Les outre-mer français accusent un retard majeur en matière de gestion des déchets. La cote d’alerte est dépassée dans certains territoires comme la Guyane et Mayotte. De l’avis des rapporteurs, des plans de rattrapage exceptionnels s’imposent pour remédier rapidement à ces lacunes.
Un rapport du Sénat sur la gestion des déchets outre-mer, publié en décembre 2022, brosse un tableau inquiétant de la collecte et du traitement des déchets dans ces territoires. Il met en lumière la gravité de la situation, analyse ses causes et avance des pistes d’amélioration.
Des carences délétères
Les départements et régions d’outre-mer (Drom) et les collectivités d’outre-mer (Com) affichent des indicateurs préoccupants :
- 67% des déchets ménagers sont enfouis, contre 15% à l’échelle nationale ;
- la gestion des déchets ménagers coûte 1,7 fois plus cher que dans l’Hexagone ;
- 14 kilogrammes d’emballages ménagers par habitant et par an sont collectés en moyenne dans les cinq Drom, contre 51,5 kilogrammes pour la France entière.
D’importants gisements de déchets, dont ceux des quartiers informels, des dépôts sauvages et des décharges illégales, échappent à la collecte. 41% de la population de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, n’en bénéficie pas. Les outre-mer manquent aussi d’équipements. Le nombre de déchetteries par habitant est deux à neuf fois plus faible dans les Drom (hormis La Réunion) qu’en métropole.
La situation varie selon les territoires. Mayotte et la Guyane ont presque tout à construire pour une population qui progresse fortement. Saint-Martin enfouit près de 100% des déchets. En revanche, Saint-Pierre-et-Miquelon constitue un modèle de collecte et de prévention ; l’archipel doit néanmoins fermer ses décharges littorales illégales qui brûlent à ciel ouvert.
La collecte déficiente et les anciennes décharges illégales présentent des risques pour ces territoires, qui abritent 80% de la biodiversité française. Ils font face à plusieurs urgences :
- sanitaire. Des maladies telles que la dengue et l’hépatite A sont favorisées par l’exposition des populations aux déchets. À Mayotte et en Guyane, le taux de prévalence de la leptospirose est 70 fois supérieur au taux national ;
- environnementale (mangroves) étouffées, cadre de vie dégradé, sols pollués).
Des causes multiples
Cette situation s’explique par :
- des financements insuffisants et une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) élevée qui encourage les dépôts sauvages ;
- un recouvrement incomplet de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), qui finance 80% des dépenses du service public des déchets ;
- des éco-organismes discrets, voire absents ;
- des filières locales de recyclage limitées ;
- une prévention quasi inexistante ;
- une gouvernance locale souvent inadaptée, avec des acteurs trop nombreux ;
- une faible ingénierie ;
- des exportations de déchets de plus en plus compliquées.
Vers une économie circulaire adaptée aux outre-mer
Le rapport préconise surtout :
- d’instituer dans chaque territoire un opérateur unique du traitement des déchets ménagers ;
- de mettre en œuvre des plans d’urgence dotés d’au moins 250 millions d’euros sur cinq ans pour réaliser les équipements prioritaires ;
- d’infliger des pénalités aux éco-organismes n’atteignant pas des objectifs chiffrés ;
- d’améliorer la collecte sélective dans les zones les plus défavorisées ou isolées ;
- de prioriser les filières locales de traitement et de soutenir la valorisation énergétique.
Source: vie-publique.fr