Il y a 40 ans, deux décrets autorisaient la présence des femmes dans les corps des sous-officiers et des officiers de gendarmerie. Cette ouverture, progressive et très encadrée, a été marquée par la levée successive des restrictions d’emploi, avec notamment la suppression des quotas en 1998 et l’accès à tous les postes dès 2016, avec l’ouverture de la gendarmerie mobile aux sous-officiers féminins. Retour sur les grands jalons de cette évolution.
C’était en 1983, il y a 40 ans. Deux décrets, publiés le 10 février, autorisent la présence de femmes dans les corps des sous-officiers (décret n°83-96) et des officiers de gendarmerie (décret n°83-94). Impulsée par la Commission Prospective sur la femme militaire mise en place par Charles Hernu, ministre de la Défense, en 1982, l’ouverture des corps d’officier et de sous-officier aux femmes fait partie des 30 mesures proposées par le rapport rédigé par le médecin inspecteur général Valérie André et remis au ministre le 1er juillet 1982.
Jusqu’à cette époque, la place des femmes en gendarmerie, et dans les armées en général, était reléguée à des fonctions de soutien administratif. Ainsi, dès 1972, des femmes pouvaient servir en tant que gendarme auxiliaire féminin grâce à la loi du 9 juillet 1970, qui instaure l’ouverture aux femmes du service national volontaire (25 postes ouverts, exclusivement dans des emplois administratifs). Dès 1975, certaines d’entre elles pourront poursuivre leur carrière en gendarmerie en contractant un engagement en tant « qu’engagé féminin du rang », toujours dans des emplois administratifs. Ces femmes pourront par la suite continuer leur carrière dans l’institution en intégrant la spécialité « Emplois administratifs et d’état-major de la gendarmerie » dès 1979.
1983 : début de la mixité… avec restrictions
Cette mixité déclinée à partir de 1983 était donc un signal important, même si elle était toutefois dans les faits fortement restrictive. Ainsi, en 1983, les volumes annuels de recrutement étaient limités à 5 % et l’ouverture concernait les unités de la gendarmerie départementale de plus de quinze personnels et les unités spécialisées de plus de huit personnels pour les sous-officiers de gendarmerie.
Quant aux officiers de gendarmerie féminins, ils n’ont pas accès, à l’époque, aux emplois de la gendarmerie mobile, de la garde républicaine (à l’exception de l’escadron motocycliste), ni à la gendarmerie outre-mer et aux unités navigantes de la gendarmerie maritime. Ces emplois autorisés ou interdits aux gendarmes féminins étaient listés dans deux arrêtés publiés le 9 juin 1983. Il y avait donc une double limitation : à la fois en volume mais aussi sur la nature des postes proposés.
Au fil du temps, et toujours de façon très progressive, ces limitations à la fois quantitatives et qualitatives ont été levées, dessinant les contours actuels de la place des femmes dans l’Institution.
1998 – 2016 : de la suppression des quotas à l’ouverture de tous les postes aux femmes
Ainsi, les quotas furent relevés d’environ un demi-point par an à partir de 1984, pour atteindre 7,5 % en 1994. Ils furent supprimés le 16 février 1998, avec l’annonce de la professionnalisation des armées, qui accélère la mixité au sein des forces armées. Quant à l’arrêté qui définissait la liste des postes ouverts aux sous-officiers féminins, ses modifications, en 1984, puis 1986, leur permettent d’accéder à davantage de postes. Mais à compter du 29 avril 1998, un nouvel arrêté fixe les emplois qui ne peuvent être tenus que par des sous-officiers, officiers et officiers mariniers masculins. C’est ainsi qu’une poignée d’emplois demeure encore fermée aux sous-officiers féminins : les unités navigantes de la gendarmerie maritime, les branches et unités de la gendarmerie mobile (à l’exception des orchestres de la garde républicaine et du groupe de sécurité de la présidence de la république).
Pour les femmes officiers, un arrêté du 28 février 1998 mentionne que les emplois du GSIGN leur sont fermés. Les justifications apportées relèvent de la nature des emplois, « impliquant la possibilité d’un contact direct et prolongé avec les forces hostiles ou bien s’exerçant dans des conditions particulières, notamment la promiscuité ».
Ces emplois vont progressivement être accessibles aux femmes entre 1999 (ouverture aux femmes des emplois au sein de la garde républicaine et du GSIGN) et 2016 (ouverture de la gendarmerie mobile aux sous-officiers féminins). Depuis 2016, les femmes gendarmes ont donc accès aux mêmes postes que leurs homologues masculins.
Aujourd’hui, les gendarmes féminins représentent 21,5 % des effectifs militaires
Aujourd’hui, la place des femmes dans l’Institution reflète cette ouverture progressive et très encadrée. Au 31 décembre 2022, les gendarmes féminins représentent 21,5 % des effectifs militaires, pour un total de 21 715 femmes. Si une grande partie de ces effectifs est représentée par des sous-officiers de gendarmerie (13 722 femmes), il faut signaler que la part de femmes reste très inégale selon les statuts. Ainsi, les corps des sous-officiers et des officiers de gendarmerie sont les moins féminisés (respectivement 18 % et 11 % au 31-12-2022), alors que les sous-officiers et les officiers du corps technique et administratif sont fortement féminisés (64 % pour les CSTAGN et 54 % pour les OCTA au 31-12-2022). Le corps des volontaires, quant à lui, est féminisé de façon stable au fil des années, à hauteur de 31 %.
Désormais présentes, quoique de façon très inégale, dans la plupart des emplois, technicités et spécialités de l’arme, les gendarmes féminins ne font donc plus figure d’exception.
Marie Charpentier : première femme de l’histoire de la gendarmerie… en 1794 !
Néanmoins, il est un personnage d’exception que l’on a souvent tendance à oublier. En effet, la première femme de l’histoire de la gendarmerie fut la citoyenne Marie Charpentier (née le 3 septembre 1751), devenue gendarme le 27 juin 1794, au dépôt de la 35e division de gendarmerie à Paris. En effet, elle possédait la médaille des « Vainqueurs de la Bastille », qui autorisait l’admission dans cette division de gendarmerie, créée en août 1792, et qui intégrait en particulier les titulaires de cette décoration.
Marie Charpentier fut en effet la seule femme à bénéficier de cette médaille de reconnaissance de la patrie accordée aux vainqueurs de la Bastille le 19 décembre 1790. Elle s’est en effet distinguée par « un grand courage », ayant même été estropiée à cette occasion, bénéficiant ainsi d’une pension pour cette action.
Première femme gendarme de l’histoire de France, elle sera néanmoins contrainte de quitter rapidement le service en 1796, car « vu son sexe, n’est point propre au service de guerre comme soldat et comme gendarme ». Grâce à Marie Charpentier, il est possible de mesurer aujourd’hui tout le chemin parcouru…
Source: gendinfo.fr