté en gendarmerie mobile, à l’EGM 15/3 de Vannes. « C’était un choix. Je voulais connaître l’expérience de la mobile », confie-t-il. Et en un peu plus de deux ans, avec son unité, il va connaître un engagement soutenu, à l’instar de toutes les unités de forces mobiles : « beaucoup de maintien de l’ordre à Paris, comme souvent, mais aussi à Nantes et à Rennes. Nous avons aussi assuré la sécurisation de la résidence du président de la République au Touquet, une mission de lutte contre l’immigration clandestine à Menton, qui s’est vite transformée en tour de France, puisque notre escadron a été projeté à travers toute la France, et enfin deux tours outre-mer, à Mayotte et à La Martinique, lequel a malheureusement été écourté me concernant. »

Octobre 2024 : projection à La Martinique

L’EGM 15/3 de Vannes est en effet projeté à La Martinique en deux vagues, les 3 et 4 octobre 2024, pour une durée prévisionnelle de quatre mois (les tours outre-mer ayant été allongés d’un mois pour compenser la mobilisation des unités dans le cadre de la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, NDLR).

Déployés sous le commandement du Groupement tactique de gendarmerie II/3 MSA, dans le cadre des manifestations contre la vie chère, les gendarmes mobiles bretons vont faire face à la violence des opposants dès les premiers jours de leur engagement, enchaînant trois jours de maintien de l’ordre assez intenses, jusqu’à cette journée du 9 octobre 2024.

« Nous étions rentrés de la précédente mission vers 5 heures du matin, et vers 13 heures, nous avons été envoyés sur la commune du Carbet pour renforcer un autre peloton en place depuis 7 heures du matin. La situation s’est dégradée et le maintien de l’ordre s’est intensifié. La brigade mobile du Carbet a été incendiée, mais heureusement il n’y avait personne à l’intérieur. D’autres brigades étaient menacées voire prises à partie », relate le gendarme Aurélien.

Le troisième peloton pris pour cible par des tirs

Alors, après plusieurs heures d’affrontements intenses sur la commune du Carbet, occasionnant plusieurs blessés au sein des unités de Vannes et de Bellac, le peloton du gendarme Aurélien est projeté sur la commune de Schoelcher pour dégager les barricades qui obstruent les voies, disperser les émeutiers et rétablir la liberté de circuler. « Nous avons fait mouvement vers 20 heures. Sur la route, nous sommes tombés sur un premier barrage en feu. Nous avons débarqué de notre TRM, pris possession de la barricade et repoussé les individus hostiles comme nous savons le faire. Une fois l’axe dégagé, nous avons repris la route, jusqu’à une seconde barricade incendiée sur la commune de Schoelcher. »

Il est minuit et demi quand le troisième peloton arrive en tête sur un rond-point, dont la sortie est obstruée par deux barricades enflammées et infranchissables tenues par des manifestants. Alors que plusieurs tirs de grenades lacrymogènes sont commandés pour disperser les émeutiers, les militaires s’emparent du rond-point. À cet instant, de nombreux tirs en rafale sont effectués en direction du troisième peloton de gendarmes mobiles. L’alerte est donnée par le commandant d’unité, et les militaires se mettent rapidement à couvert.

Tout se passe très vite, tandis que les rafales retentissent, le gendarme Aurélien est touché au bras droit. « Alors que nous manœuvrions pour dégager la barricade, des individus dissimulés de l’autre côté ont commencé à tirer. On se rend vite compte des choses. Mais j’ai eu juste le temps de me dire qu’on se faisait tirer dessus, quand j’ai ressenti une douleur vive et perdu l’usage de mon bras droit. »

La balle est venue se loger dans l’humérus, brisant l’os. Un orifice correspondant à une munition de calibre 9 mm sera découvert dans son bouclier.

« Je me suis alors mis à couvert derrière un mur en béton. Une partie de mes camarades sont venus me prodiguer les premiers soins d’urgence, tandis que les autres prenaient des appuis pour tenir les opposants à distance. J’ai eu de la chance parce qu’un VSAB se trouvait à proximité et nous a rejoints en cinq minutes. »

Pendant que l’unité riposte au moyen de grenades lacrymogènes et explosives pour neutraliser le tireur, le recueil des pompiers et l’extraction en sécurité du blessé sont rapidement organisés.

Conduit au centre hospitalier de Fort-de-France, le gendarme Aurélien est opéré. Une broche allant de l’épaule au coude doit lui être posée afin de maintenir l’os en place. « Sans ce tuteur, je n’aurais pas la mobilité de mon bras ». Après quatre jours d’hospitalisation, il rejoint son cantonnement le 14 octobre, dans l’attente de son rapatriement, géré en lien avec les Armées.

Le 23 octobre, le militaire quitte le sol martiniquais par vol militaire et regagne la métropole le lendemain, au petit matin. Sur le tarmac du HUB des armées d’Istres, il est accueilli par le général de division Yann Trehin, commandant en second la Région de gendarmerie Provence-Alpes-Côte d’Azur, le colonel Sébastien Estève, commandant la base aérienne 125 d’Istres, et le lieutenant-colonel Jean-Luc Delaye, commandant la compagnie de gendarmerie de l’Air d’Istres. Un détachement de gendarmes mobiles de Rennes et de Vannes, sous le commandement du chef d’escadron Sébastien Bonconor, commandant en second du Groupement de gendarmerie mobile (GGM) I/3 de Rennes) est également présent.

Un accueil qui a particulièrement ému le gendarme Aurélien. Après sa courte hospitalisation à l’HIA Laveran, le jeune homme a pu regagner son domicile pour une convalescence qui s’annonce longue : « Il faudra au moins trois mois pour que l’os, qui a été fracturé en plusieurs endroits, se reconstruise. Je pourrai alors commencer ma rééducation. »

« Beaucoup d’aides ont été mises en place »

« En s’engageant en gendarmerie, c’est quelque chose à laquelle on doit se préparer. Sur cet engagement, la situation était telle quand nous sommes arrivés, que le risque était présent dans les esprits. Nous avions déjà été pris pour cibles par des tirs lors des deux premières soirées, précise le militaire.En revanche, une de mes craintes concernait les conséquences que cette blessure pouvait engendrer, surtout quand on est mono-galon comme moi. Mais j’ai tout de suite été particulièrement bien accompagné par le peloton hors rang de Vannes lorsque que j’étais encore à la Martinique et depuis mon retour en métropole, ainsi que par le chef d’escadron Sébastien Bonconor et son équipe, qui ont été à mes côtés. J’ai aussi été soutenu et rassuré par la cellule de protection fonctionnelle et par l’assistante sociale… Beaucoup d’aides ont été mises en place autour de moi et cela m’a beaucoup soutenu. Ma hiérarchie et mes camarades m’ont aussi apporté leur soutien. On ne se sent pas seul ! Et à mon niveau, je relativise beaucoup. Je me dis que j’ai eu beaucoup de chance, que je suis encore en vie, que j’ai encore la mobilité de mon bras et de ma main. Ça me permet de garder un bon moral, même si je ne m’interdis pas à l’avenir d’avoir recours à une psychologue pour éviter qu’un traumatisme ne s’installe. Mais aujourd’hui je vais bien ! »

Si sa première réaction à la suite de cette blessure a été de vouloir quitter l’Institution, Aurélien s’est vite ravisé : « Je n’avais pas envie de quitter un métier qui me plaisait. En revanche, ça a peut-être renforcé, voire accéléré mon projet de changer de subdivision d’arme. En m’engageant en G.M., je savais que je n’y ferais pas carrière, car la famille est très importante pour moi, et je ne voulais pas lui imposer le rythme que connaît la mobile. »

Source: gendinfo.fr