Le troisième volet de l’opération SHIELD a été lancé à l’occasion d’un séminaire, qui s’est tenu, les 1er et 2 mars, au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale. Présentation de ce bouclier contre le trafic de médicaments, coordonné par Europol, et auquel participe activement la gendarmerie, par le biais de son Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).
C’est un trafic qui bénéficie d’un effet de loupe depuis le début de la crise sanitaire, mais qui prend de l’ampleur depuis plusieurs années déjà : celui des produits de santé, à savoir de médicaments contrefaits, interdits ou détournés de leur usage. De nombreux groupes de criminalité organisée ont diversifié leur « offre » en développant cette branche lucrative. Deux raisons principales à cela.
Tout d’abord, la facilité de production – rien ne ressemble plus à une vraie pilule qu’une fausse pilule – et de distribution, le plus souvent en petite quantité par simple pli postal. Ensuite, une réponse pénale encore peu adaptée, avec des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 7 ans, contre 30 ans pour le trafic de stupéfiants. Gros profits, petits risques… Tout ce qu’aiment les criminels. Et la France compte pourtant parmi les pays les plus répressifs. Dans certains États, en effet, ces infractions ne font l’objet que d’amendes administratives.
Les risques liés au trafic de médicaments sont de trois ordres : risque pour la santé publique en premier lieu, avec une absence de soin, voire une aggravation de l’état du malade ; renforcement des organisations criminelles, grâce aux profits générés ; et, enfin, risque économique et social avec des pertes d’emploi pour l’industrie pharmaceutique.
26 pays engagés
Protéger les consommateurs et la société contre ces risques, c’est l’objectif de l’opération SHIELD (bouclier en anglais), dont le troisième volet a été lancé lors d’un séminaire à la direction générale de la gendarmerie nationale, les 1er et 2 mars. Ce séminaire avait pour but de donner la parole à tous les acteurs, de rappeler les méthodes, de valoriser les bonnes pratiques, de favoriser l’échange d’informations et l’identification des contacts.
Coordonnée par Europol, SHIELD est née en 2020 de la fusion de deux opérations menées à l’échelle européenne : la première, baptisée MISMED, était pilotée par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), en coopération avec les douanes finlandaises ; la seconde, du nom de VIRIBUS, menée conjointement par les forces grecques et italiennes, portait sur le dopage sportif.
« Les forces de police, de gendarmerie ou des douanes de 26 pays – 19 de l’Union européenne et 7 États tiers (dont les États-Unis, le Brésil, la Colombie…) -, des agences internationales, comme Interpol, Eurojust et l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle), ainsi que des laboratoires pharmaceutiques et des sociétés privées, comme Amazon, Paypal ou Western Union participent à SHIELD », détaille le général Sylvain Noyau, chef de l’OCLAESP, qui co-dirige l’opération avec ses homologues grecs, italiens et espagnols.
Tous ces acteurs s’engagent à faire remonter les renseignements à Europol, qui les centralise et les analyse, afin de détecter les nouveaux phénomènes ou modus operandi. « La lutte contre la criminalité organisée fait partie des domaines d’action d’Europol, au même titre que celle contre le terrorisme, la cybercriminalité et la criminalité économique et financière, décrit le général de corps d’armée Jean-Philippe Lecouffe, nouveau directeur exécutif adjoint des opérations à Europol. Lorsque les forces de l’ordre d’un État membre détectent un trafic de faux médicaments, elles communiquent à Europol les éléments d’enquête. Nous en faisons une analyse criminelle, procédons à des recoupements à partir de nos propres fichiers et contactons tous les pays éventuellement concernés par cette enquête. Nous avons un rôle de coordinateur, de facilitateur. Nous mettons les gens autour de la table, au sens propre, en mettant à leur disposition des salles et des moyens matériels, et nous les accompagnons en leur apportant un soutien technique et en projetant nos experts sur le terrain. »
Des médicaments psychotropes
On peut distinguer différents types de trafics de médicaments : les médicaments contrefaits, qui n’ont pas ou peu d’effets, les médicaments utilisés comme produits dopants, et pas uniquement par des sportifs professionnels, et les médicaments dont l’usage est détourné pour être consommés comme des psychotropes. « Parce qu’elle dispose d’un système de remboursement des médicaments, la France est assez peu concernée par le trafic de médicaments contrefaits, même s’il faut rester vigilants, considère le général Noyau. En revanche, notre pays est une plaque tournante pour les médicaments détournés de leur usage. »
Comme le Rivotril, un anti-épileptique que les mineurs isolés consomment à haute dose et qui procure un sentiment de surpuissance. Ou encore le Subutex, qui sert de traitement de substitution à l’héroïne. Ces médicaments, délivrés gratuitement sur ordonnance en France, peuvent être revendus très cher dans des pays où ce type de traitement n’existe pas ou n’est pas remboursé. Un marché particulièrement juteux et extrêmement dangereux pour la santé publique.
L’OCLAESP a en permanence plus d’une vingtaine d’enquêtes ouvertes sur ces réseaux très organisés, qui recrutent sur les réseaux sociaux des faux patients, avec la promesse – tenue – d’un gain d’argent facile. Ces derniers, munis de fausses ordonnances, collectent les médicaments, transmis ensuite à des mules, qui les transportent jusqu’aux têtes de réseaux.