Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2030, durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, emploi des seniors, petites pensions, fin des régimes spéciaux … Que prévoit le projet de loi portant réforme des retraites dont l’entrée en vigueur est envisagée au 1er septembre 2023 ?

Le vendredi 14 avril 2023 en fin de journée, le Conseil constitutionnel se prononcera sur le projet de loi de réforme des retraites. Il a été saisi, les 21 et 22 mars, par la Première ministre, par plus de 60 députés du Rassemblement national et par plus de 60 députés des groupes de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) ainsi que le 23 mars par plus de 60 sénateurs de gauche.

Le texte présenté est un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). Un bilan de la réforme doit avoir lieu en 2027. Le comité de suivi des retraites devra remettre au Parlement un rapport d’évaluation des impacts de la loi.

La réforme globale des retraites

Le projet de loi allonge de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. À partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé, à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961. L’âge d’ouverture à la retraite sera porté à 63 ans et 3 mois en 2027 (génération 65) pour atteindre 64 ans en 2030 (générations 68 et suivantes).

Parallèlement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027, dès la génération née en 1965. L’application de loi dite « Touraine » de 2014 est accélérée. Elle prévoyait un allongement de la durée de cotisation de 42 ans aujourd’hui à 43 ans d’ici 2035, à partir de la génération 1973.

Pour les personnes qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein (sans décote) reste fixé à 67 ans.

Le dispositif de carrières longues est adapté. Ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront partir à 58 ans ; entre 16 et 18 ans à partir de 60 ans et entre 18 et 20 ans à partir de 62 ans. Par amendement, une 4e borne d’âge a été ajoutée pour que ceux qui ont débuté entre 20 et 21 ans puissent partir à 63 ans. Par amendement, un plancher de 43 annuités de cotisations a été introduit. En raison des critères cumulatifs à remplir, certaines carrières longues devraient toutefois cotiser plus de 43 ans. Des décrets doivent intervenir.

Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourront partir en retraite pour incapacité à 60 ans (contre 62 ans dans le projet initial). Les travailleurs handicapés pourront partir à compter de 55 ans.

Sur amendement, les parlementaires ont allongé le délai de rachat des trimestres d’études supérieures et de stage en entreprise (à des âges qui ne pourront être respectivement inférieurs à 30 et 25 ans) et voté la prise en compte du rachat des trimestres d’apprentissage dans le dispositif carrières longues. Ils ont, de même, intégré les mandats des élus locaux dans les situations donnant droit au rachat de trimestres. Toujours au titre de l’engagement, ils ont permis une bonification de trimestres pour les assurés ayant servi pendant au moins dix ans comme sapeur-pompier volontaire.

Une assurance vieillesse pour les aidants est créée, afin de mieux prendre en compte la situation des aidants pour la retraite.

Les mesures pour les mères de famille

Plusieurs amendements parlementaires sont venus compléter le projet initial du gouvernement afin d’atténuer les effets de la réforme pour les mères de famille. Ces dernières pourront bénéficier d’une surcote anticipée jusqu’à 5% dès lors qu’elles ont une carrière complète à 63 ans et au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance pour enfant (dans le système actuel, les mères de famille peuvent partir à 62 ans et bénéficier au-delà d’une surcote de 10%).

De plus, il sera garanti aux femmes un minimum de 2 trimestres de majoration liée à l’éducation ou l’adoption d’un enfant. Aujourd’hui, pour les enfants nés après 2010, 8 trimestres supplémentaires sont accordés aux parents. 4 trimestres en contrepartie de la maternité ou de l’adoption et 4 trimestres en contrepartie de l’éducation de l’enfant. Les parents peuvent choisir de se répartir les trimestres accordés au titre de l’adoption ou de l’éducation. Un père peut, par exemple, bénéficier de la totalité des 4 trimestres de majoration liés à l’éducation d’un enfant.

La majoration de pension de 10% pour trois enfants ou plus est étendue aux professions libérales et aux avocats.

Plus globalement, les parlementaires ont voté un objectif de réduction de moitié des écarts de pension entre les femmes et les hommes à l’horizon 2027 et un objectif de suppression de ces écarts à l’horizon 2050.

Pénibilité et emploi des seniors

Le projet de loi fait évoluer le compte professionnel de prévention (C2P) : accumulation des droits déplafonnée, meilleure prise en compte des poly-expositions ou certains facteurs de risques comme le travail de nuit, création d’un congé de reconversion professionnelle… Pour prévenir l’exposition aux risques ergonomiques (ports de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques), un « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle » est créé afin notamment de financer des actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle.

Concernant les travailleurs âgés, dont le taux d’emploi en France est inférieur à la moyenne européenne, quatre mesures sont envisagées :

  • la mise en place d’un « index seniors » dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Ces entreprises devront publier tous les ans des indicateurs genrés sur l’emploi des salariés âgés et sur les actions mises en oeuvre pour favoriser leur emploi. À défaut, elles s’exposeront à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale. Cette obligation s’appliquera au 1er novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et au 1er juillet 2024 pour les autres. Un décret est prévu ;
  • l’obligation de négocier sur l’emploi des seniors dès lors que ces indicateurs se sont détériorés sur trois ans et, à défaut d’accord, la mise en place d’un plan d’action ;
  • l’expérimentation d’un CDI senior pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans. Une négociation entre partenaires sociaux doit être engagée au niveau national sur l’emploi de ces seniors. À défaut d’accord, ce CDI de fin de carrière sera instauré à titre expérimental du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2026. Il sera exonéré de cotisations familiales pour l’employeur pendant un an. Ce dispositif, modifié en commission mixte paritaire, avait été introduit par le Sénat ;
  • la hausse à 30% (contre 20% aujourd’hui) de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle.

Les petites pensions

Le projet de loi permet de revaloriser la retraite minimale à près de 1 200 euros bruts par mois (soit l’équivalent d’au moins 85% du SMIC net) pour une carrière complète cotisée à temps plein au SMIC, en indexant le minimum contributif (MICO) majoré sur le SMIC. Pour ces assurés, la pension brute, une fois relevée au MICO majoré et complétée par leur retraite complémentaire, atteindra 85% du SMIC net. En revanche, les carrières à temps partiel ou hachées sont exclues.

D’après le ministre du travail, cette revalorisation devrait profiter à partir du 1er septembre 2023 à quelque 10 000 à 20 000 nouveaux retraités chaque année.

Concernant le bénéfice de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), le Sénat a porté de 6 à 9 mois par an la condition de résidence en France.

Par ailleurs, les parlementaires ont permis la revalorisation des pensions de retraite et de l’ASPA à Mayotte.

Les futures règles pour les fonctionnaires

Le report de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, l’âge de la retraite sans décote à 67 ans concerneront aussi les agents publics, fonctionnaires et contractuels. Le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé (sur l’indice de traitement des six derniers mois, soit le traitement hors les primes).

Pour les 20% d’agents en catégories dites « actives » et « super-actives » (infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires…), l’âge d’ouverture de leurs droits à retraite est reculé de 57 à 59 ans pour les catégories actives et de 52 à 54 ans pour les catégories super-actives. D’autres mesures sont prévues : portabilité des services actifs, suppression de la clause d’achèvement de la carrière en catégorie active….

La possibilité de demander à travailler jusqu’à 70 ans dans la fonction publique est systématisée (recul de la limite d’âge sans condition). Aujourd’hui, seuls les agents ayant encore des enfants ou dont la carrière est incomplète peuvent demander à poursuivre leur activité jusqu’à 70 ans.

La retraite progressive est étendue aux agents publics, sur les mêmes principes que le dispositif existant pour les salariés et les indépendants. De même, les conditions de cumul emploi-retraite sont assouplies à l’identique du secteur privé.

Pour prévenir l’usure professionnelle dans les secteurs hospitalier et médico-social, un fonds de prévention est créé auprès de l’Assurance maladie.

La fin des régimes spéciaux

Le projet de loi acte la suppression des principaux régimes spéciaux de retraite pour les futurs embauchés, à partir du 1er septembre 2023. Sont concernés les régimes des industries électriques et gazières (IEG), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des clercs et employés de notaire, de la Banque de France et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Les nouveaux embauchés seront affiliés au régime général au titre de la retraite. Les salariés actuels resteront affiliés à leur régime spécial selon la clause dite « du grand-père ».

Les autres régimes particuliers de retraite (comme les marins, l’Opéra de Paris, la Comédie Française), les régimes autonomes des professions libérales et les régimes agricoles ne sont pas réformés.

Les prévisions des comptes sociaux

Le scénario macroéconomique sur lequel s’appuie ce PLFRSS n’est pas modifié par rapport au scénario retenu dans la loi de finances pour 2023, marqué par une forte inflation (4,3%) et un ralentissement de la croissance (1%).

En 2023, le déficit de la sécurité sociale est estimé à 8,2 milliards d’euros, contre 7,5 milliards dans le projet de loi initial (soit +1,1 milliard par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023).

Le déficit de la branche vieillesse, y compris le fonds de solidarité vieillesse, s’établirait à 2,5 milliards d’euros. Pour l’ensemble des régimes de base, les objectifs de dépenses de cette branche sont fixés à 273,7 milliards d’euros.

À l’horizon 2026, la branche vieillesse serait déficitaire de 11,3 milliards d’euros. En 2030, elle tendrait vers l’équilibre. Des dépenses nouvelles ont été votées lors de l’examen du texte au Parlement mais également des recettes nouvelles (hausse de la fiscalité sur les indemnités de rupture conventionnelle, lutte contre la fraude aux prestations…). De plus une partie de ces dépenses pèseront sur les branches famille et accidents du travail – maladies professionnelles (contrat senior…).

Quant à la branche maladie, son déficit devrait atteindre 7,9 milliards d’euros en 2023 (contre 7,2 milliards initialement prévus), du fait d’un relèvement de 750 millions d’euros de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (Ondam). Cette rallonge, introduite par le gouvernement à l’Assemblée nationale (amendement n°20537), est destinée aux hôpitaux (pour 600 millions) et à la médecine de ville (pour 150 millions).

À noter

La réforme des retraites, portée par le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), a fait l’objet d’une procédure législative accélérée, définie à l’article 47-1 de la Constitution relatif à l’adoption des projets de budget de financement de la sécurité sociale. Le Parlement disposait d’un délai de 50 jours pour voter le texte.

 

Dans un communiqué du 29 mars 2023le Conseil constitutionnel a annoncé qu’il rendrait sa décision sur ce texte le vendredi 14 avril en fin de journée, ainsi que sur l’initiative référendaire (RIP).

Source: vie-publique.fr