Au terme d’une enquête d’envergure lancée à l’été 2023, la Section de recherches (S.R.) d’Orléans a mis fin aux activités d’un réseau criminel spécialisé dans le vol et le maquillage de véhicules. Quelque 151 camping-cars et 289 véhicules volés sur l’ensemble du territoire auraient ainsi été « blanchis » par cette organisation parfaitement rodée. L’opération judiciaire, conduite en plusieurs temps, a permis l’arrestation de six individus et la saisie de 58 camping-cars maquillés.

Depuis plusieurs années, le ministère de l’Intérieur constate une hausse continue des infractions liées à l’immatriculation frauduleuse de véhicules. Selon le bilan 2023 des infractions routières, publié l’an dernier par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), les cas de « circulation d’un véhicule muni d’une plaque portant un numéro d’immatriculation attribué à un autre véhicule », c’est-à-dire les usurpations de plaques d’immatriculation, aussi appelées « doublettes », ont ainsi progressé de 4,8 % entre 2022 et 2023, avec 23 072 infractions recensées l’an passé. Ramenée aux six dernières années, la progression est encore plus frappante : +45,8 % entre 2017 et 2023. En revanche, en 2023, « l’usage de fausse plaque ou de fausse inscription apposée sur un véhicule à moteur ou remorque » a lui connu une baisse de 25,1 %, avec tout de même 2 890 cas recensés, tandis que les cas de « mise en circulation de véhicule à moteur ou remorque muni de plaque ou inscription inexacte » se sont élevés à 716, soit une baisse de 22,5 %.

En juin 2023, lors d’une audition devant le Sénat, le Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, chargé de la Citoyenneté, a été interpellé sur ces pratiques frauduleuses, dont sont victimes des milliers de conducteurs chaque année. Il a alors réaffirmé que « la lutte contre la fraude à l’immatriculation est une priorité du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer ».

La gendarmerie nationale a d’ailleurs été chargée de piloter le Plan national de lutte contre la fraude à l’immatriculation des véhicules (PNLFIV), qui revêt une dimension interministérielle.

Sur le terrain, cet engagement se traduit par de multiples enquêtes, à l’instar de celle conduite par la Section de recherches (S.R.) d’Orléans, qui vient de démanteler un réseau criminel organisé, auquel seraient imputables le vol et le « maquillage » de quelque 51 camping-cars et de 289 véhicules sur l’ensemble du territoire.

Un rapprochement entre un véhicule volé et un camping-car en vente chez un concessionnaire

Cette enquête d’envergure débute dans le cadre d’une procédure ouverte pour vol et recel en bande organisée de camping-cars dans le Centre-Val-de-Loire, au cours de laquelle la S.R. d’Orléans réalise un rapprochement entre un véhicule volé et un camping-car en vente chez un concessionnaire.

Par le biais d’investigations minutieuses, les enquêteurs vont alors découvrir d’autres camping-cars ainsi que des camions benne de marque Iveco, volés en région parisienne, puis maquillés, avant d’être inscrits en neuf au Système d’immatriculation des véhicules (SIV) par un même individu.

D’autres membres présumés de ce réseau criminel, dont certains sont défavorablement connus de la documentation judiciaire pour vol et maquillage de véhicules, sont également identifiés.

Devant l’ampleur du phénomène, une information judiciaire est ouverte au tribunal judiciaire de Chartres à l’été 2023, et la S.R. d’Orléans se voit confier la direction d’enquête, en co-saisine avec le Groupement de gendarmerie départementale d’Eure-et-Loir (28), 4e département le plus marqué par les vols de camping-cars, et le Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN). Une cellule d’enquête nationale, baptisée « SIVEUR 28 », est alors créée.

Le 23 janvier 2024, une commission rogatoire est délivrée au Directeur général de la Gendarmerie nationale. Le magistrat instructeur décide de concentrer l’action des enquêteurs sur les camping-cars, laissant le Plateau d’investigations véhicules (PIV) du PJGN prendre en compte les autres véhicules dans le cadre habituel de ses missions.

Une organisation rodée, utilisant un système dédié au blanchiment de véhicules volés

L’enquête va alors démontrer l’existence d’une organisation très bien rodée, utilisant un système dédié au blanchiment de véhicules volés. Les malfaiteurs utilisent ainsi des habilitations SIV détournées de leur finalité d’origine, afin d’inscrire les véhicules volés et maquillés en immatriculation normale à partir de numéros inexistants en base constructeur ou erronés. Un certificat d’immatriculation associé au véhicule volé et maquillé est ainsi généré, lui permettant de circuler librement sur le territoire national et d’être vendu en France ou à l’étranger.

Entre 2022 et 2023, ce système aurait permis de blanchir 151 camping-cars volés et maquillés, pour un préjudice d’environ 8,4 millions d’euros, ainsi que 289 véhicules utilitaires et particuliers, pour un préjudice estimé à 13,3 millions d’euros.

Première opération judiciaire en avril 2024

Une première opération judiciaire, dirigée par la S.R. d’Orléans, est déclenchée le 2 avril 2024, dans sept départements : l’Eure-et-Loir (28), la Seine-Saint-Denis (93), le Val-de-Marne (94), la Haute-Garonne (31), Paris (75), l’Oise (60) et la Meurthe-et-Moselle (54). Elle conduit à l’interpellation et au placement en garde à vue de cinq individus. Lors de la perquisition des domiciles des mis en cause et des locaux de quatre sociétés implantées dans quatre départements, les enquêteurs mettent la main sur de très nombreux documents et supports numériques.

Une semaine plus tard, du 8 au 12 avril 2024, une opération nationale de contrôle et de démaquillage de véhicules est organisée sur l’ensemble du territoire, avec l’appui du PIV et de nombreuses unités de gendarmerie. Elle permet aux gendarmes de retrouver et de saisir 58 camping-cars volés et maquillés.

Depuis le début de la phase opérationnelle, six individus ont été interpellés et mis en examen dans le cadre de cette enquête. L’un d’eux a été écroué et les cinq autres placés sous contrôle judiciaire.

Il reste à ce jour 289 véhicules à localiser et à démaquiller, dans le cadre de procédures distinctes menées par d’autres unités, dont le PIV du PJGN.

Source: gendinfo.fr