Le rôle joué par le lieutenant Paul Fontan contre Jules Bonnot, le 28 avril 1912, fut particulièrement valorisé. L’appui apporté par les gendarmes aux policiers, deux semaines plus tard, lors d’un autre siège, mérite également d’être mis en valeur.

Le printemps 1912 est un moment d’intense émotion, puisqu’il marque l’apogée autant que la fin de la « bande à Bonnot ». Les journaux commencent à se faire l’écho des forfaits commis par les malfaiteurs le 22 décembre 1911 à la suite de l’agression spectaculaire, la veille, d’un encaisseur de la Société Générale, à Paris. À compter du mois de mars, les attaques de succursales bancaires ou le meurtre du sous-chef de la Sûreté parisienne par Jules Bonnot, à Ivry-sur-Seine, font la une de quotidiens tirés à des millions d’exemplaires.

La traque des « bandits en automobile », comme ils sont surnommés par la presse, est essentiellement menée par les enquêteurs de la préfecture de police, dans le département de la Seine, ainsi que par les hommes des brigades mobiles de police judiciaire, en province. Les militaires de la gendarmerie trouvent pourtant à s’illustrer de façon notable, au moins lors de deux épisodes, qui prennent l’allure de sièges tels que menés au Moyen-Âge, comme celui des 14 et 15 mai 1912, à Nogent-sur-Marne, moins connu que le précédent à Choisy-le-Roi le 28 avril.

Les forces de l’ordre au complet contre deux hommes retranchés

Octave Garnier et René Valet sont repérés le 14 mai dans une villa à Nogent-sur-Marne, à proximité de la rivière et de l’imposant viaduc la traversant. Un dispositif important est aussitôt mis en œuvre pour assiéger les malfaiteurs, dont les actes sont devenus un problème policier autant que politique en raison du retentissement médiatique de leurs forfaits.

Sont d’abord engagés les hommes du service de la Sûreté de la préfecture de police, dirigés par leur chef, Xavier Guichard, commissaire divisionnaire, distingué pour son héroïsme à Choisy-le-Roi. Des policiers municipaux, gardiens de la paix parisiens et sergents de ville de banlieue, les appuient. S’ajoutent à ces policiers « en bourgeois » et en « tenue ostensible », des gendarmes de la compagnie de la Seine, fournis par les brigades territoriales de l’est parisien et la garde républicaine, dont l’action est pourtant circonscrite à Paris.

Ces derniers ont été requis par le préfet de police Louis Lépine. Des zouaves du 3e régiment venus du fort de Nogent participent également « subsidiairement » au maintien de l’ordre, pour reprendre l’adverbe d’époque. Des pompiers sont aussi mobilisés, avec un puissant projecteur permettant d’éclairer ce théâtre d’une bataille urbaine qui commence en fin d’après-midi et se prolonge durant la nuit.

Nogent-sur-Marne, les 14 et 15 mai 1912.Décor du siège de Garnier et Valet. – © Service historique de la Défense

À ce tableau manquent, du moins dans les archives, les hommes des brigades mobiles de police judiciaire, créées en 1907. Le siège s’organisant dans la circonscription du préfet de police, les inspecteurs et commissaires de la Sûreté générale s’effacent pour éviter d’envenimer des rapports exécrables entre Louis Lépine et le chef de la Sûreté générale, Célestin Hennion.

Ce sont ainsi plusieurs centaines d’assiégeants qui sont rassemblées, tant pour venir à bout des deux complices de Bonnot, retranchés dans cette maison de Nogent-sur-Marne, que pour contenir une foule venue assister au siège comme à un spectacle.

Un assaut improvisé, des méthodes à perfectionner

Lorsque la maison est cernée, Xavier Guichard demande aux anarchistes de se rendre. À l’abri de boucliers, il s’approche de la maison avec l’inspecteur Legrand et six agents. Une protection somme toute légère et inappropriée à la puissance de feu des assiégés, car dès le début de la fusillade, deux inspecteurs, Fleury et Cayrouse, sont blessés et évacués.

Les gendarmes de toutes les brigades voisines (Nogent, Joinville-le-Pont, Vincennes, Créteil, etc.) apportent leur force armée au dispositif, c’est-à-dire des carabines et des pistolets qui tirent alors des centaines de munitions. Cette puissance de feu est renforcée par les mitrailleuses Hotchkiss des zouaves, dont l’usage est néanmoins rendu quasiment impossible par la foule présente et la densité du tissu urbain.

Malgré leurs armes et leur nombre, les assaillants piétinent, comme le rapporte le chef de la police municipale, commentant qu’ « il est facile de se rendre compte que le tir des assiégeants, inspecteurs, zouaves ou gendarmes ne cause aucun dommage aux assiégés ».

Fiches anthropométriques d’Octave Garnier. © Service historique de la Défense

Monsieur André Kling, chef du laboratoire municipal, apporte de la mélinite, un explosif puissant, dont l’emploi témoigne de la volonté d’en finir par tous les moyens. L’assaut de la villa relève presque de l’expérimentation. Trois tentatives de destruction sont entreprises, dont une au moyen d’un engin incendiaire associant mélinite et bidon d’essence. Mais… « l’effet est nul », comme le commente le chef de la police municipale.

À deux heures du matin, la maison est enfin sérieusement ébranlée. Alors que plusieurs milliers de badauds sont massés le long de la Marne, la décision de l’assaut revient au préfet de police. L’investissement des lieux appartient au chef du service de la Sûreté, Xavier Guichard, qui entraîne derrière lui quelques inspecteurs, des zouaves, des gendarmes, des gardiens de la paix et des sergents de ville.

Dans ses mémoires, le préfet de police Lépine attribue à la gendarmerie une part essentielle dans la mise hors d’état de nuire des deux reclus puisque « le gendarme, voyant les assiégés occupés avec moi, bondit jusqu’à la porte, fit irruption dans la chambre et descendit les deux bandits de deux coups de son revolver d’ordonnance. C’est une arme qui ne pardonne pas. Brave gendarme ! »

Source: GENDCOM