Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), de la Section de recherches (S.R.) de Versailles, du COMCYBERGEND et la Brigade de recherches (B.R.) de Nice, ont arrêté plusieurs équipes de malfaiteurs ayant participé au blanchiment d’extorsions commises par l’envoi de plusieurs centaines de milliers de courriels, pour un préjudice de plus de 3 millions d’euros.

Depuis le début de l’année 2021, une campagne d’hameçonnage (phishing) était observée sur le territoire national. Dans les courriels qu’ils envoyaient, les malfaiteurs avaient pour particularité d’usurper les identités d’officiers généraux de la gendarmerie, de commissaires de police, de hauts magistrats et de chefs de polices européennes.

Ciblant des personnes physiques de manière indifférenciée, ces courriels contenaient des alertes faisant croire que le profil du destinataire avait été détecté à l’occasion d’une cyber-infiltration sur des sites Internet pédopornographiques et qu’une procédure judiciaire était envisagée. Des propositions d’abandon de procédure pénale ou de renonciation à un mandat d’arrêt étaient faites contre paiement d’une « amende ».

Plus de 3,3 millions d’euros de préjudice et des conséquences dramatiques

Saisie du dossier à partir du mois de juin 2021, la section J3 du Parquet de Paris a centralisé l’ensemble des procédures, avant de tenter d’identifier les têtes du réseau, grâce à la co-saisie, dès le mois de février 2022, de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), de la Section de recherches (S.R.) de Versailles, du ComCyberGend (Commandement de la Gendarmerie dans le Cyberespace), et de la Brigade de rechercches (B.R.) de Nice.

Au mois de juin 2022, le bilan judiciaire est de 150 000 signalements (notamment via la plateforme PHAROS) et plus de 300 dépôts de plainte. De nombreux destinataires, majoritairement des seniors, ont payé entre 1 400 euros et 90 000 euros à la suite de la réception des courriels. Le préjudice de cette vaste campagne de phishing s’élèverait ainsi à au moins 3,3 millions d’euros.

Les conséquences de cette escroquerie en ligne sont dramatiques, puisque parmi les préjudices notables, six enquêtes ont été ouvertes en parallèle après la constatation de suicides potentiellement en lien avec la réception de ces fausses convocations judiciaires. L’une des victimes a notamment subi une double extorsion : après un premier paiement de 5 978 euros, les malfaiteurs lui ont demandé de payer à nouveau 7 480 euros. Se sentant impuissante et prise au piège, elle s’est donné la mort.

Une escroquerie tentaculaire qui dépasse les frontières

La campagne de phishing a touché d’autres pays d’Europe. Aussi, dès le mois d’octobre 2022, la France a ouvert un dossier EUROJUST, afin de lutter contre le phénomène aux côtés de ses partenaires européens, notamment l’Italie et la Roumanie.

Les investigations menées ont permis de remonter à l’origine des envois, principalement en République de Côte d’Ivoire. Une coopération avec les autorités judiciaires ivoiriennes a donc été initiée et des enquêteurs de la S.R. de Versailles se sont déplacés en Côte d’Ivoire, en mai 2022, avec le soutien d’Interpol. En réalité, il n’existerait pas d’organisation structurée, mais plutôt un mode opératoire généralisé mis en œuvre par divers individus, ayant chacun recours à des réseaux de blanchiment préétablis.

L’un de ces réseaux de blanchisseurs a été découvert en France, où 18 personnes ont ainsi été interpellées cette semaine. Un individu a également été arrêté en Belgique, de manière coordonnée, sur exécution d’une demande d’entraide. Les mis en cause ont fait ouvrir des comptes bancaires, soit par des personnes qu’ils recrutaient pour l’occasion, soit en utilisant des fausses pièces d’identité. L’argent réceptionné sur ces comptes était envoyé sur d’autres comptes, dits « rebonds », ou retiré puis envoyé à l’étranger, notamment en République de Côte d’Ivoire. Plusieurs des mis en cause ont fait l’objet de convocation devant le Tribunal correctionnel de Paris. Une campagne de prévention a été initiée aux côtés du GIP ACYMA (Cybermalveillance) et des liens avec TRACFIN ont été établis aux fins de bloquer les circuits de blanchiment.

Source: gendinfo.fr