10 500 athlètes olympiques et 4 350 athlètes paralympiques participant à 878 épreuves dans 54 sports. 72 collectivités hôtes, plus de 40 000 bénévoles mobilisés, près de 13 millions de billets mis en vente. Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 sont une manifestation sportive de grande échelle.

Les jeux Olympiques et Oaralympiques (JOP) de Paris, organisés du 26 juillet au 8 septembre 2024, font partie des grands événements sportifs internationaux (GESI).
Au-delà de leur dimension sportive, ces grands événements présentent de nombreux enjeux environnementaux, politiques, économiques et sociaux.
Dans un contexte de menaces multiples – terrorisme, attaques cyber, crise sanitaire – la sécurité des JOP constitue un enjeu particulièrement important.

L’étalement géographique des JOP constitue un premier défi pour leur sécurisation. Les JOP de Paris 2024 ne se dérouleront pas uniquement à Paris mais aussi en proche banlieue parisienne et en Île-de-France. Les villes de Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Nice et Saint-Etienne, accueilleront des compétions dans leurs stades ainsi que Marseille qui accueillera également des épreuves de voile. Les épreuves de surf auront lieu en Polynésie, à Tahiti.

La cérémonie d’ouverture est aussi un pari pour la sécurité. Pour la première fois, elle aura lieu en dehors d’un stade. 300 000 spectateurs pourront assister au défilé qui se déroulera sur six kilomètres le long de la Seine.

Un échec de la sécurisation des JOP décrédibiliserait la France sur la scène internationale alors qu’elle a déjà essuyé des critiques à l’occasion de l’organisation de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France. L’attractivité de la première destination touristique mondiale est en jeu.

Pour autant, cette obligation de réussite en matière de sécurité ne doit pas porter atteinte aux libertés publiques.

Une organisation spécifique à la sécurité des Jeux

L’État a mis en place une gouvernance dédiée aux JOP en matière de sécurité.

Le ministre de l’intérieur, habituellement compétent en matière d’ordre public et de sécurité, est l’autorité décisionnelle en matière de sécurité des JOP, sous l’autorité du Premier ministre.

La gouvernance s’articule autour de la coordination nationale de la sécurité des jeux (CNSJ) qui assure la coordination des différents services du ministère de l’intérieur, et représente le pôle sécurité auprès du délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP) qui est le garant d’une approche globale des risques (sécurité, sûreté et secours) et de la coordination entre toutes les parties prenantes.

Un centre national de commandement stratégique (CNCS) a pour mission d’analyser, de synthétiser et de transmettre les informations reçues sur le déroulement des JOP en terme de sécurité.

Le ministère de l’intérieur s’est également doté d’un centre de renseignement olympique (CRO), un échelon de synthèse chargé d’intégrer les informations recueillies par les services composant la communauté française du renseignement.

Par ailleurs, selon le décret du 14 février 2024 les compétences du préfet de police de Paris en matière d’ordre public et de coordination du dispositif de sécurité intérieure sont étendues à l’ensemble des départements de la région Île-de-France, pour la période comprise entre le 1er juillet et le 15 septembre 2024. Ce décret rend en outre compétent, à Paris, le préfet de police en matière de police des aérodromes, des installations aéronautiques et de sûreté aéroportuaire du 1er mai au 31 décembre 2024, notamment en vue d’expérimenter un « vertiport » pour les taxis volants (engins électriques tenant à la fois du drone et de l’hélicoptère).
Tous les départements connaîtront un « décloisonnement » des zones habituelles de compétence respectives de la police et de la gendarmerie.

Délimitation des périmètres de sécurité autour des sites olympiques et paralympiques à Paris et en banlieue parisienne

Le 29 novembre 2023, le préfet de police de Paris a présenté les périmètres de sécurité autour des sites olympiques et paralympiques ayant un « impact sur la circulation routière« . Deux grandes catégories de périmètres sont mis en place :

  • les périmètres « organisateur » qui correspondent à des zones de sécurité à proximité immédiate des sites olympiques et paralympiques (place de la Concorde, Trocadéro, Tour Eiffel, Stade de France…). L’accès à ces zones est strictement limité aux personnes et véhicules autorisés et accrédités par l’organisateur, Paris 2024, et aux personnes en possession de billets pour les épreuves.
  • les périmètres « État » définis par la préfecture de Police parmi lesquels notamment les périmètres de protection (intitulés « SILT« , en référence à la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) situés à proximité des sites et accessibles uniquement aux spectateurs munis de billets et aux personnes accréditées et les périmètres d’interdiction de la circulation motorisée accessibles aux piétons, aux cyclistes et aux catégories de personnes autorisées avec véhicules après contrôles des forces de l’ordre.

Le 5 mars 2024, le ministre de l’intérieur a été auditionné par la commission des lois du Sénat pour présenter l’ensemble du plan de sécurité relatif aux JOP. Il a précisé les mesures de sécurisation du relais de la flamme, de la cérémonie d’ouverture et les conditions d’accès aux périmètres de sécurité pendant les jeux, notamment :

  • un million d’enquêtes administratives visant athlètes, bénévoles, agents de sécurité… ;
  • l’inscription obligatoire sur une plateforme numérique pour l’accès des spectateurs et riverains aux périmètres SILT.

L’État et le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) ont signé, en janvier 2021, un protocole de sécurité des JOP établissant la répartition des responsabilités :

  • la sécurité des sites de compétition, du village des athlètes, du village des médias et de leurs abords immédiats incombe au COJOP ;
  • la sécurisation des espaces publics relève de l’État (qui peut reprendre la main sur l’ensemble des dispositifs en cas de crise majeure) ;
  • les collectivités territoriales se chargent de la sécurisation des zones de célébration et des évènements qu’elles organisent.

Des effectifs de sécurité privée insuffisants

La sécurisation des JOP nécessite la mobilisation d’importants effectifs des forces de sécurité intérieure et de sécurité privée.

Dans un rapport sur l’organisation des jeux Olympiques publié le 11 janvier 2023, la Cour des comptes fait le point sur les défis qui restent à relever pour réussir leur organisation.

Elle met en avant que « la mise en œuvre des dispositifs de sécurité publique comme de sécurité sanitaire suppose la mobilisation en Île-de-France de moyens humains et matériels bien au-delà des capacités présentes dans cette région et même, s’agissant de la sécurité privée, au-delà des capacités présentes sur le territoire national. »
Elle note que les pouvoirs publics et l’organisateur ont pris la mesure du déficit capacitaire de la sécurité privée et que des actions visant à restaurer l’attractivité de cette branche professionnelle ont été mise en place. Elle invite à planifier les scénarios alternatifs substituant, pour partie, des forces de sécurité intérieure à la sécurité privée pour des missions incombant à l’organisateur.
La Cour préconise les mesures suivantes :

  • assurer la montée en charge et le recours aux réserves opérationnelles de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des armées ;
  • prévoir les conditions d’appel aux forces armées sur des missions qui doivent être strictement définies et planifiées.

Le 20 juillet 2023, la Cour des comptes a publié un rapport complémentaire sur l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Elle y confirme que le défi capacitaire des entreprises privées de sécurité reste à relever et qu’il faut anticiper un recours probable aux forces de sécurité intérieure et aux armées tout en préservant la capacité d’action des forces de sécurité intérieure pour faire face à leurs missions habituelles en période estivale.

La Cour explique pourquoi la capacité de la branche professionnelle privée de sécurité à répondre aux besoins liés à la tenue des JOP est plus que jamais en question. Les difficultés structurelles que connaît cette branche professionnelle ont été encore accrues par la crise sanitaire.

Le secteur privé de la sécurité, est composé d’un très grand nombre de petites entreprises, en 2019 :

  • 8 506 des 11 976 entreprises du secteur (soit 71% du total) ne comptaient aucun salarié ;
  • 2 335 entreprises (soit 19,5% du total) n’en comptaient qu’entre un et dix-neuf.

L’activité de la plupart des entreprises du secteur est en effet liée à l’événementiel, ce qui ne leur permet pas de disposer de la visibilité nécessaire pour croître et fidéliser leurs effectifs.
À ces facteurs structurels s’ajoutent les conséquences de la crise sanitaire sur l’événementiel, la diminution sans précédent du nombre d’événements a entraîné le départ d’un grand nombre de salariés ponctuels vers d’autres secteurs d’activité.
Selon le Centre national des activités privées de sécurité (CNAPS) le nombre de porteurs de carte professionnelle d’agent de sécurité est passé de 304 000 en 2021 à 280 000 (dont seulement 90 000 localisés en Île-de-France) en 2022.

Alors que la branche privée de la sécurité fait face à un important déficit d’attractivité, les besoins de sécurité sont plus conséquents par rapport aux précédentes éditions des JOP en raison de l’évolution du contexte sécuritaire.
L’évaluation des besoins du COJOP est de 17 000 agents de sécurité par jour en moyenne durant les Jeux (avec des pics pouvant atteindre 22 000 par jour). L’essentiel de ces besoins est concentré sur l’Île-de-France.

Les services de l’État ont engagé un effort de grande ampleur pour attirer de nouveaux candidats vers le secteur privé de la sécurité. Des actions de communication ont été déployées à destination :

  • des personnes disposant d’une carte professionnelle d’agent privé de sécurité ;
  • de celles dont la carte professionnelle expire prochainement ;
  • de 42 000 personnes inscrites dans des spécialités mobilisant des compétences valorisables pour exercer les métiers de la branche privée de la sécurité ;
  • de 24 000 demandeurs d’emploi au chômage depuis plus de deux ans.

D’autres actions ont ciblé les étudiants et des publics en insertion (écoles de la deuxième chance, établissements pour l’insertion dans l’emploi), pour les orienter vers l’offre de formation et d’accompagnement proposée par Pôle emploi. Depuis mi-avril 2023, les personnes formées sont orientées prioritairement vers les entreprises retenues par le COJOP dans le cadre de ses appels d’offres.

Des aménagements réglementaires – en vue d’attirer 3 000 étudiants – ont été adoptés afin de prévoir des modalités de formation plus courtes, centrées sur l’événementiel :

Le COJOP a lancé trois vagues d’appels d’offres pour sélectionner les prestataires privés de sécurité.
Selon les rapporteurs de la Cour des comptes : « Le risque que plusieurs appels d’offres du COJOP demeurent infructueux est réel et, à supposer même que l’ensemble des lots soient attribués par le COJOP, le risque d’une défaillance de certains prestataires ne peut être écarté. »
Ces derniers estiment :

  • que rien ne permet d’assurer que les prestataires arriveront à recruter un niveau d’effectifs présentant les qualifications requises suffisant pour réaliser les prestations commandées ;
  • et que dans l’hypothèse où tous les personnels nécessaires seraient effectivement recrutés et fidélisés, le risque d’absentéisme est réel, ainsi que l’a montré l’exemple des Jeux du Commonwealth qui se sont tenus à Birmingham à l’été 2022 et lors duquel le taux d’absentéisme a atteint 20%.

Le COJOP a demandé à ses prestataires de prévoir un surcroît de ressources compris entre 10% et 30% afin de faire face aux défections de dernière minute.
La question de la faisabilité d’un tel niveau de recrutements dans le contexte que connaît actuellement la filière, reste toutefois entière.

Les caméras « augmentées » : une atteinte aux libertés ?

Les caméras dites « augmentées » ou « intelligentes » sont en plein développement et suscitent de nombreuses questions sur lesquelles la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est régulièrement saisie.

Caméras biométriques et caméras « augmentées », quelles différences ?

Selon la CNIL, deux critères permettent de différencier ces dispositifs :

  • la nature des données traitées (caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales) ;
  • l’objectif du dispositif : identifier ou authentifier de manière unique une personne.

Or, si un dispositif biométrique (par exemple de reconnaissance faciale) cumule toujours les deux critères, une caméra « augmentée » ne remplit au maximum qu’un critère.

Après avoir organisé une consultation publique, la CNIL a publié, le 19 juillet 2022, sa position sur cette technologie – des logiciels de traitement automatisé d’images couplés à des caméras – qui permet d’analyser de manière automatisée certaines caractéristiques de personnes ou leur comportement.

Selon la CNIL : « Le déploiement dans l’espace public de caméras augmentées présente des risques nouveaux pour la vie privée. En effet, une généralisation non maîtrisée de ces dispositifs, par nature intrusifs, conduirait à un risque de surveillance et d’analyse généralisée dans l’espace public susceptible de modifier, en réaction, les comportements des personnes circulant dans la rue ou se rendant dans des magasins. »

La CNIL estime que les dispositifs de vidéo « augmentée » ne constituent pas un un simple prolongement technique des caméras existantes. Ils modifient la nature des caméras vidéo existantes par leur capacité de détection et d’analyse automatisée et posent, par conséquent, des questions éthiques et juridiques nouvelles.
La captation et l’analyse de l’image des personnes dans les espaces publics sont porteuses de risques pour leurs droits et libertés fondamentaux (droit à la vie privée, liberté d’aller et venir, liberté de réunion, droit de manifester…).
La CNIL considère, qu’aucune disposition du code de la sécurité intérieure, n’encadre, à ce jour, les conditions de mise en œuvre des dispositifs de vidéo « augmentée » et que le recours à des analyses algorithmiques d’images de caméras de vidéoprotection, réalisées en temps réel en vue d’une intervention immédiate ou de l’enclenchement de procédures administratives ou judiciaires par les services de police, nécessite un encadrement législatif spécifique.

La CNIL a fait de la thématique des usages des caméras dites « augmentées » ou « intelligentes » un axe prioritaire de son plan stratégique 2022-2024. Selon la CNIL, l’utilisation de ces caméras couplées à des algorithmes prédictifs pose la question du caractère nécessaire et proportionné de ces dispositifs et fait courir le risque d’une surveillance à grande échelle des personnes. Faire de ce sujet une thématique prioritaire des contrôles en 2023 permettra à la CNIL de vérifier le respect du cadre légal notamment par les acteurs publics.

La loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions autorise à titre expérimental (jusqu’au 31 mars 2025) le traitement algorithmique d’images collectées par des systèmes de vidéoprotection ou par des caméras installées sur des aéronefs (notamment des drones). Cette expérimentation concerne uniquement la sécurisation de manifestations sportives, récréatives ou culturelles dont l’ampleur les expose particulièrement à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes.
Ces traitements ont pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques et de les signaler aux services de sécurité.

Le décret du 28 août 2023 pris en application de l’article 10 de la loi du 19 mai 2023 établit la liste de ces événements prédéterminés :

  • présence d’objets abandonnés ;
  • présence ou utilisation d’armes ;
  • non-respect par une personne ou un véhicule, du sens de circulation commun ;
  • franchissement ou présence d’une personne ou d’un véhicule dans une zone interdite ou sensible ;
  • présence d’une personne au sol à la suite d’une chute ;
  • mouvement de foule ;
  • densité trop importante de personnes ;
  • départs de feux.

Même si les garanties prévues par la loi permettent de limiter les risques d’atteinte aux données et à la vie privée des personnes et vont dans le sens des préconisations formulées par la CNIL, des élus et des associations ont exprimé leur crainte face au risque de pérennisation du dispositif.

Dans le rapport sur l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public, enregistré le 12 avril 2023 à l’Assemblée nationale, la mission parlementaire insiste sur le caractère important de l’évaluation de l’expérimentation : « Loin d’être une formalité administrative quelconque, l’évaluation de l’expérimentation est l’un des éléments clefs à l’aune desquels le législateur sera amené à décider ou non de la pérennisation de ce dispositif – en ajustant, le cas échéant, ses modalités et son champ d’application au regard des conclusions […]. C’est à cette condition que le Parlement pourra exprimer un choix libre et éclairé quant aux suites qu’il comptera donner à l’expérimentation. »

Source: vie-publique.fr