Dans le système de retraite français, les droits familiaux et conjugaux permettent une redistribution en faveur des personnes qui ont assumé la charge d’enfants ou dont le conjoint est décédé. Destinés à compenser des inégalités, ces droits profitent en majorité à des femmes. Les règles existantes sont-elles toujours adaptées ?
Les droits familiaux et conjugaux de retraite ont été instaurés à une époque où peu de femmes travaillaient, en général pour s’occuper de leurs enfants. Travail, temps partiel et maternité étaient les racines des inégalités de pensions, quand le couple marié et stable était la forme prédominante d’union.
Moins de mariages, plus de divorces, plus de femmes sur le marché du travail… en dépit des évolutions sociales, des inégalités perdurent au détriment des femmes.
Dans un rapport remis en novembre 2025, le Conseil d’orientation des retraites (COR) analyse les évolutions des droits familiaux et conjugaux et préconise des pistes d’évolution.
Les droits familiaux et conjugaux profitent en majorité à des mères et à des veuves
Les droits familiaux représentent 25 milliards d’euros (Md€). Ils présentent une grande diversité de règles selon les régimes. Leur objectif principal est de compenser les effets des enfants sur la carrière des mères de famille par :
- la validation de périodes au titre des enfants (entre 2 et 8 trimestres attribués selon les régimes) ;
- l’amélioration du montant des pensions.
Ils bénéficient majoritairement à des femmes qui ont eu des carrières courtes ou fragmentées, moins rémunérées que celles des hommes.
Les droits familiaux représentent en 2020 :
- 12% des pensions de droit direct des femmes ;
- 3% des pensions de droit direct des hommes.
On peut citer les majorations de pensions pour trois enfants. Les majorations de durée d’assurance (MDA) et l’allocation vieillesse des parents au foyer (AVPF) ont permis d’atténuer ces écarts en renforçant les droits à pension des mères. Même si leur impact tend à s’amenuiser, 96% des bénéficiaires de l’AVPF et des MDA étaient des femmes en 2020.
Les pensions de réversion (droits conjugaux) représentent 38,7 Md€ en 2024. Elles visent à l’origine à couvrir le risque de décès du conjoint principal apporteur de ressources. Près de 9 bénéficiaires des pensions de réversion sur 10 sont des femmes (87,3%) du fait :
- de leur espérance de vie plus longue ;
- de leurs pensions de droit propres plus faibles.
En 2023, l’écart entre les pensions moyennes de droit direct des femmes et celles des hommes est de 35%. Les pensions de réversion permettent de réduire l’écart d’un tiers, à 23%. Il existe une grande disparité entre les différents régimes.
Des pistes d’amélioration
Une grande partie des droits conjugaux et familiaux a été mise en place à une époque où le modèle familial traditionnel était fondé sur un idéal de mariage unique et pérenne. En 2022, les personnes en couple cohabitant sont :
- mariées (72%) ;
- pacsées (9%) ;
- en union libre (18%).
Par ailleurs, le nombre d’enfants par femmes connaît une baisse tendancielle, et la proportion de personnes veuves a légèrement diminué (6,7% en 2022).
Le COR examine des pistes d’évolution de ces droits.
En ce qui concerne les droit familiaux, le COR réaffirme l’objectif prioritaire d’une compensation des effets des enfants sur la carrière des mères de famille. Trois dispositifs sont étudiés :
- l’AVPF, en limitant son bénéfice jusqu’aux 3 ans du plus jeune enfant. Cela permettrait de recentrer le dispositif sur les interruptions d’activité de courte durée et le rendre cohérent avec l’âge de scolarité obligatoire (3 ans depuis 2019). La contrepartie serait une revalorisation des droits ;
- la MDA, en attribuant quatre trimestres au titre de l’accouchement ou de l’adoption. Quatre autres trimestres seraient conditionnés à des périodes de carrière incomplète dans les trois années suivant la naissance ;
- les majorations de pension, plafonnées dans leur montant, seraient redirigées vers les bénéficiaires de validation de périodes au titre des enfants, quel que soit leur nombre (3% pour un enfant, 6% pour deux et 20% pour trois enfants et plus).
En ce qui concerne les droits conjugaux, afin d’atteindre l’objectif de maintien de niveau de vie du conjoint survivant, le COR propose une nouvelle formule de calcul de la pension de réversion :
Montant de la pension totale de réversion (si positif, sinon zéro) = (2/3 de la pension du défunt) – (1/3 de la pension du conjoint survivant)
Elle aurait néanmoins des effets individuels hétérogènes.
Avec les autres pistes de rénovation proposées, le COR estime que cette réforme diminuerait les prestations totales (droit direct et réversion) de 1,3% d’ici à 2070. Une partie des sommes allouées à ces droits pourrait être réorientée vers les politiques familiales ayant un effet positif sur l’offre de travail des mères (baisse du coût de garde des enfants, meilleure offre de places en crèche).
Le COR examine aussi une éventuelle refonte conjointe des droits familiaux et conjugaux au bénéfice des droits familiaux. Constatant que les parcours conjugaux ont beaucoup changé et que les femmes dépendent moins de leurs conjoints, le COR envisage des pensions de réversion ouvertes à tous les concubins survivants mais versées sous conditions de ressources et plafonnées au strict maintien du niveau de vie.
Source: vie-publique.fr







