La loi du 11 février 2005 avait posé le principe de l’obligation de mise en accessibilité du cadre bâti et des transports à l’horizon 2015. L’accessibilité des sites internet publics était envisagée pour 2008. Qu’en est-il près de 20 ans plus tard ?

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées définit comme handicap : « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant« .

Elle pose les principes de non-discrimination et d’accessibilité : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyennetéL’État est garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d’actions. »

L’obligation d’accessibilité s’impose aux différentes composantes de la vie collective. La loi consacre à l’accessibilité trois chapitres qui concernent respectivement les grands domaines suivants :

  • la scolarité, l’enseignement supérieur et l’enseignement professionnel ;
  • l’emploi, travail adapté et travail protégé ;
  • le cadre bâti, les transports et les nouvelles technologies.

Bâti, transport, numérique : les principes posés par la loi du 11 février 2005 ?

Bâtiments

Selon les termes de l’article 41 de loi du 11 février 2005 : « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique […] Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage. »

Concernant le logement, l’objectif de la loi est de permettre aux personnes handicapées de pouvoir disposer d’un logement adapté et d’élargir le parc immobilier accessible, afin d’ouvrir le choix de leur lieu de vie.
Les bâtiments d’habitation collectifs neufs doivent être accessibles et permettre une adaptation ultérieure plus facile des logements aux personnes handicapées. Des exigences proches s’imposent également aux maisons individuelles neuves.
Les bâtiments d’habitation collectifs existants doivent être rendus accessibles en cas de réhabilitation importante.
Les mesures de mise en accessibilité des logements sont évaluées dans un délai de 3 ans à compter de la publication de la loi.

S’agissant des établissements recevant du public (ERP) publics et privés, toute personne handicapée doit pouvoir y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les espaces ouverts au public. L’accès et l’accueil doivent être possibles pour toutes les catégories de personnes handicapées, dans les établissements neufs recevant du public. La mise en accessibilité des établissements existants doit intervenir dans un délai de dix ans. Les préfectures et universités doivent être accessibles dans un délai de cinq ans.

La loi fixe des obligations de résultats et de délais à respecter, en limitant les possibilités de dérogation.

Des sanctions sont fixées en cas de non-respect de ces règles :

  • fermeture de l’établissement ne respectant pas le délai de mise en accessibilité ;
  • remboursement des subventions publiques ;
  • amende de 45 000 euros pour les architectes, entrepreneurs et toute personne responsable de l’exécution des travaux.

Transport

L’article 45 de loi du 11 février 2005 dispose : « La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.
Dans un délai de dix ans à compter de la date de publication de la présente loi, les services de transport collectif devront être accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite. »

Les autorités compétentes pour l’organisation du transport public, les exploitants des aérodromes, les gestionnaires de gares maritimes élaborent un schéma directeur d’accessibilité des services dont ils sont responsables, dans les trois ans à compter de la publication de la loi. Ce schéma fixe la programmation de la mise en accessibilité des services de transport sur une période de dix ans et définit les modalités de l’accessibilité des différents types de transport. En cas d’impossibilité technique avérée de mise en accessibilité de réseaux existants, des moyens de transport adaptés aux besoins des personnes handicapées ou à mobilité réduite doivent être mis à leur disposition.
Les réseaux de métro existants ne sont pas soumis au délai de dix ans (à condition de mettre en place, dans un délai de trois ans, des transports de substitution accessibles).

Internet

Selon l’article 47 de loi du 11 février 2005 : « Les services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapéesL’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation. »

Les sites existants doivent être mis en conformité dans les trois ans, des sanctions sont prévues en cas de non-respect de cette mise en accessibilité.

Une mise en oeuvre reportée à plusieurs reprises

La loi du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap atténue les obligations d’accessibilité imposées aux logements neufs pour les logements temporaires ou saisonniers.

Un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier, daté d’octobre 2011, constate que l’échéance du 1er janvier 2015 pour la mise en conformité des ERP aux normes d’accessibilité ne peut pas être tenue (cette impossibilité résultant avant tout de l’ampleur considérable des travaux à réaliser).

Lors du Comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre 2013, le gouvernement décide de lancer une concertation pour compléter et améliorer le volet accessibilité de la loi du 11 février 2005. À l’issue de cette concertation (présidée par Mme Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne), un rapport est remis au Premier ministre. Il prévoit la mise en place des « agendas d’accessibilité programmée » (Ad’Ap). L’Ad’Ap est un outil permettant de donner plus de temps aux gestionnaires d’ERP et de services de transports publics collectifs pour atteindre les objectifs fixés par la loi.

L’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et le décret du 6 novembre 2014 fixent les règles relatives aux Ad’Ap :

  • Dépôt : les projets d’Ad’Ap doivent être déposés dans les douze mois suivant la publication de l’ordonnance, soit au plus tard le 27 septembre 2015 ;
  • Contenu : engagement de procéder aux travaux de mise en accessibilité avec une programmation des travaux et des financements précis ;
  • Durée : le gestionnaire s’engage à réaliser les travaux dans un délai de 3 ans maximum (délai renouvelable une à deux fois en cas de graves difficultés avérées ou en cas de force majeure, par exemple).

L’ordonnance redéfinit les obligations relatives à l’accessibilité des transports publics de voyageurs : « L’accessibilité du service de transport est assurée par l’aménagement des points d’arrêt prioritaires compte tenu de leur fréquentation, des modalités de leur exploitation, de l’organisation des réseaux de transport et des nécessités de desserte suffisante du territoire. »
Elle prévoit également l’élaboration de schémas directeurs d’accessibilité-agenda d’accessibilité (SD’AP) par les autorités organisatrices de transport comportant une analyse des actions nécessaires à la mise en accessibilité, les modalités et la programmation de la réalisation de ces actions et le financement correspondant. Ce schéma peut s’étendre sur :

  • trois ans maximum pour les transports urbains ;
  • six ans maximum pour les transports interurbains et les transports en Île-de-France ;
  • neuf ans maximum pour les transports ferroviaires y compris les services de transport empruntant les lignes du réseau express régional (RER).

Pour suivre l’évolution de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP), le registre public de l’accessibilité est créé par décret en 2017. Ce registre a pour objectif d’informer le public sur le degré d’accessibilité de l’ERP.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) revoit à la baisse les règles d’accessibilité. Au lieu des 100% initialement exigés, 20% des logements neufs en habitat collectif doivent être accessibles. Les autres logements doivent être évolutifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent être rendus totalement accessibles par des travaux simples et à moindre coût.

En matière de numérique, l’article 106 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique étend l’obligation d’accessibilité :

  • aux organismes délégataires d’une mission de service public ;
  • et aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 250 millions d’euros.

L’article précise que : l’accès […] concerne notamment les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique.

L’article 80 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel étend à nouveau l’obligation d’accessibilité :

  • à toutes les personnes morales de droit public ;
  • aux personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public, ainsi que celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.

Lors de la conférence nationale pour le handicap du 11 février 2020, le gouvernement s’engage à mettre en conformité au plus tôt les 15 sites gouvernementaux les plus fréquentés, ainsi qu’au moins 80% des 250 démarches administratives en ligne les plus utilisées par les Français d’ici 2022.

Des objectifs non atteints

Accessibilité des ERP

D’après un bilan présentant des chiffres clés relatifs à l’accessibilité publié par le ministère de l’écologie en septembre 2022, 942 81 ERP sont considérés « conformes », c’est-à-dire entrés dans le dispositif des Ad’Ap :

  • 50% sont accessibles ;
  • 35% ont obtenu une ou plusieurs dérogations ;
  • 15% sont encore sous Ad’AP.

Le ministère estime à près d’un million, le nombre d’ERP encore en dehors du dispositif (2 millions d’ERP sont répertoriés).

Concernant le patrimoine des collectivités locales et de l’État, 80% des 35 000 communes ont déposé un Ad’AP pour leur patrimoine (bâtiments municipaux).

Accessibilité des réseaux de transport public

Bilan de l’accessibilité des gares
Le réseau ferroviaire compte dans l’Hexagone environ 3 000 points d’arrêts (gares et haltes ferroviaires). La programmation de mise en accessibilité (les SD’AP ferroviaires) porte sur un total de 737 gares dites « prioritaires ».

Selon le rapport d’accessibilité 2022 du réseau SNCF :

  • 52% des gares nationales à aménager sont accessibles (bâtiments et quais) ;
  • 50% des gares régionales à aménager sont accessibles ;
  • 64% des gares d’île de France à aménager sont accessibles.

Bilan de l’accessibilité des réseaux de métro 
La France possède six réseaux de métros :

  • à Lille, Toulouse et Rennes, toutes les lignes sont accessibles ;
  • à Paris, une seule lige est accessible ;
  • à Lyon, aucune ligne n’est accessible ;
  • à Marseille, des travaux sont en cours.

Bilan de l’accessibilité des réseaux de bus et cars
En 2022, le Cerema a mené des enquêtes sur l’accessibilité des transports urbains et des transports interurbains régionaux :

  • 39% des arrêts prioritaires des SD’AP du réseau de transport urbain sont encore à aménager (105 autorités organisatrices des mobilités sur 336 ayant répondu à l’enquête) ;
  • 37% des arrêts prioritaires des SD’AP du réseau interurbain sont encore à aménager (8 régions sur 18 ayant répondu à l’enquête).

Quelle accessibilité pour les jeux Olympiques Paris 2024 ?

Selon l’audit des mobilités des JO de Paris 2024, le COJO prévoit d’accueillir 1% de personnes à mobilité réduite (PMR), usagers en fauteuil roulant (UFR), au sein des sites de compétition, soit environ 65 000 spectateurs pendant les Jeux Olympiques et 34 000 pendant les Jeux Paralympiques (en moyenne 3600 et 2800 par jour respectivement) d’Ile-de-France.
L’accessibilité limitée des transports en commun franciliens impose de concevoir des solutions de transports alternatives pour la desserte des sites (navettes aménagées depuis les grandes gares, par exemple).

Accessibilité des services publics numériques

La direction interministérielle du numérique a développé un site permettant de suivre l’avancée et la qualité de la dématérialisation des 250 démarches phares de l’État. Il met à disposition les données précises sur l’offre de services dématérialisés aux usagers et présente des indicateurs de qualité concrets mis à jour tous les 3 mois.

La mise à jour d’avril 2023 indique que :

Lors du comité interministériel du handicap de septembre 2023, le gouvernement s’est engagé à ce que toutes les démarches en ligne essentielles soient accessibles aux personnes en situation de handicap d’ici à 2025, et que tous les sites et applications mobiles soient accessibles d’ici à la fin du quinquennat.

La France toujours en retard

Deux organisations, le Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe, ont porté réclamation auprès du Conseil de l’Europe le 14 mai 2018. Elles considèrent que la France ne respecte pas la Charte sociale européenne en matière d’inclusion et d’accessibilité des personnes handicapées. Dans sa décision (rendue publique le 17 avril 2023), le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CEDS) conclut à une violation par la France de la Charte sociale européenne, notamment en raison du manquement des autorités à adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne :

  • l’accès aux services d’aide sociale et aux aides financières ;
  • l’accessibilité des bâtiments, des installations et des transports publics.

Source: vie-publique.fr