Pérennisée à partir de 2008 sous le nom d’opération Harpie, la mission de Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI) en Guyane est pilotée par un Centre de conduite des opérations, fonctionnant 24h/24.

Co-localisé à Cayenne avec l’état-major des Forces armées en Guyane (FAG), le Centre de conduite des opérations (CCO) est le centre névralgique des opérations de lutte contre l’orpaillage illégal menées en Guyane française par la gendarmerie nationale. À l’effectif de seize gendarmes, dont quatre détachés, son organisation est calquée sur la structure type d’un état-major de l’OTAN, ce qui permet de faciliter la coordination avec les FAG, qui ont également adopté cette nomenclature. Commandé par le colonel Laurent Audouin, le CCO est en charge de la planification des missions. En cours d’action, il doit également réagir aux situations opérationnelles rencontrées par les militaires sur le terrain.

Une organisation en sections au format OTAN

Composé de quatre sections, le CCO est organisé selon la nomenclature de l’OTAN. Les fonctions sont ainsi dénommées par une lettre J pour Joint, interarmées, suivie d’un chiffre pour la fonction.

La section J2 est dédiée au renseignement. Les militaires qui y sont affectés sont chargés de collecter le renseignement et de l’exploiter. « Nous utilisons les données satellitaires et les informations récoltées par l’ensemble des partenaires à l’occasion de leurs reconnaissances aériennes et des missions effectuées en forêt », explique l’adjudant-chef Frédérico, engagé depuis neuf ans dans l’opération Harpie. La section peut également compter sur l’adjudant Michel. Lusophone, ce dernier se rend sur le terrain et entretient des contacts avec les garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, le plus souvent de nationalité brésilienne, NDLR) afin d’obtenir des indications actualisées. Les données sont ensuite traduites dans des cartographies mises à jour hebdomadairement par le major Jérôme, géomaticien. « Les informations sont partagées entre les FAG et la gendarmerie. Je prépare les fonds de carte nécessaires aux missions forêt programmées, en y incorporant tous les éléments utiles (sites actifs ou non, résultats obtenus sur le terrain, pistes à quad, etc.). Ces fonds de carte sont ensuite incorporés dans les GPS. À l’arrivée des gendarmes mobiles sur le sol guyanais, je leur délivre une courte formation afin de les aider à appréhender les outils cartographiques. Je les sensibilise également sur l’importance de collecter le renseignement. »

Les bureaux 3 et 5 sont indissociables et sont respectivement dédiés à la conduite et à la planification des missions. Deux réunions par semaine sont consacrées à la planification. Elles permettent de définir les priorités et la temporalité des opérations. Les gendarmes du J35 ont ainsi la charge de programmer les missions de lutte contre l’orpaillage illégal menées sur le territoire, de les répartir entre les différentes unités engagées dans l’opération en fonction de leurs spécificités et leur implantation (escadrons de gendarmerie mobile, AGIGN, etc.) et de solliciter les moyens complémentaires (renfort des FAG, transport et ravitaillement par voie aérienne, fluviale ou terrestre, etc.). Du fait de l’humidité ambiante et de la rigueur des missions, les vecteurs aériens souffrent d’un manque de disponibilité. C’est la raison pour laquelle un gendarme (J435) est spécifiquement dédié à l’engagement de ces moyens. Il doit systématiquement leur prévoir des alternatives.

Les unités peuvent également initier des opérations avec le concours du CCO. C’est notamment le cas de la division forêt de la Section de recherches (S.R.) de Cayenne, qui se projette fréquemment en forêt à des fins judiciaires (investigations, recherche de cadavre, levée de corps, etc.).

Au cours des missions, les militaires de J35 sont contactés par les unités engagées sur le terrain concernant les conduites à tenir. En cas de découverte d’un site d’orpaillage illégal et d’interpellation de garimpeiros, ils sont par exemple sollicités afin de les extraire de la forêt et de les présenter à la justice. S’engage alors une véritable course contre la montre dans la mesure où le Code minier octroie l’autorisation de différer le début de la garde à vue de 20 heures. Si cette exception peut sembler relativement confortable pour les enquêteurs agissant en métropole, elle s’avère l’être beaucoup moins en forêt équatoriale, où les trajets nécessitent souvent de nombreuses heures, qui se comptent parfois en jours. Il faut alors enclencher la manœuvre permettant d’extraire les mis en cause dans le délai imparti en fonction des vecteurs disponibles. Dans de pareilles situations, la gendarmerie requiert fréquemment des opérateurs civils.

Le bureau J4 est notamment consacré aux saisies. « En lien avec le parquet, cette section suit les saisies, notamment celles qui engendrent des attributions, et rédige les procédures qui conviennent, explique le colonel Audouin. On récupère du matériel neuf ou récent, du matériel réparable, du matériel rentable à exfiltrer de la forêt et qui peut être utile à la gendarmerie et à toutes les administrations qui concourent à la LCOI. Lors de l’une de nos dernières opérations, nous avons par exemple saisi un quad tout neuf, dont la valeur était estimée à 18 000 euros. L’extraire par hélicoptère coûtait 4 500 euros, nous avons donc fait le choix de le récupérer plutôt que de le détruire. Pour les aider à comprendre quels matériels saisir, le bureau J4 s’adresse aux gendarmes mobiles à leur arrivée en Guyane, avant qu’ils n’effectuent leurs premières missions en forêt. »

La ligne de vie des gendarmes en forêt

Au-delà de J4, c’est l’ensemble des bureaux qui intervient à l’occasion de l’arrivée d’un nouvel escadron lors de conférences d’accueil. L’objectif est de permettre aux nouveaux arrivants d’appréhender le fonctionnement du CCO et de les sensibiliser aux automatismes à avoir en forêt.

La sécurité des gendarmes engagés dans la LCOI est une priorité. Confrontés à la rigueur de la forêt et à un milieu susceptible d’attirer des bandes armées, ils se retrouvent particulièrement isolés. En effet, en l’absence de réseau téléphonique ou Internet, des vacations entre J35 et les patrouilles sont organisées quotidiennement par téléphone satellite Inmarsat. Néanmoins, sachant qu’il peut être difficile de trouver une trouée dans la forêt permettant d’utiliser ce moyen de communication, les militaires engagés en forêt disposent de 48 heures pour contacter le CCO. Si ce délai est dépassé, des opérations de recherche sont alors lancées.

« L’opération Harpie ne s’arrête jamais. Les gendarmes sont engagés en forêt de jour comme de nuit, et nous répondons donc à leurs appels téléphoniques 24h/24 », explique le capitaine Philippe Babin, adjoint au J35.

Outre leurs sollicitations judiciaires, les militaires engagés dans la mission Harpie peuvent contacter le CCO en cas de blessure (traumatisme, morsure et piqûre d’animaux, coup de chaleur, etc.). J35 a alors la responsabilité d’évaluer la situation et d’organiser, le cas échéant, l’évacuation sanitaire dans les plus brefs délais.
« La planification d’opérations inclut nécessairement une part d’incertitude, complète le capitaine Babin. Il est par exemple arrivé que nous soyons confrontés à la panne d’un vecteur aérien de grande capacité, nécessaire à l’extraction de militaires à l’issue de leur mission en forêt. Il a alors fallu nous adapter à la situation en leur larguant de la nourriture par un hélicoptère de plus petite taille, en attendant de pouvoir les extraire. Les gendarmes vivent ça comme une contrainte opérationnelle et sont vraiment résilients. »

Source: gendinfo.fr