Attention, sujet explosif! Dans une note communiquée mi-juin aux partenaires sociaux, le Haut-commissariat à la réforme des retraites a posé la question qui fâche: « Compte tenu des évolutions en matière de taux d’emploi des femmes et de conjugalité, doit-on maintenir des pensions de réversion? » Coup de chaud immédiat chez les syndicats qui ont rappelé leur attachement à ces prestations (36 milliards d’euros en 2016) complétant les revenus de 4,4 millions personnes, dont 89 % de femmes. La réversion constitue même l’unique pension versée à plus d’un million de veuves.
Les bénéficiaires actuels ne sont pas concernés
Sollicité par des retraités inquiets, mais non concernés par la réforme en discussion, le Haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, a tenu à déminer le sujet. « Il n’a jamais été question de les supprimer, a-t-il expliqué dans les colonnes du Figaro. Le but est d’harmoniser les règles, mais à enveloppe constante. » Des changements concernant les futurs retraités sont donc possibles. La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn , interrogée sur le sujet au Sénat jeudi 21 juin, a d’ailleurs estimé que les règles d’attribution et de calcul des pensions de réversion, très différentes en fonction des régimes de retraite, créent « des injustices » et doivent être « remises à plat ». Le débat n’est donc pas clos.
Le fait est que sans préjuger des résultats des concertations, harmoniser les règles des dispositifs de réversion ne serait pas forcément une mauvaise idée…. Car si le système français des retraites tient de l’usine à gaz, celui des réversions n’est pas en reste.Selon le régime du conjoint défunt, tout change.
Le plus simple reste celui des fonctionnaires: sans condition d’âge ni de ressources, la veuve (ou le veuf) d’un serviteur de l’Etat a droit à 50% de la dernière pension du défunt, s’ils ont été mariés au moins quatre ans avant le décès, ou ont eu au moins un enfant. Autre impératif: ne pas revivre en couple du tout. Si le défunt était divorcé, le partage de la pension se fait selon la durée de chaque union, et la mort d’un/e des ex n’augmente pas la part des autres. Lire: Quelle réversion pour les fonctionnaires?
Chez les salariés, artisans, commerçants ou exploitants agricoles, les règles relatives à la réversion (54 %) de la retraite de base du défunt sont les mêmes. Peu importe si le veuf/la veuve s’est remarié/e, pacsé/e ou vit en union libre, il/elle doit avoir au moins 55 ans et, surtout, ne pas dépasser un plafond de ressources (20550,40€ en 2018, 32 880,64€ pour un couple). Au-delà, soit la réversion n’est pas versée, soit elle est réduite. Et qui dit ressources ne dit pas seulement revenus mensuels – sont aussi pris en compte des éléments de patrimoine, les revenus de l’épargne, etc. Lire: Pensions de réversion, les critères pour en bénéficier
C’est une première complexité. Mais le maquis se densifie avec la réversion des complémentaires (60 % de celles du défunt). Passons sur la condition d’âge : avec la fusion des complémentaires Agirc-Arrco au 1er janvier 2019, il sera possible de demander une réversion à 55 ans (contre 60% aujourd’hui pour les veuves/veufs de cadres). Si le défunt était salarié, il n’y a pas de condition de ressources, mais il ne faut pas être remarié (pacs ou concubinage sont permis…). En revanche, les artisans et commerçants peuvent revivre en couple (mariage compris) mais doivent satisfaire à une condition de ressources, plutôt généreuse : deux fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (79704 € en 2018).
Lire: Pension de réversions, 5 différences à connaître entre les retraites de base et complémentaire
Et que dire des règles d’attribution aux ex-conjoints? La réversion de la retraite de base est partagée entre chaque ex selon la durée du mariage. Au décès de l’un/e, sa part revient aux autres. Côté complémentaires, la réversion est aussi partagée chez les salariés, mais le décès d’un ex ne vient pas augmenter la part des autres. Pour en savoir plus lire: Lire: Pension de réversion, quand doit-elle être partagée?
Quoi qu’il en soit, si l’existence de la réversion n’est pas remise en cause par le Haut-Commissaire, l’architecture du système risque d’être redessinée à la faveur de la réforme. Notre Temps y sera particulièrement attentif.
Source: notretemps.com / Crédit photo: © D.R.