La proposition de loi crée un droit à l’aide à mourir pour les malades majeurs condamnés par une affection grave et qui en ont exprimé la demande, sous certaines conditions. Cet ultime recours est encadré. Une clause de conscience est prévue pour les professionnels de santé qui refuseraient de participer à cette procédure.
Le 27 mai 2025, l’Assemblée nationale a adopté, avec modifications, la proposition de loi en première lecture par 305 voix pour, 199 voix contre et 57 absentions. Plus de 2 600 amendements avaient été déposés. Le Sénat examinera le texte à l’automne 2025.
La proposition de loi reprend les dispositions sur l’aide à mourir du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté en avril 2024 par le gouvernement. Elle reprend également les modifications votées par l’Assemblée nationale, avant sa dissolution en juin 2024.
Ce projet de loi avait été précédé d’un avis du Comité consultatif national d’éthique qui s’est dit favorable en 2022 à une « aide active à mourir » strictement encadrée, à condition que soient parallèlement renforcés les soins palliatifs. Cet avis avait ouvert les débats de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’était prononcée en avril 2023 pour une ouverture conditionnée d’une aide active à mourir, et plus précisément à la fois du suicide assisté et de l’euthanasie. Les 184 citoyens de cette Convention ont considéré que le cadre législatif actuel était insuffisant.
Pour le député Olivier Falorni, auteur de la proposition de loi, ce texte « qu’attend une très grande majorité de nos concitoyens, ne peut pas et ne doit pas être à nouveau » mis « de côté« .
Une proposition de loi sur l’accompagnement et les soins palliatifs le complète. En janvier 2025, le Premier ministre, François Bayrou, a souhaité que les sujets des soins palliatifs et de l’aide à mourir soient examinés par le Parlement dans deux textes séparés.
L’essentiel de la proposition de loi
Le texte initial a été amendé par les députés et le gouvernement, notamment son titre.
Un droit à l’aide à mourir est institué. Il consistera à autoriser et à accompagner un malade qui a demandé à recourir à un produit létal. Le malade devra s’administrer lui-même le produit. Toutefois, s’il en est incapable physiquement, il pourra se le faire administrer par un médecin ou un infirmier. L’auto-administration sera donc la règle et l’administration par un soignant l’exception.
Pour accéder à l’aide à mourir, le malade devra remplir cinq conditions :
- être majeur (au moins 18 ans) ;
- être français ou résident étranger régulier et stable en France ;
- être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Un amendement du gouvernement a explicité la « phase avancée » de la maladie, qui reprend la définition donnée par la Haute Autorité de santé (HAS) dans son avis du 6 mai 2025. Cette phase est « caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie« . Selon l’exécutif, la prise en compte de ces repères dans la loi permettra d’éviter une application variable de l’aide à mourir, qui pourrait générer des inégalités d’accès ou exposer les médecins à des décisions isolées, sans fondement partagé ;
- présenter une souffrance physique ou psychologique constante réfractaire aux traitements (qu’on ne peut pas soulager) ou insupportable selon lui lorsqu’il a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter un traitement. Les députés ont ajouté qu' »une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir » ;
- être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Le malade devra être capable de prendre sa décision en ayant conscience de la portée et des conséquences de son choix, ce qui exclut les personnes dont le discernement est gravement altéré au moment de la démarche.
L’ensemble de la procédure de l’aide à mourir est défini : demande du malade, examen, informations et décision motivée du médecin dans un délai de 15 jours, après accord délai de réflexion du malade d’au moins deux jours, possibilité de renoncement. Cette procédure a été précisée lors des débats. Le malade pourra déposer sa demande par écrit ou « par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités« . S’il ne peut pas se déplacer, le médecin devra se rendre chez lui où dans le lieu où il est pris en charge pour recueillir sa demande. Il devra l’informer qu’il peut bénéficier de soins palliatifs et d’accompagnement et s’assurer qu’il peut y accéder. Il devra de plus proposer de l’orienter, ainsi que ses proches, vers un psychologue ou un psychiatre. La procédure collégiale à l’issue de laquelle le médecin prononce sa décision a été revue : elle réunira un collège pluriprofessionnel, auquel il participe et composé au moins d’un spécialiste de la pathologie et d’un soignant intervenant dans le traitement. La personne de confiance désignée par le malade pourra être associée à la procédure collégiale.
Les droits du malade sont détaillés : date de la mort, droit de mourir entouré par les personnes de son choix et hors de son domicile. Pour éviter toute dérive, les députés ont interdit les lieux publics (voiries, places, parvis, plages, forêts, montagnes, parcs ou jardins par exemple) comme lieu possible de la mort. Une fois le produit létal administré, le texte prévoit que la présence du médecin ou de l’infirmier aux côtés du malade n’est plus obligatoire. Il devra toutefois être suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté.
Les frais exposés dans le cadre de l’aide à mourir seront intégralement pris en charge par l’Assurance maladie.
La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ou de mettre fin à la procédure pourra être contestée devant le juge administratif par le malade uniquement (sauf cas des majeurs protégés).
Une clause de conscience est instituée pour les professionnels de santé qui refuseraient de participer à la procédure d’aide à mourir. Ils devront renvoyer la personne vers un confrère.
Les professionnels qui seraient volontaires pour participer à l’aide à mourir devront se déclarer auprès d’une nouvelle commission, qui centralisera leurs coordonnées. Cette commission, placée auprès du ministre chargé de la santé, contrôlera a posteriori, suivra et évaluera le dispositif d’aide à mourir, afin d’en informer tous les ans le gouvernement et le Parlement.
La Haute autorité de santé et l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) seront chargées de définir et d’évaluer les substances létales qui seront utilisées pour l’aide à mourir ainsi que d’établir des recommandations de bonnes pratiques.
Un délit d’entrave à l’aide à mourir est créé, sur le modèle de celui concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). L’entrave est définie comme « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen… » y compris en ligne, soit en perturbant des lieux de pratique de l’aide à mourir et le travail des personnels, soit en exerçant des pressions, menaces ou intimidations sur des personnes cherchant à s’informer, les soignants, les patients ou leur entourage. Les peines encourues pour ce nouveau délit ont été doublées par les députés : jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Plusieurs décrets d’application sont prévus.
Enfin, le texte obligera les contrats d’assurance décès, y compris en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi, à couvrir le risque de décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir. Il s’agit de prévenir toute exclusion de couverture de l’aide à mourir, notamment liée à une éventuelle assimilation au suicide.
Les dispositions du texte seront étendues et adaptées par ordonnance dans les collectivités d’outre-mer. Un amendement en ce sens a été adopté.
Les lois sur les malades en fin de vie depuis 1990
Depuis les années 1990, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour affirmer deux droits essentiels : le droit de ne pas souffrir et le droit de ne pas subir.
La loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière dite « Évin » inscrit les soins palliatifs parmi les missions du service public hospitalier et les distingue des soins curatifs. L’accès aux soins palliatifs sera ensuite reconnu comme un droit garanti avec la loi du 9 juin 1999. En 2002, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « Kouchner », précise clairement le droit au refus de traitement mais reste silencieuse sur la question de la fin de vie proprement dite.
La première loi spécifique à la fin de vie est la loi « Leonetti » du 22 avril 2005 qui pose l’interdiction de l’obstination déraisonnable. Elle permet à tout patient de refuser un traitement dès lors qu’il considère qu’il constitue une obstination déraisonnable et a le droit, dans ce cadre, de bénéficier d’un accompagnement palliatif. Elle autorise également les équipes soignantes à mettre fin à un traitement chez un patient qui n’est plus en état d’exprimer sa volonté, lorsqu’elles estiment que sa poursuite n’a plus de sens sur le plan médical et à condition d’en avoir discuté auparavant collégialement. Elle reconnaît enfin la rédaction de directives anticipées mais les encadre strictement.
Le 2 février 2016, la loi « Claeys‑Leonetti » crée de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Les directives anticipées sont renforcées puisqu’elles ont désormais une valeur contraignante pour le médecin, sauf cas exceptionnel, et ne sont plus soumises à une durée de validité. La loi permet également au patient de demander une sédation profonde et continue jusqu’au décès. L’accès à la sédation profonde est strictement encadré puisqu’il est autorisé après une discussion en procédure collégiale pour s’assurer que le patient souffre de façon insupportable et que son décès est inévitable et imminent.
Euthanasie, suicide assisté dans les autres pays ?
Plusieurs pays occidentaux, dont certains voisins, ont déjà légiféré sur la question de la fin de vie (Belgique, Espagne, Autriche, Suisse, Pays-Bas, Luxembourg, Canada, certains États américains…). Ils autorisent l’euthanasie et/ou le suicide assisté.
Source: vie-publique.fr