Danse et gymnastique pour les petites filles, football et judo pour les jeunes garçons : cette vision sexuée du sport n’est pas limitée à la petite enfance. Quelles sont les raisons de la persistance de ces différences et comment agir en faveur d’une égalité réelle entre femmes et hommes dans le sport ?
Le sport est un monde considéré comme doté de vertus et de valeurs, il est décrit comme rassembleur, socialisant, universel, égalitaire (métaphore de la ligne de départ sur laquelle on serait tous égaux). Il y a lieu de prêter attention aux termes utilisés et ne pas confondre parité et égalité car elles recouvrent des réalités fort diverses. La parité ne concerne pas seulement les sexes : c’est la similitude de la représentation de deux parties (ou davantage) dans un groupe, une assemblée, ou un corps social. S’il est dit aujourd’hui des Jeux olympiques de 2024 qu’ils sont paritaires, c’est que les athlètes féminines et masculins y seront représentés pour moitié-moitié, comme femmes et hommes le sont dans l’ensemble de la population.
L’égalité, terme central de l’analyse proposée ici, c’est le fait d’être traité sur le même plan ; le droit dit les conditions de l’égalité mais aussi la manière dont on doit être considéré. Différence et égalité ne s’opposent pas comme le pensait cet entraîneur : « les filles ne peuvent pas faire du rugby puisqu’on n’est pas pareils ! ». Les bons résultats d’équipes nationales féminines, et une meilleure visibilité de sportives de haut niveau depuis quelques années amènent à penser que les femmes/filles sont totalement intégrées dans le champ sportif. L’égalité femmes/hommes paraît actuellement réalisée. Théoriquement, elles peuvent aujourd’hui tout faire ; mais qu’en est-il dans les faits ? Le monde du sport est un « laboratoire privilégié » pour analyser les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes.
Le constat des inégalités entre femmes et hommes dans le monde du sport
Pratiquer des activités physiques et sportives
Depuis plus de 50 ans, de plus en plus de femmes sont venues à la pratique d’une activité physique ou sportive (APS). Mais pas toutes les femmes. Alors que le sport demeure une culture commune aux hommes, les inégalités entre femmes et hommes peu dotés en capital culturel et économique demeurent réelles. La distance entre les femmes cadres, professions libérales et les femmes ouvrières et agricultrices, est toujours considérable au début du XXIe siècle. Les trois quarts des femmes ne pratiquant aucune activité physique sont employées ou ouvrières.
Et pas dans tous les sports : en théorie les femmes peuvent accéder à toutes les disciplines en France à ce jour. Mais de fait, elles optent surtout pour des activités d’entretien, de mise forme et de loisir sportif, beaucoup moins pour des pratiques compétitives et encadrées en club. Cette tendance observée de longue date perdure : les femmes sont sous-représentées quand la pratique est institutionnalisée et codifiée, a fortiori compétitive. On compte 38% de femmes parmi les licenciés de l’ensemble des fédérations sportives. Parmi les femmes de 16-24 ans inscrites en club, 35% font de la compétition – pour 69% des hommes pratiquant du sport en club (Insee Première, 23 novembre 2017).
D’autres différences concernent les disciplines sportives choisies. Les sports demeurent très sexués, dans les faits comme dans les représentations : il y a des sports dits « féminins », et d’autres dits « masculins ». Actuellement, parmi les quelque 85 fédérations olympiques et non olympiques, une quarantaine comporte moins de 20% de femmes. Quelques sports olympiques comptent 80% de femmes ou plus : les sports de glace, l’équitation et la gymnastique, quand le tir, le rugby ou encore le football figurent parmi les disciplines en comptant le moins. Les hommes demeurent surreprésentés dans les sports historiquement masculins et ouverts aux femmes après les années 1970. En France, les femmes n’ont pu officiellement pratiquer en compétition le saut à la perche, le lancer du marteau, le 3000 steeple qu’en 1987 au sein de la Fédération d’athlétisme.
Lors des Mondiaux de football de 2019, beaucoup ont annoncé un « engouement » des femmes et des filles. En 2022, les féminines, qui sont près de 164 000 joueuses, représentent 9% des licenciés de la Fédération française de football (FFF) (Statista, « Sports et loisirs », 2023). La dernière discipline à s’ouvrir aux femmes fut le saut à ski, en 2013, à Sotchi.
Des différences dès la petite enfance
Dès l’enfance puis à l’âge du collège et ensuite, les garçons pratiquent toujours plus fréquemment du sport que les filles, et davantage qu’elles en club et en compétition. Concernant les activités choisies, les différences observées perdurent au fil du temps : la danse et la gymnastique dominent dans l’enfance des petites filles, le football et le judo dans celle des garçons. Les sports privilégiés par ces derniers impliquent le combat, le jeu collectif de grand terrain, dehors, la balle au pied, quand ceux privilégiés par les filles sont des activités individuelles d’intérieur, impliquant l’apprentissage du contrôle, le maintien, l’esthétisation du corps et des tenues…
Fait connu par beaucoup de fédérations, nombre de filles arrêteront le sport à l’adolescence contrairement aux garçons. Période qui est celle de l’achèvement de la « sexuation » des corps durant laquelle se jouent des enjeux majeurs : séduction, sexualité. La question de la féminité se pose pour les filles alors que le sport est une composante valorisante dans la construction/affirmation de la virilité à l’adolescence des garçons. La fréquentation des espaces urbains est un indice révélateur de ces différences au sein de la jeunesse : le sport de pied immeuble et de rue, les espaces de jeux/sport récemment construits dans les villes sont quasi exclusivement investis par des garçons comme les skate-parks, city stades et autres espaces de streetball et play grounds (terrains de basket souvent utilisés comme espaces de football). Il s’agit donc moins d’une question d’existence d’infrastructures ou d’équipements que de confiance en soi : les actions menées devraient avoir comme objectif d’amener les filles à « oser » la pratique de tel ou tel sport dominé par les garçons.
Encadrer, diriger, être médiatisé : l’autre terrain des inégalités
Les inégalités femmes/hommes dans le sport persistent aussi au-delà des pratiques. Elles concernent les postes de dirigeantes : on compte aujourd’hui 19 présidentes pour 115 fédérations (dont 2 pour des sports olympiques) et il y a 37% de femmes parmi les élus aux comités directeurs. L’application de la loi de 2014 « Pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes » a produit des effets malgré de nombreuses infractions. On observe ainsi et dans nombre de fédérations, des dérogations durables concernant les élues en nombre inférieur aux quotas indiqués, ou des effectifs dans les gouvernances n’atteignant pas les proportions obligatoires sans aucune sanction (Le Monde du 17 février 2020, « Représentation des femmes dans le sport : ces fédérations olympiques qui ne respectent pas la loi »).
L’accès aux postes d’encadrement/métiers du sport est aussi très déficitaire en femmes. Seulement 11 femmes sur 70 directeurs techniques nationaux (DTN) exercent au plus haut niveau de l’encadrement technique et on compte 5% de femmes arbitres pour le football, le rugby et le hockey sur glace (26% en moyenne) (Site « EGAL sport, le collectif qui s’engage pour l’égalité des femmes et des hommes dans le sport »). Notons que pour le Mondial masculin de football 2022, figuraient 3 femmes sur les 105 arbitres retenus. Et en sciences du sport (STAPS) la proportion moyenne de filles dans cette filière universitaire est en dessous de 30%, pourcentage en diminution alors que la filière connaît un succès croissant en nombre de candidats…
Le traitement médiatique des sportives est un puissant révélateur des normes de la féminité sportive. Sur les milliers d’heures consacrées au sport annuellement toutes chaînes confondues, on voit seulement des hommes durant 74% du temps ; 4,8% de ce temps médiatique consacré au sport concerne des féminines, et 21% des compétitions « mixtes » (données pour 2021) (ARCOM, Analyse du poids des retransmissions de compétitions sportives féminines à la télévision entre 2018 et 2021, 26 janvier 2023).
Il aura fallu attendre 20 ans depuis le premier Mondial de football féminin (et plus de 40 ans depuis l’entrée des femmes à la FFF) pour que la discrimination de la médiatisation télévisée de ce sport joué par les femmes soit rendue visible en France lors du Mondial 2011 (Campagne lancée par « Femmes solidaires » : « A la télé, pas de filles hors-jeu »). La médiatisation des sportives demeure minimale. D’autant que l’on observe seulement 20% de femmes parmi les journalistes quand les médias audio et TV traitent de sport, et qu’elles n’ont la parole que durant 12% du temps … ce qui classe le domaine au plus bas de tous les secteurs d’information (ARCOM, La représentation des femmes à la télévision et à la radio – Rapport sur l’exercice 2022, 6 mars 2023).
En outre, des conditions demeurent nécessaires à la médiatisation des sportives. Tout se passe comme si l’obligation d’attester de leur « féminité » leur était imposée. Les footballeuses tout comme d’autres athlètes s’adonnent à ces protocoles : quasiment toutes portent les cheveux longs, beaucoup sont maquillées, mettent du vernis à ongles, portent des bagues, bracelets, colliers… La subordination des femmes/sportives à « des canons classiques de féminité » a été exacerbée par la spectacularisation du sport et ses enjeux financiers. Les tenues qu’on leur demande de porter dans les compétitions de haut niveau, moulantes, dénudant le corps, les photographies de nombre d’entre elles, publicitaires ou « sportives », attestent d’une sexualisation exacerbée de leur présentation.
Les sportives étant peu présentes et peu diversifiées dans les médias, (les lanceuses de marteau, les haltérophiles et les sportives des sports de combat sont très peu montrées), les femmes et les filles ne voient pas grand nombre de modèles de possibles pour elles. Tout se passe comme si ce qui n’est pas vu, pas montré et pas dit n’existait donc pas. Ce faisant, les faits sont têtus concernant les inégalités femmes hommes au sein du monde du sport.
Comment expliquer l’inégale présence des femmes et des hommes dans les sports ?
Les raisons avancées de la non pratique
Les raisons régulièrement invoquées par les politiques et les femmes dans les enquêtes sont invariables depuis des décennies. La situation, le nombre et l’accès des équipements sont de ces motifs. Mais la piscine en face de chez soi n’implique pas sa fréquentation. Les personnes intéressées par une activité ou un sport se déplacent pour la pratiquer. En outre, mentionner la nécessité d’équipements suppose que les femmes pratiqueraient des activités impliquant des équipements sportifs tels gymnases, stades, piscines ou autres terrains ; or ce n’est pas le cas.
L’autre « raison » fréquemment avancée est le manque de temps. Or, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la quantité de temps disponible n’est pas une cause qu’on peut retenir : elle est plus importante pour les ouvriers et les employés que pour les actifs indépendants, les cadres, les professions libérales qui travaillent bien au-delà de 40h semaine ; ceux-ci ont un temps travaillé très élevé et ce sont eux qui par ailleurs, le capital culturel aidant, s’adonnent le plus fréquemment à des activités et sorties culturelles en plus des pratiques sportives (Insee). En outre, les femmes « au foyer » – qui ont statistiquement davantage de temps non contraint que les femmes actives – ont des taux de pratique d’une activité physique et sportive (APS) bien inférieurs à toutes les femmes actives. Ce qui importe est donc moins la quantité de temps disponible que le fait de prendre du temps pour soi… ce à quoi la majorité des femmes ne sont guère habituées, les représentations dominantes de la division du travail les amenant à s’occuper d’abord de la famille, mari, enfants, et des tâches domestiques et parentales.
Les conditions sociales concernées
La très inégale et durable distribution des deux sexes dans les pratiques sportives doit être rapportée d’abord à l’histoire du sport moderne depuis le milieu du XIXe siècle. Le sport a été organisé par les hommes pour les hommes et l’acceptation des femmes dans toutes les disciplines sportives s’est étalée sur 150 ans, ayant partie liée avec les relations femmes hommes dans le monde social, les formes de travail, le rapport aux espaces, les sociabilités.
Sociologiquement, les voies explicatives pour comprendre ces inégalités sont liées aux représentations et aux normes du « masculin » et du « féminin », car le sport est partie prenante des cultures et des rapports sociaux existants entre les sexes.
Toutes les formes de travail, professionnel, domestique, impliquent des compétences, des modes d’engagements du corps, des rapports aux espaces, aux autres, aux objets. On observe des correspondances entre les sports « masculinisés » et les métiers « masculinisés ». Les femmes peuvent s’approprier des compétences, des savoirs mais elles transgressent encore, dans notre culture, quand elles viennent sur les terrains « privilégiés » de la masculinité/virilité : le combat, la force, le risque. 6% de femmes à la Fédération française de rugby, 12,5 % de femmes chez les professionnels du bâtiment et de la construction, mais 1,6% sur les chantiers. Plus la mise en jeu du corps se joue sur le terrain de la force et de l’affrontement, du « physique », plus affirmées sont, à ce jour encore, les résistances à la venue des femmes. Aujourd’hui, il va de soi que le rugby, l’haltérophilie ou les boxes peuvent être pratiqués par les femmes. Mais ces sports, tout comme ceux à risque ou les activités motorisées, demeurent des mondes où les femmes peuvent être malvenues ; elles y demeurent sous représentées. C’est que la sexuation des sports est imbriquée avec les rôles sexués et les représentations dominantes de la féminité. Le sport doit être compatible avec la féminité, la question est répétée depuis 150 ans de sport moderne.
Autant de constats qui viennent en contrepoint de l’impression très partagée d’une égalité des sexes advenue dans le sport, du fait d’une présence médiatique de sportives et de discours appuyés par la presse, comme au lendemain du dernier Mondial féminin 2019 en France retransmis en prime time. Or, depuis plus de 50 ans que les Françaises pratiquent le football dans le cadre de la Fédération française de football, elles sont certes de plus en plus nombreuses mais elles représentent toujours moins de 10% des licenciés de ce sport en 2023.
L’effet durable des normes sexuées
La féminité est une construction sociale incluant prescriptions et interdits, dont les normes ont évolué avec le temps. À la fin du XIXe siècle, c’est le tout du sport qui n’était « pas féminin ». Aujourd’hui, certains sports que nous qualifions « de tradition masculine » sont encore considérés comme « ne convenant pas aux femmes » tels l’haltérophilie, le rugby…
Sportive et féminine, la compatibilité des deux propriétés a traversé le XXe siècle et elle perdure en ce début de XXIe siècle. Les médecins, « entrepreneurs de morale », ont amplement contribué à forger ces exigences. À ce jour, le test de féminité mis en place dans les années 60, alors que des sportives étaient considérées comme trop musclées, fortes, performantes jusqu’à douter de leur appartenance de sexe, est toujours d’actualité avec le contrôle obligatoire des taux d’androgènes (Louveau C., « Le test de féminité : genre, discrimination et violence symbolique », dans : Laufer, Pigeyre, Heran, Simon (dir.), Genre et discriminations, 2017, iXe). La question des tenues se répète aussi (obligation de mettre telle tenue, des jupettes etc.). La médiatisation des sportives est très inégale selon leurs apparences : peu de lanceuses de marteau ou d’haltérophiles à l’écran, le sport veut afficher des sportives « féminines », des « vraies femmes ».
Être sportive de haut niveau a un coût : accepter la sexualisation pour espérer être considérée pour ses résultats et être médiatisée. Sportive et belle, cette exigence s’impose, elle est incorporée par les sportives elles-mêmes. La mise en cause de ces injonctions est rare : en 2009, quatre joueuses de l’équipe de France de football posent nues (bras croisés sur leur poitrine) pour une « audacieuse » campagne de publicité : « Faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ? ». En juin 2013, c’est Marion Bartoli, la joueuse de tennis, qui riposte, alors qu’un journaliste de la BBC a tenu des propos critiques à son encontre déclarant qu’elle n’était pas « un canon » : « Oui je ne suis pas blonde. C’est un fait. Est-ce que j’ai rêvé de devenir mannequin ? Non, désolée. Mais est-ce que j’ai rêvé de gagner Wimbledon ? Oui, absolument ». La championne de tennis rappelle ici qu’elle-même, comme toutes les compétitrices, vient sur les terrains de tennis non pour faire joli, mais pour être performante, pour gagner ; comme les compétiteurs.
Le poids des socialisations
Dans le monde du sport, les résistances à l’égalité sont d’autant plus fortes qu’on est dans la naturalisation des compétences et des qualités des athlètes. Or, les inégalités femmes/ hommes dans le sport ne relèvent pas de la « nature » ni du biologique ou de l’anatomique pas plus que du cerveau !
La voie explicative majeure concerne l’intériorisation du sexe social durant l’enfance et l’adolescence car elle pose les bases d’autres choix à venir. La socialisation primaire est très sexuée, en particulier au sein de la famille. Cela est observé dans le rapport à l’espace par exemple : les garçons sont poussés à l’explorer, encouragés à courir, grimper, jouer le ballon aux pieds quand les filles vont être plutôt retenues près des mères ou des pères pour ne pas se faire mal ou se salir… Les jouets proposés aux unes et aux autres (voir les catalogues de Noël) montrent les caractéristiques de cette socialisation différenciée : pour elles l’espace intérieur avec les poupées, les appareils ménagers et les têtes de beauté, à eux le dehors avec les voitures, les camions, les engins de chantiers, les fusées.
Les rapports à l’espace et au corps sont loin d’être similaires, la motricité induite étant quasi absente avec les jouets des filles, qui en même temps leur promettent un futur de mère, de femme au foyer et de femme séduisante. Motricité au contraire omniprésente dans les activités proposées aux garçons, promis pour leur part à explorer et à construire le monde et protéger les autres. L’intériorisation des normes sexuées produit ses effets : jouets/ jeux de l’enfance, puis orientations scolaires, choix des métiers, choix des sports sont des domaines imbriqués : ces socialisations sexuées, très différenciées, engagent tous les rapports aux objets, au monde, aux espaces, aux autres et bien sûr à soi et à son corps. Dans toutes les activités sportives, le corps est central, corps qui dès la naissance est porteur d’une appartenance de sexe lourde de conséquences…
Quels leviers et conditions d’une évolution ?
C’est le plus souvent au nom des différences femmes/hommes que les inégalités se sont mises en place et qu’elles durent. Des normes de comportements, pratiques etc. demeurent des références persistantes : les garçons et les hommes sont poussés à construire leur virilité dans et par le sport, tandis que les femmes doivent « naturellement » opter pour des activités de mise en forme et d’esthétisation de leurs corps… À eux la gagne, la force et la performance, à elles la grâce, un corps mince et sculpté, pas trop musclé ; autant d’exigences culturelles impliquant que des sports sont considérés comme ne convenant pas aux uns et aux autres… tels les hommes voulant pratiquer au plus haut niveau la natation synchronisée, telles les femmes du rugby, encore souvent considéré comme un sport « pas fait pour elles ».
Beaucoup d’idées reçues sont des obstacles à l’action car elles masquent des inégalités. Ainsi cette croyance répétée à l’envi : « le sport est émancipateur ». Le sport n’est pas doté de ce pouvoir par principe. Autre croyance devenue récemment « mot d’ordre » : le sport doit être mixte. Femmes et hommes ensemble, cette situation aujourd’hui ordinaire dans la majorité des sociétés, devient une sorte de slogan glorifiant le sport. La mixité est un faux nez de l’égalité : nombre de travaux sur les comportements en classe montrent que la mixité ne produit pas l’égalité (Nicole Mosconi, « Effets et limites de la mixité scolaire », Travail, Genre et Sociétés, 11, 2004/1, p.165 à 174 ; Annie Lechenet, Mireille Baurens et Isabelle Collet, Former à l’égalité : Défi pour une mixité véritable, L’Harmattan, 2016). A fortiori dans le sport dont l’organisation sépare, structurellement, les féminines et les masculins. Les niveaux impliqués quant aux inégalités observées sont des conditions sur lesquelles il est nécessaire et possible d’agir : les représentations sexuées renvoient prioritairement à l’éducation dès la petite enfance, au sein des familles, de l’école, dans les cours de récréation et tous les supports destinés aux plus jeunes, dont les jouets. Garçons et filles ne sont pas pareils, mais ils ont les capacités de faire les mêmes activités ! Les petites filles peuvent pratiquer le rugby, les garçons la danse.
Sur le plan structurel et organisationnel, on sait l’efficacité des politiques volontaristes : l’application de la loi « pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans le sport » concernant la gouvernance des fédérations doit être soutenue. Cette loi impose depuis 2014 des règles pour la composition des comités directeurs ; les élections de 2016 qui ont suivi ont mis en évidence une augmentation des proportions de femmes dans ces instances (de 25 à plus de 36% en moyenne). De même qu’en politique ou dans la composition des conseils d’administrations (CA) d’entreprises, l’obligation s’est avérée efficace.
Mais les faits sont là : en matière d’égalité femmes hommes et au regard des mondes politique et du travail, le sport demeure en retard. Afin d’améliorer la situation en vue d’une plus grande égalité entre les sexes, on peut imaginer des actions sur trois leviers :
- former les encadrants et dirigeants du monde sportif aux normes sexuées mentionnées ci-dessus (sexuation des sports, socialisation, médiatisation etc.) pesant sur l’égalité réelle entre les sexes, normes très ancrées dans toutes les activités sociales dont le sport ;
- penser l’action publique en tenant compte de la grande diversité des pratiques physiques et sportives ; les filles et les femmes pratiquent beaucoup moins leur activité physique ou sportive en club, préférant d’autres contextes et cadres de pratique pour leurs loisirs physiques/sportifs (pratique auto organisée ou seule, à domicile, avec des amies, Maisons pour tous etc.) ;
- cesser de penser les politiques publiques sur un plan général : la femme n’existe pas, pas plus que la jeunesse. Le pluriel s’impose pour des actions efficaces : les inégalités sociales concernant la pratique sportive existent dès l’enfance : les jeunes qui pratiquent le moins, ce sont les filles, et particulièrement celles des milieux populaires.
Source: vie-publique.fr