Victime d’un grave accident corporel de la circulation survenu le 25 octobre 2022 en Normandie, tandis qu’il était en service, l’adjudant-chef Stéphane se reconstruit progressivement. Officier de police judiciaire, affecté à la Brigade de recherches de Saint-Malo, il a participé, en mars 2024, au stage d’équitation Cent’Or, proposé par la gendarmerie nationale aux militaires blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Une étape cruciale dans son processus de reconstruction.

Dans la nuit du 24 au 25 octobre 2022, alors qu’ils participent à une opération judiciaire dans le cadre d’un trafic de stupéfiants, sur l’autoroute A13, en Normandie, quatre gendarmes sont victimes d’un grave accident de la circulation. Percutés par un poids lourd de 44 tonnes, l’un d’eux perd la vie et trois autres sont blessés. Parmi eux, l’adjudant-chef Stéphane, enquêteur à la Brigade de recherches (B.R.) de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), est transporté en état d’urgence absolue au Centre universitaire hospitalier (CHU) de Rouen, où il reste plongé dans le coma durant dix jours. À son réveil, il est amputé de la jambe gauche. S’engage alors pour le militaire un long processus de reconstruction.

Originaire de Fougères, en Bretagne, l’adjudant-chef Stéphane est entré en gendarmerie à l’âge de 18 ans. Presque aussitôt, il se découvre une vocation pour le domaine judiciaire.
Membre de la B.R. de Saint-Malo depuis 2012, il participe à plusieurs enquêtes d’envergure, dont certaines connaissent un retentissement médiatique. « Vols de moteurs de bateaux, trafics de stupéfiants… les missions au sein d’une B.R. sont à la fois passionnantes et variées, précise l’adjudant-chef. Mon domaine de prédilection, c’était les stups ! »
Aussi, à peine réveillé du coma, la question est tranchée dans l’esprit du militaire. « Les choses seront certainement différentes à l’avenir, mais je reviendrai, décide-t-il dès cet instant. J’aime profondément mon métier, et ma volonté de servir la gendarmerie demeure intacte. »

Gendarme, l’apprentissage de la résilience

Après deux mois d’hospitalisation, Stéphane quitte le CHU de Rouen et regagne son domicile. Il entame alors une longue convalescence. Durant six mois, il se rend ainsi chaque jour au centre de rééducation de l’hôpital de jour de Saint-Malo. Les progrès sont rapides.
« Ma chance, c’est de n’avoir aucun souvenir de l’accident. Cette amnésie totale m’a permis d’avancer en me concentrant sur ma reconstruction physique, admet-il. Le métier de gendarme favorise en outre l’apprentissage de la résilience et forge le moral. Un facteur déterminant lors d’une épreuve comme celle-ci. »

C’est ainsi que six mois à peine après l’accident, le militaire réintègre la B.R. de Saint-Malo. C’est pour lui un défi de taille. Mais malgré la fatigue et les difficultés, il fait preuve d’une détermination sans faille, menant de front activité professionnelle et rééducation.
Dès le mois de mars 2023, il est éligible à l’obtention d’une prothèse de jambe. « La meilleure qui aujourd’hui existe sur le marché », précise-t-il. Il l’obtient par le biais de l’hôpital national d’instruction des armées Percy, de Clamart (92). Vient alors le moment décisif de remarcher. « C’est tout un apprentissage. Il y a beaucoup de choses à dépasser à cet instant-là », confie-t-il.

Reprendre confiance en soi et en l’autre

L’un de ses camarades, également blessé dans l’accident, lui parle un jour du programme de reconstruction des blessés par le sport de la gendarmerie nationale. Sportif accompli avant l’accident, Stéphane entreprend des démarches afin d’en bénéficier. Le capitaine Franck Martineau, membre de la Section sociale, de l’accompagnement des blessés et du handicap de la Direction générale de la gendarmerie nationale, l’oriente alors vers l’un des quatre programmes que propose l’Institution (Ad refectioAquaphénixCent’Or et Esprit de cordée).

C’est ainsi qu’un lundi de mars 2024, l’adjudant-chef se présente au centre d’instruction du régiment de cavalerie de la Garde républicaine, à Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines, afin d’y suivre un stage d’équitation adapté, nommé Cent’Or. « Le simple fait de me rendre sur place, en région parisienne, par le train, puis le métro, fut pour moi une première victoire ! », se souvient-il. Dans ce lieu sont formés les cavaliers de la Garde républicaine, leurs jeunes chevaux, les futurs moniteurs, ainsi que les cavaliers de la gendarmerie départementale.

Le temps d’une semaine, l’adjudant-chef et cinq autres gendarmes, également blessés dans l’exercice de leurs fonctions, ont ainsi appris, ensemble, et avec l’aide de l’animal, à reprendre confiance en eux et en l’autre. Stéphane n’avait alors jamais pratiqué l’équitation. Mais qu’importe, l’objectif étant ici de vivre une expérience unique, fondée sur les sensations corporelles et émotionnelles.

Un stage aux vertus thérapeutiques

À peine arrivés, les six stagiaires font connaissance avec le cheval qui leur est attribué pour la durée du stage, ainsi que le garde chargé d’accompagner chacun d’eux. Stéphane fait ainsi équipe avec Api et Fabrice. Individuels ou collectifs, les exercices rythment la semaine. Si tous sont extrêmement riches en enseignements et en émotions, deux séquences ont particulièrement marqué l’adjudant-chef.

La première s’est déroulée en groupe, en compagnie des cinq autres blessés. « Nous avions alors pour mission d’unir nos forces pour maîtriser ensemble un jeune cheval lâché dans le manège, qu’aucun de nous ne connaissait. Il nous a fallu l’entourer sans le toucher, puis le guider pour le conduire à passer des portes, se remémore-t-il. Afin d’y parvenir, nous avons désigné un meneur et défini les rôles de chacun. L’exercice s’est avéré très intéressant ! L’autre moment particulièrement mémorable s’est joué en individuel. Je suis alors monté sur mon cheval avec une seule jambe », poursuit-il. Tout un symbole, dix-huit mois seulement après son terrible accident.

Si le lien avec l’animal est extrêmement fort, le partage d’expérience avec les autres participants constitue l’autre grande richesse de ce stage. « Quand on est convalescent, on est totalement centré sur soi. Cette semaine m’a permis de m’ouvrir aux autres. Une première dans mon parcours de reconstruction ! , observe Stéphane. Nous avons beaucoup échangé autour des difficultés que nous rencontrons depuis nos accidents respectifs, mais aussi sur le regard que porte la société sur le handicap. Ce stage présente de véritables vertus thérapeutiques. Il m’a permis d’évacuer une quantité de choses, et de réaliser que je n’étais qu’au début de ma reconstruction. »

Au-delà de ces quelques jours passés à Saint-Germain-en-Laye, cette expérience déterminante a continué d’insuffler ses effets bénéfiques dans la durée. « On sort de là plein d’énergie, prêt à relever d’autres défis ! »

Objectif : courir trois kilomètres !

Fort de cette expérience structurante, Stéphane se lance un défi dans le cadre du Challenge de la flamme du Phénix, un événement lancé par l’association Les Phénix de la Gendarmerie, dans le but de fédérer l’ensemble des personnels de l’Institution autour des valeurs du sport. Accompagné de plusieurs de ses camarades, il parcourt alors 44 kilomètres à vélo, un sport qu’il pratiquait avant l’accident. « C’était un mois après la fin du programme Cent’Or. J’avais de l’énergie à revendre ! », souffle-t-il.

Désormais équipé d’une lame de course, cet ancien marathonien s’abonne aux joies retrouvées du footing, avec pour cadre la plage du Sillon, l’une des plus belles de Bretagne. Compétiteur dans l’âme, il s’est lancé un nouveau défi : courir trois kilomètres, distance requise afin de valider le Contrôle de la condition physique du militaire (CCPM). « J’améliore peu à peu ma performance. Après avoir commencé par une distance de 50 mètres, je parviens aujourd’hui à parcourir un kilomètre. Je compte bien multiplier par trois cette distance ! »
Un autre projet lui tient également à cœur : participer d’ici l’an prochain à un nouveau stage du dispositif de reconstruction des blessés par le sport.

Chaque année, pas moins de 4 500 gendarmes sont blessés dans l’exercice de leur mission. Un chiffre qui traduit le sens du devoir et l’abnégation dont font preuve celles et ceux qui s’engagent pour la sécurité du pays et de leurs concitoyens.

Le 19 novembre prochain, à Dijon, une œuvre réalisée et offerte par le sculpteur Jean-Pierre Rives, en hommage aux blessés de la gendarmerie nationale, sera inaugurée. Organisé par la Fondation Maison de la Gendarmerie à l’occasion de son 80e anniversaire, cet événement fondateur constitue une première pour l’Institution.

Source: gendinfo.fr